Les projets de développement suffisent-ils à adapter l’agriculture sénégalaise au changement climatique ?

23/11/2022
Depuis les années 2010, l’agriculture apparait comme un des premières victimes du changement climatique, notamment en Afrique de l’ouest. Au Sénégal, l’adaptation est à l’agenda politique, mais l’intégration de cet enjeu dans les politiques agricoles est limitée. Le gouvernement par projet semble être un frein à la coordination et la cohérence de politiques d’adaptation de l’agriculture ambitieuses et efficientes. Etat des lieux à l’heure de la COP 27.
Paysage agroforestier mil – Faidherbia Albida au Sénégal © Caroline Dangleant, Cirad 2018
Paysage agroforestier mil – Faidherbia Albida au Sénégal © Caroline Dangleant, Cirad 2018

Paysage agroforestier mil – Faidherbia Albida au Sénégal © Caroline Dangleant, Cirad 2018

L’adaptation de l'agriculture au changement climatique est devenue un enjeu majeur des négociations internationales. Des discussions lancées en 2011 au sein de la Convention climat ont permis le lancement de l’action commune de Koronivia en 2017. Celle-ci a abouti en 2022, lors de la COP27 de Charm El Cheikh, et renforce officiellement la place de l’agriculture dans les négociations.

Dans le cadre du projet Typoclim (2018-2022), une équipe de chercheurs du Cirad et de dix partenaires se sont penchés sur la mise en œuvre des instruments d’adaptation de l'agriculture au changement climatique dans 8 pays au Nord et au Sud (France, Espagne, Sénégal, Afrique du Sud, Californie-US, Guadeloupe, Colombie, Brésil).

Marie Hrabanski, sociologue au Cirad et coordinatrice du projet, a présenté une partie des résultats obtenus lors d’un atelier de la COP 27 de Charm-el-Cheikh le 10 novembre dernier. A partir d’une recherche de terrain menée en étroit partenariat avec le Bureau d’Analyse Macroéconomique de l’Institut Sénégalais de Recherche Agronomique, Marie Hrabanski et ses coautrices, Bétina Boutroue et Astou Diao Camara, ont analysé les dynamiques d’intégration de l’adaptation au changement climatique dans le secteur agricole sénégalais.

Au Sénégal, la mise à l’agenda politique d’un nouvel enjeu tel que le changement climatique est ainsi le produit de dynamiques internationales (Convention sur le climat), d’acteurs internationaux (institutions financières, organisations multilatérales, coopérations bilatérales, ONG…) et de configurations d’acteurs nationaux et locaux (agences nationales, Ministères, services de l’Etat déconcentrés…). Si les critères formels d’intégration des objectifs d’adaptation dans les plans et les objectifs des agences nationales sont respectés et l’adaptation est en haut de l’agenda politique, les limites de l’adaptation dans le secteur agricole se trouvent dans la mise en œuvre.

L’étude de terrain montre que les mesures d’adaptation ne sont pas financées par les acteurs sénégalais de la politique agricole. Les institutions nationales n’ont pas de budget dédié à l’adaptation, exception faite de la rémunération des agents en charge de l’adaptation. L’Etat du Sénégal n’alloue pas de fonds publics à des investissements pour l’adaptation : les fonds d’investissement faisant vivre les projets sont apportés par les partenaires comme les coopérations états-unienne, canadienne ou française. En retour, le mode de gouvernement par projet est vecteur d’incertitudes, de difficultés de coordination et favorise les inégalités territoriales.

Les recherches menées dans le cadre du projet Typoclim pointent trois recommandations principales :

  1. Le renforcement du financement de l’Etat via des aides directes et des capacités des acteurs nationaux pour accéder aux financements internationaux ;
  2. La sobriété instrumentale : plutôt que de créer de nouveaux projets et de nouveaux instruments, privilégier une sobriété institutionnelle et renforcer les instruments existants sur le long terme ;
  3. Créer un service public avec financement direct pour l’adaptation qui puisse s’appuyer sur le conseil agricole, les services d’information climatiques déjà proposés par l’administration sénégalaise afin d’apporter un cadre pérenne et stable à l’action d’adaptation de l'agriculture au changement climatique.