Covid-19 & Sécurité alimentaire | Limiter l’impact de la crise sur les filières du riz en Afrique de l’Ouest

Résultats & impact 30 juillet 2020
Le riz joue un rôle stratégique dans la sécurité alimentaire en Afrique de l'Ouest, mais la région dépend de plus en plus des importations, et les filières locales sont confrontées à des contraintes en matière de technologie, de financement et de coordination. Dans un article paru dans Global Food Security, les chercheurs du Cirad, d'AfricaRice et de l'IRRI proposent différentes options politiques pour réduire les impacts de la pandémie Covid-19 sur les filières du riz en Afrique de l’Ouest. Pour améliorer la résilience des filières locales de riz, les décideurs politiques devraient particulièrement soutenir les acteurs de la transformation, notamment en favorisant leur accès au crédit.
Soutenir la résilience et la modernisation des filières riz d'Afrique de l'Ouest, en favorisant l'accès des transformateurs au crédit, est l'une des principales recommandations des chercheurs de l'IRRI, d'AfricaRice et du Cirad © P. Mendez del Villar, Cirad
Soutenir la résilience et la modernisation des filières riz d'Afrique de l'Ouest, en favorisant l'accès des transformateurs au crédit, est l'une des principales recommandations des chercheurs de l'IRRI, d'AfricaRice et du Cirad © P. Mendez del Villar, Cirad

Soutenir la résilience et la modernisation des filières riz d'Afrique de l'Ouest, en favorisant l'accès des transformateurs au crédit, est l'une des principales recommandations des chercheurs de l'IRRI, d'AfricaRice et du Cirad © P. Mendez del Villar, Cirad

Filières du riz en Afrique de l'Ouest : une grande diversité de situation

L'Afrique de l'Ouest importe, depuis le début des années 2000, environ la moitié de sa consommation de riz. Ce chiffre cache toutefois une grande diversité de situations : certains pays comme le Mali sont presque autosuffisants, alors que d'autres pays comme le Niger importent plus des trois quarts de leur riz.

« Le déficit se creuse, car la consommation de riz augmente sous le triple effet de la croissance démographique, de l'urbanisation et de l'évolution rapide des régimes alimentaires en Afrique de l'Ouest », précise Patricio Mendez del Villar, économiste au Cirad, spécialiste des marchés internationaux et des filières du riz.

En réaction à la crise des prix mondiaux de 2008, plusieurs gouvernements d'Afrique de l'Ouest, soutenus par des organisations internationales, avaient redéfini des politiques visant à moderniser les filières du riz national. Une telle modernisation se caractériserait par des investissements dans de grandes unités de décorticage de paddy et la mise en place de dispositifs de coordination entre acteurs de la filière (par exemple des contrats), afin de fournir un riz de qualité.

« Nous avons constaté que la modernisation des filières est plus dynamique dans les pays à forte production et importations de riz, avec des préférences des consommateurs urbains pour le riz importé, comme au Nigéria et au Sénégal. Cela suggère qu’un coût d’importation élevé entraîne également d'importantes opportunités de marché pour les investisseurs privés s'ils parviennent à améliorer la qualité du riz local aux standards d'importation. Cependant, les investissements nécessaires dans la transformation du riz nécessitent un approvisionnement suffisant en riz paddy » , explique Matty Demont, leader des recherches sur les marchés à l’IRRI.

99 % du riz local issus des filières traditionnelles

Malgré ces politiques de modernisation, les filières traditionnelles fournissent encore 99 % du riz local en Afrique de l'Ouest. Ces filières traditionnelles sont composées d'agriculteurs, de transformateurs et de commerçants qui possèdent peu de capitaux, gèrent de petites quantités de produits et fournissent du riz de qualités hétérogènes.

« Les filières traditionnelles dominent l'approvisionnement local du fait des contextes incertains et contraignants dans lesquels elles opèrent. Moderniser les filières locales représente donc un vrai défi en termes de coordination verticale, de technologie, de financement et de politiques » , souligne Guillaume Soullier, spécialiste des filières du riz au Cirad.

Ces filières traditionnelles et modernes pourraient être fortement affectées par la pandémie Covid-19. Les chercheurs ont avancé plusieurs options pour y faire face dans leur article dans Global Food Security .

Limiter l’effet du Covid-19 sur les filières locales

Les restrictions de mouvements, la volatilité des prix et l'incertitude générale perçue dans le contexte de la crise du Covid-19 risquent de créer des problèmes d'approvisionnement pour les transformateurs de paddy. Cela pourrait particulièrement affecter les rizeries modernes, qui ont besoin de volumes importants de paddy pour amortir les coûts d'investissement. En outre, le Covid-19 pourrait également accroître la réticence des institutions financières privées à accorder des prêts.

Selon les chercheurs, les réponses politiques visant à atténuer les effets du Covid-19 sur les filières nationales du riz doivent prendre en considération la diversité des secteurs du riz en Afrique de l'Ouest. Si certaines politiques peuvent être mises en œuvre par l’ensemble des pays, d'autres doivent être adaptées aux spécificités de chacun.

A court terme, soutenir la résilience des filières

Les chercheurs préconisent des mesures à court terme visant à lever les contraintes d’accès aux inputs que rencontrent les acteurs des filières. 
Par exemple, en accordant des prêts sans intérêt aux transformateurs et en simplifiant les procédures administratives d’accès au crédit. Une telle mesure les aiderait à maintenir leur activité, notamment parce qu’ils pourraient soutenir la production de paddy. Ces prêts devraient être conditionnés à des prix d'achat et de commercialisation acceptables. Autre exemple : le gouvernement pourrait garantir l'achat d'intrants essentiels pour les producteurs, tels que les semences et les engrais.

A moyen et long terme, soutenir la modernisation des filières

Les mesures à moyen et long terme devraient viser à soutenir la modernisation des filières. Ces options comprennent des politiques visant à créer un contexte favorable aux investissements directs nationaux et étrangers. 
« Par exemple, les gouvernements peuvent mettre en place des lignes de crédit spéciales pour les investisseurs, développer des cadres réglementaires pour l'agriculture contractuelle et continuer à développer les infrastructures rurales. Un soutien devrait également être apporté pour améliorer l'utilisation des sous-produits du riz, la qualité des régimes alimentaires à base de riz ainsi que la teneur en nutriments du riz » , soutient Aminou Arouna, chef du programme sur les politiques et spécialiste de l’évaluation d’impact à AfricaRice.

Ces options vont désormais être portées à la connaissance des décideurs d’Afrique de l’Ouest.

Références