Climat : l’expansion de l’habitat des termites va modifier le cycle global du carbone

Résultats & impact 17 octobre 2022
Les termites occupent une place importante dans le cycle du carbone en décomposant le bois mort, un réservoir de carbone. Grâce à des données collectées dans 133 sites à travers 6 continents, une équipe internationale démontre le rôle catalyseur de la hausse des températures sur le taux de décomposition du bois par les termites. L’étude montre une extension de leur aire de répartition avec le changement climatique, influençant ainsi le cycle global du carbone. Ces résultats ont été publiés dans Science fin septembre.
Termite souterrain asiatique (Coptotermes gestroi) qui se nourrit de bois. © Thomas Chouvenc
Termite souterrain asiatique (Coptotermes gestroi) qui se nourrit de bois. © Thomas Chouvenc

Termite souterrain asiatique (Coptotermes gestroi) qui se nourrit de bois. © Thomas Chouvenc

Les forêts ont un rôle majeur dans le cycle du carbone : elles sont le principal puits de carbone terrestre. 8 % de leur stock de carbone se trouve dans le bois mort [1], dont la décomposition contribue à en rejeter une partie dans l’atmosphère. Quelles sont les retombées du changement climatique sur la décomposition du bois mort ? Pour répondre à cette question, une équipe internationale de plus de 100 scientifiques a évalué les effets de la température et l’humidité sur les termites et les champignons, des organismes décomposant le bois mort. L’étude révèle pour la première fois que les termites sont très sensibles aux variations de température et tolèrent des niveaux d’humidité faibles, contrairement aux champignons. Le taux de décomposition des termites augmente de plus de 6,8 fois à chaque hausse de 10°C, contre 2 fois pour les champignons.

Les termites sont des insectes bâtisseurs organisés en colonies, analyse Jacques Beauchêne, xylologue au Cirad en Guyane et co-auteur de l’étude. Ils ont mis au point des mécanismes leur permettant de résister à des niveaux d’humidité plus faibles que les champignons, par exemple en creusant vers les nappes phréatiques.” L’étude démontre en effet que le taux de décomposition des colonies est peu influencé par le taux d’humidité. Seule la phase de prospection décline face à des niveaux de précipitation plus élevés. Cette adaptation permet aux termites d’être très efficaces dans les forêts saisonnières, les savanes et les déserts subtropicaux. ”Nos résultats confirment la compétition entre les champignons et les termites autour de la ressource dans les forêts tropicales humides, ajoute Jacques Beauchêne. Mais nous n’imaginions pas la plus grande virulence des termites dans les zones chaudes arides.

Les retombées de cette découverte ? En raison du changement climatique, les zones chaudes et arides vont s’étendre. Les scientifiques croisent leurs résultats avec des modèles de changement climatique (CMIP6). Résultat : peu importe la trajectoire de nos émissions de gaz à effet de serre, l’aire de répartition des termites augmente à travers les régions tropicales et subtropicales d’ici 2050. Ce résultat a des implications majeures pour le cycle du carbone à l’avenir. Une étude récente a révélé que les termites contribuent aujourd’hui à la décomposition de près d’un tiers du bois mort à l’échelle mondiale. « Nos modèles démontrent que les termites vont jouer un rôle plus important à l’avenir dans le cycle du carbone », confirme Jacques Beauchêne. L’étude ne permet pas de quantifier les retombées sur les stocks forestiers de carbone.

Cette étude, coordonnée par l'Université de Miami, est le fruit d’un vaste réseau de recherche. Un même dispositif expérimental a été déployé sur 133 sites, dont la parcelle expérimentale du Cirad à Paracou en Guyane, à travers six continents. La diversité des sites permet de bénéficier de précieuses informations concernant une grande variété d’habitats et de climats, de la forêt tropicale humide (en Guyane notamment) au désert subtropical. ”Cette étude est la première à compiler des données issues de zones sèches, souligne Jacques Beauchêne. Elle démontre le potentiel majeur de ces nouvelles méthodes de recherche en réseau, reposant sur des dispositifs expérimentaux à bas coût.”

Référence

Termite sensitivity to temperature affects global wood decay rates | Science, 23 septembre 2022

[1] Pan, Y. et al. A large and persistent carbon sink in the world’s forests. Science 333, 988–993 (2011).