DynACof : simuler la production de café agroforestier et ses services écosystémiques

Science en action 29 janvier 2020
Une équipe internationale de chercheurs, coordonnée par le Cirad, a créé un outil de modélisation capable de simuler la production et les services écosystémiques du café agroforestier. Paramétré au Costa Rica, ce modèle, DynACof (Dynamic Agroforestry Coffee), vise à terme à prévoir les impacts des changements climatiques sur les plantations et à imaginer leurs adaptations grâce à l’agroforesterie. Les détails du modèle, accessible en Open source, viennent d’être publiés dans la revue Environmental Modelling and Softwa re .
Plantation de café en système agroforestier d'Aquiares, Costa Rica © O. Roupsard, Cirad
Plantation de café en système agroforestier d'Aquiares, Costa Rica © O. Roupsard, Cirad

Plantation de café en système agroforestier d'Aquiares, Costa Rica © O. Roupsard, Cirad

Plus de 10 ans de recueil de données par les scientifiques du Cirad, du CATIE*, de l’Université du Costa Rica, de l’ECOSUR** du Mexique et de l’Inrae : c’est ce qu’il a fallu à cette équipe de chercheurs pour construire, depuis l’observatoire Coffee-Flux de la ferme caféière d’Aquiares au Costa Rica, le nouvel outil de modélisation appelé DynACof. Le modèle, qui se veut à la fois détaillé et rapide, permet de simuler les réponses des plantations de caféiers en fonction de différents paramètres (CO2, température, pluviométrie, gestion…). DynACof est ainsi capable de prévoir la productivité des plants de caféiers, mais aussi leurs bilans énergétiques et hydriques, et ce pour toute une gamme de plantations, agroforestières ou de « plein soleil ».

Un modèle détaillé et rapide

« DynACof est le seul modèle, pour le caféier, capable de simuler des processus biophysiques fins comme la distribution de la lumière dans la parcelle. Et cela sans avoir à développer des équations complexes, et en ayant des temps de calculs courts », explique Rémi Vezy, chercheur au Cirad et principal développeur du modèle.

Les chercheurs ont réussi ce délicat équilibre entre précision et rapidité, en passant par ce qu’ils appellent des « métamodèles » : « il s’agit de réduire un modèle complexe en une seule équation instantanée en temps de calcul » , explique Rémi Vezy. Le modèle complexe réduit en métamodèles est MAESPA : « C’est un modèle 3D adapté à la description de systèmes agroforestiers complexes, et qui prend en compte des caractéristiques spatiales normalement difficiles à simuler dans les couverts agroforestiers, telles que la température du couvert et l'interception de la lumière », précisent Guerric le Maire, impliqué dans le développement de MAESPA et Olivier Roupsard, écophysiologiste, tous deux au Cirad.

Un code en Open source pour permettre d’adapter DynACof sur d’autres terrains

Actuellement, le modèle a été paramétré pour un site du Costa Rica, ses résultats ne sont ainsi applicables pour le moment qu’à des environnements similaires. L’équipe a donc voulu ouvrir DynACof à d’autres chercheurs, afin qu’ils le testent. Ils pourront ainsi ajouter d’autres espèces d’ombrages et méthodes de gestion, ou encore ajouter des modules de cycles des nutriments, de respiration du sol, d’attaques d’insectes ravageurs ou de maladies. Le logiciel prend actuellement déjà en compte par exemple l’American Leaf Spot (Mycena citricolor ) et intègrera prochainement la maladie de la rouille des feuilles de caféier (modèle MiRoya du Cirad). L’idée est de faire grandir DynACof par la collaboration avec les pairs, et potentiellement l’ouvrir sur d’autres zones géographiques.

De nombreux bénéficiaires possibles

Un modèle ouvert et qui peut profiter, à moyen terme, à tous les acteurs de la filière, selon Olivier Roupsard : « Les exploitations pourront utiliser le modèle pour planifier les plantations en fonction de la densité des arbres, pour ajuster la fréquence des interventions et la main d’œuvre nécessaire, ou encore pour estimer leur consommation en eau, etc. ». DynACof pourra servir aussi aux instituts techniques ou coopératives et aux industriels, puisque le modèle est capable de prévoir le volume et la qualité de la production, et d’évaluer les services écosystémiques (ce qui est intéressant pour la certification, comme celle de Rainforest Alliance par exemple).

Prévoir la réaction des plantations aux changements climatiques

A plus long terme, il s’agit aussi pour l'équipe scientifique de simuler la manière dont l'agroforesterie pourrait aider à adapter les plantations de café aux changements climatiques. Les premiers résultats du doctorat de Rémi Vezy montrent que les productions de café sur Aquiares et Tarrazu au Costa Rica seront très impactées par la hausse des températures : d’ici 2100, Aquiares situé en limite basse (chaude) des altitudes convenables au café accuserait une baisse de production constante, tandis qu’à Tarrazu (limite haute) la production augmenterait jusqu’en 2050, avant de chuter elle-aussi. « Ces résultats restent à consolider , met en garde Rémi Vezy. Pour l’instant, nous estimons que l’agroforesterie pourrait aider à réduire les impacts de la hausse des températures, mais n’enrayerait pas à terme la baisse de production ».

Référence

Vezy R., le Maire G., Christina M., Georgiou S., Imbach P., Hidalgo H. G., Alfaro E. J., Blitz-Frayret C., Charbonnier F., Lehner P., Loustau D., Roupsard O., 2020. “DynACof: A process-based model to study growth, yield and ecosystem services of coffee agroforestry systems” Environmental Modelling and Software

* Le CATIE, Tropical Agricultural Research and Higher Education Center , est un centre régional dédié à la recherche agricole et à la gestion durable des ressources naturelles, et dont les membres sont : Belize, Bolivie, Colombie, Costa Rica, République dominicaine, El Salvador, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Venezuela, l'Institut Interaméricain de Coopération pour l'Agriculture (IICA) et l'État brésilien Acre.

** ECOSUR, Collège de la Frontière Sud , est un centre de recherche mexicain membre du National Council of Science and Technology (CONACYT). Ses travaux visent à contribuer au développement durable de la frontière Sud du Mexique, de l’Amérique centrale et des Caraïbes.