Ebola : anticiper les foyers épidémiques par la cartographie

Résultats & impact 9 septembre 2021
Une cartographie du risque d’émergence de cas humains d’Ebola vient d’être conçue par des scientifiques du Cirad et leurs partenaires. Cet outil va s’avérer précieux pour surveiller ce virus mortel qui refait régulièrement surface en Afrique. Il offre un moyen simple et efficace pour améliorer les stratégies de surveillance et de prévention de ce fléau imprévisible.
© AdobeStock, B. B. Massieu
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La maladie à virus Ebola continue à faire parler d'elle en Afrique. Le début de l'année 2021 a ainsi été marqué par deux flambées épidémiques en Guinée et en République démocratique du Congo.

Malgré les récents efforts de recherche, beaucoup de questions restent pourtant en suspens quant aux conditions qui favorisent l'émergence, la transmission et la propagation de ce filovirus. Dans ces circonstances, et avec le peu de données épidémiologiques à disposition, il est difficile de prévoir les zones les plus à risque d'émergence d'Ebola. « C'est typiquement le genre de situation où l'évaluation multicritère spatialisée peut être utile », déclare Annelise Tran, modélisatrice au Cirad.

Cette méthode a d'ailleurs déjà fait ses preuves pour cartographier le risque de transmission de la grippe aviaire en Asie du Sud-Est ou encore le risque d'amplification et de diffusion du virus de la fièvre de la Vallée du Rift ainsi que celui de la Peste des Petits Ruminants en Afrique de l’Est (voir aussi le numéro 46 de Perspective).

Pour Ebola, les chercheurs du Cirad se sont penchés sur trois zones où le virus a déjà émergé par le passé : le sud de la Guinée, le nord-est du Gabon et l'ouest du Congo. « Grâce à l'évaluation multicritère spatialisée, nous avons pu associer différentes catégories de données – climatiques, environnementales, anthropogéniques ou encore la répartition des espèces animales potentiellement impliquées dans la transmission du virus – pour cartographier le risque d'émergence d'Ebola dans ces régions avec une résolution de 1 km2 », explique l’écologue-géomaticienne Larisa Lee-Cruz qui a conduit ces travaux lors de son séjour post-doctoral au Cirad. « Ces cartes montrent que le risque varie grandement dans l'espace, notamment en fonction de l’hétérogénéité des paysages, mais aussi dans le temps selon les saisons. »

Cibler la surveillance dans les zones à risque

En indiquant les zones les plus à risque à un temps donné, cet outil pourrait permettre d'optimiser les ressources. « Les campagnes d'échantillonnage de la faune sauvage pour évaluer la présence du virus dans l'environnement seraient ainsi plus efficaces », estime Annelise Tran. Les autorités sanitaires pourraient aussi en tirer parti pour renforcer la surveillance et la prévention dans les zones les plus à risque et ainsi prévenir de futures épidémies. »

Caractériser les risques d'émergence d'Ebola

Pour construire ces cartes, les chercheurs ont d'abord identifié l'ensemble des facteurs de risque connus pour favoriser le passage du virus des animaux vers les populations humaines. « Ces facteurs de risque sont par exemple la consommation de viande de brousse ou encore la présence d’animaux supposés "hôtes" du virus. Les chauves-souris mais aussi certains primates et les céphalophes, des bovidés peuplant les forêts tropicales d'Afrique. La saison des pluies, quand divers arbres portent des fruits, est aussi associée à une probabilité plus importante de contact entre la faune sauvage et les humains, tout comme les paysages forestiers fragmentés par des zones agricoles », précise Larisa Lee-Cruz.

Une fois les données sur ces facteurs de risque acquises, celles-ci sont pondérées puis combinées dans un Système d'information géographique (SIG), un outil informatique utilisé pour recueillir, analyser et visualiser des données spatiales. « Un des avantages de cette méthode est qu'elle permet de facilement mettre à jour les cartes au vu des nouvelles connaissances sur la maladie, comme la découverte d'un nouveau facteur de risque », ajoute Annelise Tran.

Un outil disponible pour tous

Ce travail interdisciplinaire réalisé dans le cadre du projet EboHealth financé par Montpellier Université d'Excellence (Muse) pourrait bénéficier à d'autres régions d'Afrique. « L'idée est que nos partenaires s'approprient l’outil en créant leurs propres cartes, poursuit Annelise Tran. Certes, cela nécessite des ressources et des connaissances informatiques mais, d'une part, il existe des logiciels de SIG libre de droit comme QGIS, et d'autre part, nous proposons des formations en ligne sur la plateforme PRISME pour comprendre l'évaluation multicritère spatialisée et apprendre à manipuler l’information géographique à l’aide d’un SIG. »

Le risque d'émergence d'autres virus pourrait aussi être cartographié de façon similaire. « Notre travail sur Ebola peut être transposé pour prendre en compte un autre filovirus cousin d'Ebola, le virus Marburg, qui a récemment fait une victime en Guinée », confirme la modélisatrice.