Caravane de l’agroécologie : 20 jours pour transformer l’agriculture sénégalaise

Plaidoyer 19 juin 2025
Pour la troisième fois, le Cirad a accompagné la caravane de la Dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal (DyTAES). Véritable plateforme mobile d’échange, cette caravane sillonne le pays afin de promouvoir une transition agroécologique juste, inclusive et durable. Son objectif principal : co-construire avec les acteurs locaux les futures politiques publiques en faveur d’une agriculture souveraine, résiliente et respectueuse de l’environnement.
Les caravaniers visitent le Lycée technique agricole de Bignona, en Casamance © R. Belmin, Cirad
Les caravaniers visitent le Lycée technique agricole de Bignona, en Casamance © R. Belmin, Cirad

Les caravaniers visitent le Lycée technique agricole de Bignona, en Casamance © R. Belmin, Cirad

23 étapes et départements visités, 1700 organisations consultées et 98 sites et initiatives agroécologiques rencontrées. L’édition 2025 de la caravane de l’agroécologie au Sénégal dépasse les précédentes par son ampleur et son impact. Elle poursuit son double objectif : nourrir la stratégie nationale d’agroécologie avec les recommandations issues du terrain, tout en renforçant les Dynamiques pour une transition agroécologique locale (DyTAEL), qui se multiplient à travers le pays.

Dynamiser l’agroécologie, du local au national

Les précédentes éditions avaient donné lieu à des recommandations politiques, permettant notamment d’alimenter les réflexions autour de la COP15, du Forum mondial de l’eau et du Plan Sénégal émergent Vert. Mais cette troisième édition, co-portée par la DyTAES et le ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage de la caravane est venue directement enrichir l’agenda de transformation national « Sénégal 2050 ».

Pour Raphaël Belmin, agronome au Cirad, « cette édition a pour but de collecter les recommandations politiques concrètes des communautés et ainsi nourrir la future stratégie nationale d’agroécologie ».

La nouveauté de cette édition a été la présence, dans six étapes, de l’exposition mobile « YAAY DUND - Régénérer le vivant » du chercheur-photographe Raphaël Belmin. Elle met en lumière le rôle central, mais souvent invisible des femmes dans les systèmes alimentaires. Comme le rappelle Marie Louise Diatta, coordinatrice du Centre d’assistance et de formation des femmes d’Oussouye : « Les femmes des champs travaillent dans ce sens-là, elles sont les gardiennes des valeurs culturelles. »

Visite de l’expo-mobile YAAY DUND lors de l’étape du Lac de Guiers © BNStudio, Cirad

Visite de l’expo-mobile YAAY DUND lors de l’étape du Lac de Guiers © BNStudio, Cirad

Une stratégie territoriale portée par les acteurs locaux

En tant que membre fondateur de la DyTAES, le Cirad accompagne plusieurs DyTAEL départementales, en particulier à Oussouye, Bignona, Fatick et Dagana (Lac de Guiers).

À Oussouye, par exemple, une nouvelle DyTAEL a été lancée suite à un atelier initié par le Cirad en mars dernier, et renforcé à l’occasion de la caravane. Cette région, souvent décrite comme un territoire naturellement agroécologique, se distingue par son approche de conservation plus que de transition. « Ici, il ne s’agit pas de basculer vers l’agroécologie, mais bien de préserver le riche patrimoine agroécologique existant, héritage d’une société agraire ancienne ancrée dans un écosystème de delta et soutenu par des institutions coutumières fortes », explique Raphaël Belmin, chercheur au Cirad.

Maurice Diedhiou, président du conseil départemental d’Oussouye, se dit pour sa part « très satisfait de l’engagement des acteurs locaux. Le département d’Oussouye a toujours été un territoire d’agroécologie. La DyTAES y est accueillie à bras ouverts. »

Raphaël Belmin, agronome au Cirad, à la cérémonie d’ouverture de l’étape d’Oussouye © BNStudio, Cirad

Raphaël Belmin, agronome au Cirad, à la cérémonie d’ouverture de l’étape d’Oussouye © BNStudio, Cirad

Des résultats tangibles : échanges, formations, solutions locales

Dans chaque région visitée, la caravane s’est arrêtée deux jours : un dédié aux visites de terrain, un autre consacré aux ateliers participatifs. Ces moments ont permis d’identifier les défis locaux, comme la sécurisation foncière basée sur le droit coutumier à Oussouye. Et de valoriser les pratiques agroécologiques : plantation d’arbres fertilitaires, production de compost organique, diversification des cultures…

À travers ces échanges, la caravane a mis en lumière la résilience des producteurs malgré les contraintes. « Il y a des difficultés, mais les producteurs sont très enclins à les surmonter », souligne Rahim Ouédraogo, économiste au Cirad, lors de l’étape dans la vallée du fleuve Sénégal. Cheikh Ahmed Fall, directeur de la délégation du Lac de Guiers de la Société d’aménagement et d’exploitation des terres du Delta du fleuve Sénégal et des vallées du fleuve Sénégal et de la Falémé (SAED), complète : « nous avons constaté des pratiques locales qui méritent d’être valorisées, notamment autour du lac de Guiers. Face au changement climatique et à la pression sur les ressources, ces pratiques ne sont plus une option, mais une obligation. »

Pour Rahim Ouédraogo, « la DyTAES contribue à l’institutionnalisation de l’agroécologie, renforce la résilience des exploitations familiales, et promeut une décentralisation effective des politiques agricoles. »

Visite d’une serre-filet de piments cultivés en agroécologie au niveau de la ferme-école Eco-from Africa, à Bignona © R. Belmin, Cirad

Visite d’une serre-filet de piments cultivés en agroécologie au niveau de la ferme-école Eco-from Africa, à Bignona © R. Belmin, Cirad

La caravane de l’agroécologie, un levier de transformation pour les territoires ?

Partout où elle est passée, la caravane a créé un cadre de dialogue, de formation et d’espoir. À Oussouye, Patrice Diatta, entrepreneur et fondateur de la ferme agroécologique de Emaye, témoigne : « Cette caravane permet de découvrir les réalités environnementales de notre territoire et de voir des initiatives pertinentes mises en place pour un meilleur cadre de vie. »

Plus encore que le dialogue, cette caravane a été un lieu de co-construction de l’avenir de l’agriculture agroécologique. Pour Rahim Ouédraogo « On est dans une phase de co-construction, on travaille avec les acteurs pour identifier avec eux leurs difficultés et voir ensemble comment on peut s’entraider. Nous pourrons apporter un appui en termes de connaissances scientifiques, mais c’est aussi aux acteurs locaux de produire des connaissances endogènes que nous pourrons par la suite valoriser. »

À ses côtés, Omer Diedhiou, président du comité de gestion de l’Aire marine protégée Kaalolaal Blouf-Fogny, à Oussouye, insiste : « Ce que la caravane a permis de montrer, c’est que nous sommes capables de nous organiser, de nous mobiliser. Le développement ne se fait pas seul, mais ensemble. »

Consultation communautaire dans le cadre de la caravane à Bignona © R. Belmin, Cirad

Consultation communautaire dans le cadre de la caravane à Bignona © R. Belmin, Cirad

Vers un avenir agroécologique partagé

Soutenu par le Cirad, la caravane DyTAES 2025 a posé les fondements d’un modèle agricole alternatif au Sénégal, enraciné dans les réalités locales, porté par les communautés et tourné vers un futur durable. Elle a capitalisé les initiatives locales, renforcé les liens entre territoires et institutions, et ouvert la voie à une agroécologie nationale cohérente, résiliente et inclusive.

Les activités du Cirad en soutien à la caravane DyTAES 2025 ont été financées par le Fonds Équipe France du Service de coopération et d’action culturelle (SCAC) de l’Ambassade de France au Sénégal, par une Action incitative de la Banque mondiale (NBS Invest), par le projet ACROPICS et le projet Santés & Territoires.

La DyTAES, dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal
Depuis sa création en 2019, la DyTAES œuvre activement à favoriser une transition agroécologique inclusive à travers le plaidoyer, le dialogue politique, la sensibilisation, la mise en réseau et l’accompagnement des territoires. Les caravanes de 2019 et 2022 ont marqué des étapes clés de ce processus, en réunissant des acteurs variés – agriculteurs, collectivités, chercheurs, ONG, décideurs – autour de problématiques cruciales comme l’accès à l’eau productive, la restauration des sols, ou encore la valorisation des produits agroécologiques.
logos Dytaes caravane 2025