Événement 19 décembre 2024
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SIA 2020 | Retour sur la conférence Concilier sécurité alimentaire et biodiversité

© Delphine Guard, Cirad
« L’impact sur la biodiversité de l’agriculture industrielle au Nord et de la révolution verte aux Suds initiées dans les années 1960, atteint aujourd’hui des niveaux critiques, a rappelé Michel Eddi, président directeur général du Cirad, en ouverture de la conférence « Peut-on concilier sécurité alimentaire et biodiversité ? ». Il y a donc urgence à réduire toute les externalités négatives de l’agriculture sur l’environnement, et à mobiliser cette ressource incroyable et encore gratuite qu’est la biodiversité pour produire mieux et plus ». Or, des solutions existent, mais cette transition vers l’agroécologie s’annonce complexe et longue car multifactorielle. De la semence à la consommation, il faut agir localement et penser globalement.
Semences : protéger et valoriser les innovations locales
Il s’agit en premier lieu de préserver les droits des agriculteurs sur leurs semences. C’est l’ambition du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (ITPGRFA), signé en 2004 par près de 80 pays. Il vise à conserver et diffuser la diversité des semences, tout en assurant un partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation. Son application revient aux gouvernements des pays signataires. Néanmoins, en pratique, « de nombreux agriculteurs pourtant sources d’innovations et gardiens de l’agrobiodiversité, notamment dans les pays du Sud, sont mal informés, non reconnus, et leur contribution à la sécurité alimentaire peu valorisée. Préserver leurs droits nécessite donc que les traités internationaux soient adaptés à l’échelle nationale et de l’exploitation agricole », comme l’a expliqué Juanita Chaves Posada conseillère principale sur les ressources génétiques auprès du Forum mondial pour la recherche et l’innovation agricole (GFAR).
Produire autrement : l’agroécologie scientifique
En matière de production, « de récentes études montrent que la simplification des paysages agricoles, de par son impact sur la biodiversité, affecte négativement la production agricole, a souligné Pierre-Marie Aubert de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Le défi aujourd’hui est donc énorme car il faut augmenter la capacité à produire de la biomasse pour répondre à une demande croissante, a minima sans augmenter les surfaces agricoles [pour éviter les impacts négatifs sur le climat, ndlr.], tout en restaurant leur biodiversité ».
Mais, « oui, on sera capable de nourrir correctement et durablement une population croissante », a assuré Marc Dufumier, agroécologue à AgroParisTech et président de commerce équitable France. La solution selon lui : « Une couverture végétale la plus totale possible et permanente pour couvrir les sols sur toute l’année » qui utilise l’énergie solaire, l’azote de l’air, le carbone des sols, l’eau atmosphérique, les minéraux des roches, par des associations savantes de cultures. Cependant, « cette transition doit s’appuyer sur une agroécologie scientifique qui étudie la complexité et le fonctionnement des agrosystèmes globaux, de l’échelle de la parcelle à celle du pays » a complété l’écologue.
Traiter les aliments dans leur diversité et leur complexité
La spécialisation de l’agriculture provient également de la massification de l’alimentation. Pour enrayer ce phénomène, il existe plusieurs pistes. « Mailler les territoires de microentreprises agroalimentaires rurales permet de produire des spécificités locales et de valoriser des savoir-faire, a proposé Nicolas Bricas, agroéconomiste au Cirad, en s’appuyant sur l’exemple français des « appellations d’origine contrôlée ». D’autre part, « la plasticité des outils de transformation devrait permettre de traiter les aliments dans leur diversité et leur complexité. Enfin, concernant la distribution, l’alternative aux centrales d’achat est les marchés de gros qui commercialisent beaucoup plus de variétés d’un même produit », a complété l’économiste.
Des faits sociaux et économiques, qui s’inscrivent dans un écosystème mondialisé
Certes, concilier biodiversité et sécurité alimentaire passe par des solutions locales, mais « l’agriculture et la biodiversité ne sont pas qu’agronomie et biologie. Ce sont aussi des faits sociaux et économiques, qui s’inscrivent dans un écosystème mondialisé, a rappelé Gilles Kleitz, directeur du département transition écologique et ressources naturelles à l'AFD. Le travail des États, des organisations paysannes, des bailleurs de fonds, de la politique agricole commune est donc de protéger un certain localisme tout en profitant d’une agriculture et de marchés mondialisés, sans oublier de mettre le projet de vie de l’agriculteur au centre de cette équation ».
« De plus, il n’existe pas encore de financements pour soutenir une agriculture plus respectueuse de la biodiversité. L’un des enjeux de la COP 15 Biodiversité et du Green Deal européen sera donc de construire des modes de financement nouveaux, sans lesquels, cette transition ira à l’échec, a souligné Élisabeth Claverie de Saint-Martin, directrice générale déléguée à la Recherche et à la Stratégie du Cirad. Cette transition appelle un changement de paradigme du modèle agricole productiviste et nous conduit vers un nouveau système pour lequel tout reste à faire et auquel le Cirad apporte déjà ses compétences scientifiques ».