Résultats & impact 3 octobre 2024
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- Lutte contre les espèces envahissantes à La Réunion
Comment protéger la biodiversité des espèces envahissantes ? L’expérience réunionnaise
La Réunion présente une biodiversité remarquable, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco. Un tiers de l’île est recouvert de zones naturelles préservées de toute activité humaine, abritant une grande diversité de plantes endémiques (28 % des espèces). Malheureusement cette biodiversité est menacée par l’invasion de plantes exotiques, reconnue par l’IPBES comme le 5ème facteur d’accélération de perte de biodiversité dans le monde. 129 espèces exotiques envahissantes – comme la vigne marronne, l’ajonc d’Europe et l’acacia noir – prolifèrent rapidement au détriment des espèces endémiques.
Comment lutter efficacement contre ces espèces envahissantes sur l’île ? Pour répondre à cette question, une équipe pilotée par des chercheurs du Cirad mène depuis 2018 un projet de recherche-action. En mobilisant l’ensemble des données disponibles, ils ont montré que 60303 ha – soit près de la moitié des territoires végétalisés de l’île – présentent des enjeux de conservation élevés. ”Ces territoires très largement situés à l’intérieur des terres abritent en effet une biodiversité riche et/ou une meilleure qualité d’habitat, ce qui en font des zones très importantes à préserver”, explique Mathieu Rouget, écologue au Cirad. 30 % de ces zones sont aujourd’hui exemptes de plantes exotiques envahissantes.
Mais l’identification des zones prioritaires de conservation ne suffit pas, et c’est là l’un des atouts de cette étude : ”Dès le début, nous avons conçu le projet avec un objectif opérationnel”, témoigne Mathieu Rouget. Dans un second temps, l’équipe a donc identifié des zones prioritaires d’intervention parmi ces 60 303 ha. Le découpage territorial s’appuie sur des critères opérationnels : une stratégie d’intervention optimisée ciblant en priorité les fronts d’invasion, l’accessibilité des territoires, et enfin les chantiers existants. Au final, l’étude préconise de restaurer en priorité 4392 ha de territoire envahis par les plantes exotiques, et de surveiller 16 019 ha de zones non envahies.
Cette cartographie permet de définir des objectifs opérationnels réalistes pour les acteurs de terrain. Mais un changement d’échelle reste nécessaire : en 2020, le Département et l’ONF sont intervenus sur 612 ha de territoire à travers 136 chantiers. ”Plus de 93 % des chantiers menés en 2020 étaient situés dans des zones d’intervention prioritaires, commente Mathieu Rouget. Mais notre travail démontre que des investissements plus conséquents sont nécessaires pour protéger efficacement la biodiversité de l’île.”
Gestionnaires, décideurs, scientifiques : ce projet de recherche-action démontre l’importance de la coopération de l’ensemble des acteurs. ”Sans les critères opérationnels identifiés grâce aux opérateurs de terrain, le risque est de produire des résultats scientifiques non adaptés au terrain, poursuit Mathieu Rouget. Chaque année, les gestionnaires réévaluent le programme d’intervention : il tient désormais compte de nos préconisations.”
L’étude s’inscrit dans un accord-cadre entre le Cirad et le Parc National de La Réunion, qui pilotent un groupe de travail* réunissant l’Université de La Réunion, la Direction de l’environnement de l’aménagement et du logement, la SPL-EDDEN, l’Office national des forêts, le Conservatoire botanique national de Mascarin, la Région et le Département de la Réunion. Le groupe de travail s’attache désormais à améliorer les cartes d’intervention pour optimiser le travail de terrain : cartographie plus fine de la végétation, ou encore prise en compte de la dynamique d’invasion enrichiront les prochaines préconisations.