Comprendre l’écologie canine pour lutter contre la rage à Madagascar : sur le terrain avec le projet Coramad

09/08/2024
Entre enquêtes et sensibilisation auprès des populations, vaccination, capture et castration des chiens errants, le projet Contrôle de la rage à Madagascar - Coramad se décline en plusieurs composantes visant à renforcer la surveillance et la prévention de la rage dans la commune urbaine d’Antananarivo – Madagascar. Dans l’interview ci-après, Marie Hermelienne Volasoa, assistante de recherche au sein du projet nous emmène sur le terrain en exploration des différentes activités de Coramad, notamment celles relatives à l’écologie des chiens et les enquêtes auprès des ménages.
Chiens errants dans la commune urbaine d'Antananarivo © M. H. Volasoa, Coramad
Chiens errants dans la commune urbaine d'Antananarivo © M. H. Volasoa, Coramad

Chiens errants dans la commune urbaine d'Antananarivo © M. H. Volasoa, Coramad

La rage reste parmi les maladies négligées à Madagascar. La difficulté de cerner son mode de transmission constitue un frein dans l’obtention de chiffres exactes sur l’étendue de cette maladie. Le projet Contrôle de la rage à Madagascar, constitué de plusieurs composantes, vise à renforcer la surveillance et la prévention de la rage dans la commune urbaine d’Antananarivo. Construire une base de connaissance sur les comportements, les déplacements des chiens et leurs interactions avec les humains est crucial dans la compréhension de la transmission de la rage et favorise l’amélioration de sa prévention. Marie Hermelienne Volasoa est assistante de recherche au sein du projet, en appui à la mise en œuvre d’une recherche qui porte sur l’écologie canine et les cas de morsure. Elle nous partage à travers l'interview ci-après, les défis rencontrés dans la construction de cette base de connaissances ayant pour but de soutenir la lutte contre la rage.

De l’importance de l’écologie canine- pour lutter contre la rage

Que sait-on actuellement sur la population canine à Antananarivo?

Marie Hermelienne Volasoa durant le comptage des chiens errants dans un fokontany d'Antananarivo © AP. Rakotondrazaka, Coramad

Marie Hermelienne Volasoa durant le comptage des chiens errants dans un fokontany d'Antananarivo © AP. Rakotondrazaka, Coramad

L'état de nos connaissances sur l'écologie canine à Antananarivo est encore en développement. Nous savons que la population canine dans la capitale est importante et diverse, avec une grande proportion de chiens errants. Ces chiens jouent un rôle crucial dans la transmission de certaines maladies zoonotiques, principalement la rage. Cependant, il reste des lacunes dans notre compréhension de leurs comportements, de leurs mouvements, et de leurs interactions avec les humains et d'autres animaux. les derniers travaux de recherche sur l’écologie canine remonte à 20 ans passés. 

Quelle est l'importance de comprendre l'écologie canine pour lutter contre la rage ?

Les chiens sont les principaux vecteurs de la rage dans de nombreux pays, y compris à Madagascar. Connaître leur comportement, leurs déplacements et leurs interactions avec les humains et d'autres animaux permet de mieux comprendre comment le virus se propage. Une bonne connaissance de l'écologie canine aide à identifier les zones à haut risque et à cibler plus efficacement les campagnes de vaccination. Cela permet d'assurer une couverture vaccinale adéquate et de prévenir les foyers épidémiques. La sensibilisation et l'implication de la communauté sont essentielles dans la lutte contre la rage. En comprenant comment les chiens interagissent avec les communautés locales, il est possible de concevoir des programmes éducatifs et des campagnes de sensibilisation plus efficaces. Une bonne connaissance de l'écologie canine permet de mettre en place des systèmes de surveillance plus efficaces pour détecter rapidement les cas de rage et y répondre. Cela inclut le suivi des morsures de chiens et la gestion des cas suspects.

Une compréhension approfondie de l'écologie canine est indispensable pour élaborer des stratégies de prévention et de contrôle de la rage à la fois efficaces et durables. Cela contribue à améliorer le bien-être des populations canines et humaines et à réduire significativement l'exposition des populations humaines au virus de la rage.

Des activités allant de la sensibilisation des populations à la capture des chiens errants

Les citadins sont-ils enclins à coopérer dans la recherche ?

Le contexte à Madagascar est vraiment particulier par rapport à celui des autres pays où des études similaires sont menées, ne serait-ce que sur le plan de l'aménagement des quartiers, l’insécurité ….  Il est difficile de faire comprendre à la communauté l’importance de l’étude sur la population canine, car ce qui les intéresse principalement c'est de bénéficier de la vaccination gratuite de leurs chiens. Toutefois, une fois que les ménages comprennent l'importance de nos investigations, ils collaborent avec les équipes, et la vaccination s'en suit sur la majorité des chiens recensés.

Qu'en est-il de la capture des chiens errants ?

Le projet inclut des sessions de vaccination porte-à-porte pour les chiens à propriétaire, ainsi que la capture, la vaccination et la stérilisation des chiens errants. Nous avions beaucoup d'appréhensions sur la manière de capturer les chiens errants. Cependant, dès le premier jour de l’activité, nous avons réalisé que c'était bien faisable et moins compliqué que prévu. Certains habitants des fokontany sous-estiment et négligent le projet de recherche ainsi que le danger que représente les chiens errants. Selon eux, il ne faut pas se préoccuper des chiens errants, mais plutôt les éliminer, « les tuer ». Parfois, les ménages approchés dans le cadre de cette étude refusent de coopérer avec nos équipes.

Le projet Coramad, financé par l'Ambassade de France à Madagascar est co-piloté par l'Institut Pasteur de Madagascar  et le Cirad depuis 2023 pour une durée de deux ans. Elle est mise en œuvre en collaboration étroite avec le Ministère de la santé publique de Madagascar à travers la Direction de veille sanitaire, surveillance et riposte - DVSSER, et celle de la lutte contre les maladies transmissibles - DLMT), ainsi qu'avec le Ministère de l'agriculture et de l'élevage à travers la Direction des services vétérinaires (DSV) et l'ONG Mad Dog Initiative.