La Réunion : lutte contre les moustiques vecteurs de la dengue, premiers essais pilotes, quels résultats ?

02/08/2021
Un point d’avancée sur les résultats du projet Revolinc (Révolutionner la lutte contre les insectes) s’est tenu le 8 juillet 2021 dans le cadre de son Comité de Pilotage dans les locaux du Cirad à Saint Denis pour faire un premier bilan sur les essais pilotes de la Technique de l’Insecte Stérile (TIS) renforcée réalisés en « semi field » et en zone naturelle à Saint Joseph de La Réunion. Le projet est porté localement en partenariat entre le Cirad et l’IRD, l’AIEA, l’ARS avec l’aimable participation de la mairie de St Joseph.

Une partie de l'équipe du projet Revolinc sur le terrain durant les lâchers à la ravine Damour à Saint Joseph. © M.Dailloux, Cirad

Le projet Revolinc

Le projet Revolinc a débuté en septembre 2016 vise à développer des méthodes alternatives de lutte contre les insectes vecteurs de pathogènes et ravageurs de culture. Dans le cadre de ce projet, la restitution concernait les essais pilotes mis en place pour lutter contre le moustique Aedes aegypti, vecteur historique de la dengue à La Réunion. Particulièrement présente à La Réunion, la dengue connait depuis 2018 une circulation intense et particulièrement importante cette année.

Les expérimentations réalisées à La Réunion visaient à tester la technique de l’insecte stérile renforcée en conditions expérimentales et sur le terrain contre le moustique Aedes aegypti. (Plus d’informations sur la TIS renforcée et le projet Revolinc en cliquant ici)

Des essais réalisés en premier lieu en conditions expérimentales

Réalisation d'essais "semi field" pour obtenir des premiers résultats sur les effets des mâles stériles recouverts de pyriproxyfène ©M. Dailloux, Cirad

Des essais « semi-field »  ont permis de caractériser les effets du pyriproxyfène (le biocide retenu pour renforcer la TIS) sur les moustiques mâles stériles et notamment ses effets potentiels sur la compétitivité et la capacité de vols par rapport aux mâles non traités. 5 réplicas entre novembre 2020 et mai 2021 ont été réalisés pour confirmer les observations préliminaires qui avaient été obtenues au laboratoire à Montpellier.

Ces essais « semi-field » ont permis de :

  • Tester la compétitivité des mâles issus de la TIS et de la TIS renforcée
  • Evaluer la fertilité résiduelle des mâles issus des deux méthodes
  • Comparer l’efficacité des deux techniques à différents ratios de mâles stériles / sauvages
  • Tester le transfert du pyriproxyfène dans les gîtes de pontes par les moustiques femelles et mâles issus de la TIS renforcée pour observer son impact sur la survie des larves et l’émergence des nymphes (la nymphose)
  • Evaluer la dose nécessaire de pyriproxyfène pour inhiber la nymphose.

En conclusion, il a été montré que le pyriproxyfène avait un effet significatif sur le développement et la mortalité des larves ainsi que sur le taux d’émergence des nymphes en adultes par l’action des mâles issus de la TIS renforcée induisant une efficacité supérieure par rapport à la TIS.

Un état des lieux de la présence des moustiques sur les sites d’étude

Analyse des oeufs issus des récoltes pour caractériser les populations de moustiques. © M.Dailloux, Cirad

En parallèle des essais « semi field », des systèmes de piégeage des adultes et des œufs d’Aedes aegypti ont été développés et testés. Les sites ciblés étaient : l’embouchure de la rivière Langevin et la ravine de la rue Damour (quartier Vincendo) à Saint Joseph.

Ces travaux ont permis de :

  • Effectuer un bilan de l’abondance d’Aedes aegypti dans les deux sites d’étude via le nombre d’individus adultes capturés et d’œufs récoltés ;
  • Caractériser les préférences du moustique ciblé en termes de gîte larvaire pour mieux connaitre son écologie et mesurer l’impact des actions de lutte.

Des lâchers de moustiques mâles stériles à Saint Joseph

L’une des phases phares du projet Revolinc était le lâcher en conditions naturelles de moustiques mâles stériles et traités au pyriproxyfène au niveau de la ravine de la rue Damour (quartier Vincendo) à Saint Joseph. Au total, 42000 moustiques mâles stériles ont été relâchés par drone ou « au sol » pour mesurer leur survie et leur compétitivité.

Les mâles relâchés étaient marqués en rose pour permettre leur identification et les analyses des résultats. © M.Dailloux, Cirad

Les méthodes de capture développées ont permis de suivre l’impact des lâchers de moustiques mâles stériles et traités sur la population naturelle de moustiques. Les premiers résultats obtenus sont très encourageants et vont dans le sens de ceux obtenus lors des essais semi-field même si les effectifs de lâchers de moustiques ont été inférieurs aux objectifs initiaux, notamment en raison de problèmes de transport liés à la crise covid-19 entre l’Autriche (où les mâles stériles étaient produits) et La Réunion.

Afin d’assurer la bonne réalisation de cette étape, différentes autorisations ont été nécessaires et obtenues auprès des autorités locales. Une stratégie de communication a été élaborée en collaboration avec la cellule de communication de la mairie de St Joseph. Des visites  en porte à porte ont  été réalisées chez les particuliers habitants dans les sites d’étude. Des actions visant à informer la population générale via les réseaux sociaux, la TV et le web ont également été mises en place.

Lâchers de moustiques par drone au niveau de la ravine de la rue Damour à Saint Joseph. ©Mairie de Saint Joseph

Et maintenant ?

Une prochaine session de communication sur les résultats est envisagée en fin d’année lorsque toutes les données sur la phase de suppression auront été récupérées et analysées.  

Les acteurs du projet se sont interrogés sur les suites à donner aux essais menés dans le cadre du projet Revolinc et notamment sur l’application de cette méthode contre Aedes albopictus (le moustique tigre) qui est aujourd’hui le vecteur majeur de la dengue à La Réunion.

Jérémy Bouyer, coordinateur du projet. © Cirad

« Cela a été un très gros challenge de faire un essai de suppression d’une population de moustiques en une année, de l’étude de base aux lâchers, qui plus dans la situation de double épidémie dengue et covid sévissant depuis mois à La Réunion. Nous y sommes parvenus grâce à l’appui des partenaires scientifiques, notamment l’AIEA et l’IRD, mais aussi institutionnels, en particulier la Mairie de Saint Joseph et l’ARS sans oublier l’engagement de toute l’équipe. Les résultats préliminaires sont très positifs, notamment pour le transport à distance des mâles stériles, leur lâcher aérien par drone en zone urbaine mais aussi en terme d’impact sur la population moustique cible, même s’il convient d’attendre les résultats finaux pour se prononcer sur l’utilisation future de la TIS renforcée. Dans tous les cas, les prochaines étapes nécessiteront la mise en place d’une production locale des mâles stériles, qu’il va falloir étudier si les résultats prometteurs se confirment. » conclut Jérémy Bouyer, coordinateur du projet Revolinc, à l'issue de cette première restitution.