Des outils Open source pour une surveillance sanitaire européenne hyper performante

Science en action 31 mars 2022
Changement climatique, mobilité animale et humaine, croissance démographique, urbanisation… Il existe aujourd’hui un risque accru d’émergence de nouveaux pathogènes et d’accélération de leur propagation au niveau mondial. Comment identifier précocement les nouveaux signaux épidémiques ? Le projet européen MOOD conçoit des outils innovants et ergonomiques pour renforcer la veille sanitaire en Europe. Trois modules Open source sont en cours de développement par le consortium européen.
Panneau d’information sur la COVID-19 dans une rue de Jakarta en Indonésie © Ciradimage, A. Rival
Panneau d’information sur la COVID-19 dans une rue de Jakarta en Indonésie © Ciradimage, A. Rival

Panneau d’information sur la COVID-19 dans une rue de Jakarta en Indonésie © Ciradimage, A. Rival

Quel est le risque d’introduction d’un nouveau pathogène en Europe ? Quelles sont les chances qu’il se propage ? Dans quelles zones ? Le projet MOOD (MOnitoring Outbreak events for Disease surveillance in data science context) va aider à détecter, suivre et évaluer le risque épidémique pour plusieurs maladies en Europe (voir encadré).

Coordonné par le Cirad dans le cadre du programme européen H2020, MOOD réunit 25 partenaires -instituts de recherche, agences de santé publique, services vétérinaires- de plus de 12 pays européens pendant 4 ans (2020-2024).

Les partenaires œuvrent sur deux fronts : la recherche sur ces questions (52 articles scientifiques déjà publiés) et le développement d’une plateforme de surveillance sanitaire composée de trois modules innovants. Le point sur ces avancées à mi-parcours du projet.

Partir du besoin des agences de santé et des services vétérinaires

La première étape a été d’identifier avec des sociologues les pratiques, les besoins et les problèmes rencontrés par les utilisateurs qui travaillent dans la surveillance et la veille des maladies (agences de santé, de veille sanitaire, centre de contrôle des maladies).

Il en est ressorti un besoin d’outils de visualisation simple pour suivre les tendances et les situations dans le temps et dans l’espace, ainsi que l’accès à des données épidémiologiques, climatiques, etc.

Résultat : trois outils complémentaires sont développés en Open source, de manière à être disponibles gratuitement ou à très faible coût.

Améliorer la veille

Le premier module est un outil de visualisation ergonomique d‘évènements sanitaires issus d’une veille internet globale. « A partir d’un large éventail de sources d’information, l’outil va permettre de visualiser l’apparition d’une maladie donnée ou de signes cliniques pour détecter les signaux précoces d’émergence de pathologies, y compris les maladies nouvelles et inconnues », explique Elena Arsevska, coordinatrice du projet Mood.

Fin 2019, les réseaux sociaux chinois partageaient déjà des informations sur l’émergence de la COVID-19. Mais noyés sous une montagne de données, ces signaux faibles n’ont pas été détectés à temps par les outils de veille internet. Dans la cadre du projet Mood, les scientifiques ont mené une analyse rétrospective de ces outils pour les rendre plus performants dans leur détection de l’information sanitaire sur le web, notamment en affinant le vocabulaire utilisé selon les phases d’évolution de la maladie.

Ce module tire ses sources de la plateforme PADI-web, développée par le Cirad, ainsi que de ProMED, un outil complémentaire américain. Il couvre aussi bien la santé végétale, qu’animale et humaine, et cela dans plusieurs langues.

Visualiser les variables d’émergences de maladie

Le deuxième module va permettre aux utilisateurs de voir sur une carte de nombreuses données liées aux facteurs de risques d’émergence de maladie. Pour certaines données, il fonctionnera quasiment en temps réel et avec une résolution pouvant aller jusqu’à 1 km. Les données représentées peuvent être environnementales ou épidémiologiques, par exemple des informations sur le climat, la répartition de l’avifaune ou des élevages, sur les réseaux hydrographiques, la distribution des mares temporaires pou encore la distribution des vecteurs des maladies infectieuses.

Ce module va aider les épidémiologistes et les modélisateurs à créer des programmes de surveillance. Il est développé par Avia-GIS en Belgique avec la contribution majeure de l’université d’Oxford et l’Université de Southampton en Grande Bretagne, et Mundialis en Allemagne. Il respecte le règlement général sur la protection des données géolocalisables (pseudo-anonymisation).

Produire des cartes de risque sanitaire des maladies émergentes

Le troisième module, contrairement aux deux premiers, sera spécifique à chaque maladie. Il va produire des cartes du risque d’émergence à partir de données à la fois informelles (issues du premier module) et formelles (issues du deuxième module et des sources officielles). Il permettra par exemple de connaitre le risque d’occurrence du virus du Nil occidental en Europe ou le risque d’introduction du virus de la dengue en France métropolitaine.

Ce module va permettre de mieux cibler la surveillance d’une maladie et d’anticiper ses éventuelles apparitions. Il fonctionne à partir de modèles mathématiques et statistiques spécifiques à chaque maladie.

Ce dernier module est destiné à tous les acteurs de la santé qui travaillent dans la surveillance, qu’ils soient épidémiologistes ou évaluateurs de risque chargés de programmes de surveillance.

« Pour chacun des trois modules, nous avons opté pour une approche de co-construction avec les utilisateurs, souligne Elena Arsevska. Des réunions de suivi sont organisées tous les 3 mois entre tous les partenaires pour faire le point et éventuellement réorienter le développement des outils ».

Pour pérenniser la plateforme, une fondation MOOD verra le jour à l’issue du projet en 2024. Elle sera consacrée à la maintenance, à l’amélioration et à la diffusion des trois modules.

Les maladies surveillées par le projet MOOD

• La COVID-19 comme modèle pour les agents pathogènes inconnus (maladie X), qui constituent un défi pour tout système de surveillance des épidémies ;
• La grippe (tous types de virus) pour les agents pathogènes transmis par l’air ;
• L’encéphalite à tiques et la borréliose de Lyme comme modèles d’agents pathogènes endémiques transmis par des vecteurs endémiques ;
• Les virus du Nil occidental et Usutu comme exemples de pathogènes exotiques transmis par des vecteurs endémiques ;
• Les virus du Chikungunya, de la dengue et du Zika comme modèles d’agents pathogènes exotiques transmis par des espèces de moustiques envahissantes ;
• La tularémie et la leptospirose comme modèles d’agents pathogènes endémiques négligés ayant de multiples voies de transmission et réservoirs ;
• Les souches bactériennes résistantes aux antimicrobiens en tant que modèles de menaces de maladies complexes et anthropogènes.