Regard d'expert 12 août 2024
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Covid-19 & Sécurité alimentaire | Les planteurs de cacao de Côte d'Ivoire craignent une baisse de leurs revenus
Comme dans la plupart des États du monde, les autorités de Côte d’Ivoire ont mis en place des restrictions pour limiter la dissémination du Covid-19 dans le pays. Celles-ci sont susceptibles d’avoir des répercussions sur les populations rurales, à l’instar des planteurs de cacao du sud du pays.
L’incertitude des planteurs de cacao
La fermeture des frontières, si elle est effective, pourrait ainsi réduire la main d’œuvre disponible alors que commence la « petite traite », la deuxième récolte annuelle des fèves de cacao, les graines du cacaoyer. Certains planteurs seraient même bloqués dans les pays voisins dont ils sont originaires. Dans le cadre du projet « Traque des innovations agroécologiques des planteurs de cacao », le Cirad et ses partenaires effectuent un suivi de huit villages de la zone cacaoyère. Trois de ces villages ont ainsi rapporté des retards ou des ralentissements dans l’achat des fèves. Les « pisteurs » auraient peur de contracter le coronavirus. Ces intermédiaires dans le commerce des fèves évoquent également un ralentissement des transports vers Abidjan. Ces perturbations du trafic pourraient à terme perturber l’acheminement des fèves vers les ports du pays.
Les cacaoculteurs s’inquiètent également du ralentissement des transports maritimes vers l’Europe et les États-Unis, principaux marchés du cacao. Les achats de caoutchouc et d’anacarde connaissent déjà des blocages et des chutes de prix. Conscients que l’Occident est durement touché par le Covid-19, ils s’interrogent sur l’impact de cette « maladie mondiale » sur la demande en chocolat et par conséquent sur leurs revenus. La vente des fèves de cacao est en effet la principale ressource financière de ces petits producteurs indépendants, dépourvus d’épargne.
Une sécurité alimentaire assurée à court terme
Or une telle perte de revenus menacerait leurs achats alimentaires d’ici la fin de l’année. À l’heure actuelle, la limitation des transports dans le pays réduit par endroit la disponibilité de certaines denrées provenant de la ville ou de la côte, comme l’huile et le sucre ou encore le poisson de mer. Mais il n’y a pas encore, dans les villages, d’augmentations généralisées des prix. Seul le prix du riz montre un début d’inflation notable — celui du riz importé notamment a augmenté d’environ 5 % entre mars et avril.
Aujourd’hui, les planteurs de cacao comptent sur leur propre production vivrière. Ils cultivent souvent du manioc ainsi qu’une sorte d’igname appelée « cocoa sié ». Celui-ci peut pousser à l’ombre des cacaoyers et produit des tubercules de plusieurs kilos qui se conservent longtemps tant qu’ils ne sont pas récoltés. Les planteurs sont aussi en train de semer du maïs et du riz, mais les récoltes ne s’effectueront que dans 3-4 mois. D’autre part, l’activité de maraîchage — aubergines, piments, choux — gérée par les femmes contribue à assurer en partie l’autosuffisance alimentaire des familles.
Les revenus complémentaires menacés
Bien que le cacao soit leur principale ressource financière, les ménages de planteurs de cacao vendent en outre, sur les marchés des villes voisines, une partie de leur production alimentaire. En temps normal, ces ventes offrent de petits compléments de revenus qui financent notamment l’achat de riz importé et de poisson, principale source de protéines dans les villages. Mais aujourd’hui, cette activité est menacée, en raison de la limitation des transports vers Abidjan. Si les risques de pénurie alimentaire dans les villages demeurent très limités, ils doivent constituer néanmoins un point de vigilance notamment quant à l’approvisionnement et l’écoulement des denrées alimentaires sur l’ensemble du territoire.
Un contexte déjà difficile auquel se rajoutent les contraintes liées au Covid-19
À terme, si l’épidémie prend de l’ampleur en Afrique de l’Ouest, l’avenir économique des planteurs de cacao semble bien incertain. Le gouvernement ivoirien a pour l’heure annoncé une subvention aux exportateurs nationaux. Quant à l’industrie internationale du chocolat, elle affirme s’inquiéter de ce contexte difficile. Cela suffira-t-il pour des cacaoculteurs aux revenus déjà fragilisés par la baisse du cours mondial du cacao depuis une trentaine d’années, par la déforestation, par le changement climatique et par le « swollen shoot », un virus qui affecte les cacaoyers ?
Cette analyse a été réalisée avec l’aide des observateurs de l’ONG SADRCI ( Structure agricole de développement rural de Côte d’Ivoire) dans le cadre du projet « Traque des innovations agroécologiques des planteurs de cacao » mené en collaboration avec le Centre d’Innovations vertes de la GIZ, l’agence allemande de coopération internationale pour le développement.