Pl@ntNet : l’application qui fait progresser la botanique

Évaluation d’impact Impress ex post 11 février 2021
Initiée il y a près de dix ans par des chercheurs de quatre organismes (le Cirad, INRAE, l’Inria et l’IRD), l’application Pl@ntNet permet d’identifier une plante en photographiant l’une de ses parties. Quelques 29 000 espèces sont aujourd’hui référencées sur cet outil scientifique, dont l’application a été téléchargée plus de 16 millions de fois partout dans le monde. Pl@ntNet a fait l'objet d'une étude de cas ImpresS ex post.
Pl@ntNet

Décrire, identifier, nommer les plantes… Pas simple pour l’amateur qui souhaite se lancer dans cette science exigeante et complexe qu’est la botanique. Pour l’aider, des chercheurs du Cirad et leurs confrères développent depuis plusieurs années des outils informatiques d’identification des plantes reposant sur un système automatisé d’analyse de photos.

Pl@ntNet commence avec la rencontre entre une chercheuse en sciences du numérique et un botaniste. Leur idée : rendre la botanique accessible au plus grand nombre, grâce aux outils numériques et au partage d’informations. Leur projet, longuement mûri entre 2007 et 2008, démarre officiellement en 2009. Financé par la Fondation Agropolis, il associe des organismes de recherche — le Cirad, l’Inra, l’Inria et l’IRD — et le réseau des botanistes francophones Tela Botanica. Il s’appuie sur une expertise, des méthodes et des jeux de données, développés depuis près de quinze ans par ces différentes équipes. Il aboutit, en 2013, à l’application mobile Pl@ntNet, qui fait l'objet, quelques années plus tard, d'une étude de cas ImpreS ex post.

La botanique à portée de clic

Pour l’utilisateur, le fonctionnement est simple. Il suffit de photographier avec son smartphone une partie de la plante (feuille, fleur, fruit, tige ou écorce) que l’on souhaite identifier et d’envoyer le cliché via l’application Pl@ntNet. Le système le compare alors aux quelques
2 900 000 images présentes dans la base et propose les noms des espèces visuellement les plus proches. A l’observateur ensuite d’identifier l’espèce parmi les résultats suggérés.

Des utilisateurs témoignent :

« C'est absolument merveilleux. Je suis un botaniste basique et je trouve une grande aide dans Pl@ntNet. Évidemment, parfois le choix est ardu entre deux propositions, mais ça m'oblige à creuser en cherchant des données complémentaires » 

« Merci pour cette application de qualité ! La reconnaissance n’est pas fiable à 100 % (ce qui est normal) mais suffisamment bluffante quand même et plusieurs propositions en cas de doute. J’ai le plaisir de me dire que les observations que je réalise peuvent servir à des études scientifiques. »

« Très facile, rapide et j'apprécie surtout le fait que plusieurs photos d’une même plante sous différents angles s'affichent pour pouvoir s'assurer du résultat. Bravo les développeurs ! » 

Ekaterina
utilisatrice de Pl@ntnet

Pl@ntNet est exploitée par toutes sortes d’utilisateurs, du botaniste amateur au chercheur confirmé, dans un très grand nombre de domaines (recherche, éducation, agronomie, éco-tourisme, commerce, etc.) et plus de 150 pays. Au total, ce sont près de 16 millions de personnes qui ont plébiscité cette nouvelle forme d’accès à la connaissance botanique et participé à son développement. L’application, traduite en 24 langues, couvre aujourd’hui près de 29 000 espèces et connaît une expansion internationale rapide. 

Un outil de science participative pour changer d’échelle

Au-delà de son côté ludique, qui pimente les balades en nature et modifie la perception que le grand public a de son environnement naturel, Pl@ntNet est surtout un formidable outil pour les chercheurs. Les dizaines de millions d’observations collectées constituent une mine d’informations nouvelles dont l’analyse permet d’améliorer la connaissance du monde végétal et contribue à préserver sa biodiversité.

Pierre Bonnet, coordinateur de l'initiative, souligne l'intérêt de l'aspect collaboratif de Pl@ntnet : "Le positionnement de la recherche change. Si, il y a une trentaine d'années, les naturalistes visaient principalement le recensement des espèces, ils s'intéressent beaucoup aujourd'hui aux conséquences du changement climatique et à la perte de la biodiversité. Avec Pl@ntNet, nous développons une nouvelle forme de recherche, permettant une production collaborative des connaissances. Le système est en constante progression, alimenté par les utilisateurs et des travaux scientifiques. Avec des centaines de milliers d’utilisateurs journaliers, c’est un dispositif de suivi des espèces sur le terrain qu’aucun organisme de recherche seul n’a les moyens de financer et de mettre en œuvre."

Avec Pl@ntNet, nous développons une nouvelle forme de recherche, permettant une production collaborative des connaissances. Le système est en constante progression, alimenté par les utilisateurs et des travaux scientifiques. Avec des centaines de milliers d’utilisateurs journaliers, c’est un dispositif de suivi des espèces sur le terrain qu’aucun organisme de recherche seul n’a les moyens de financer et de mettre en œuvre.

Pierre Bonnet
biologiste au Cirad et coordinateur de Pl@ntNet

Les changements globaux qui nous touchent nécessitent en effet plus que jamais une meilleure connaissance de notre environnement pour en anticiper les évolutions et en assurer la protection.

Pl@ntNet a déjà eu des impacts majeurs dans deux principaux domaines. D’abord, dans le domaine de la gestion des écosystèmes naturels ou cultivés, en contribuant à compléter les cartographies existantes de la distribution des espèces.

Dans le cadre des formations que nous organisons auprès des agents de l’office français de la biodiversité, Pl@ntNet s’est révélé être un outil de détermination des plantes et habitats naturels particulièrement utile. Nous travaillons aujourd’hui avec la plateforme pour décliner l’outil : ajouter des informations sur le statut de protection, de menace des espèces,... ». 

Sylvain Abdulhak
botaniste responsable du département « connaissances » au sein du conservatoire botanique alpin

Ensuite, dans le domaine de l’éducation, avec le développement de nouveaux dispositifs pédagogiques, comme l’illustrent les collaborations actuelles avec des associations d’éducation à l’environnement.

En un an d’utilisation de Pl@ntNet, nous sommes passés de 196 photos d’espèces à 500, pour un total de 650 espèces recensées. Ce faisant, beaucoup de plantes méconnues ont pu être identifiées et ajoutées aux herbiers nationaux. Par ailleurs, après avoir identifié une espèce très invasive, la réserve a mis en place un système d’alerte précoce sur les espèces invasives, en utilisant Pl@ntNet. Aujourd’hui, la connaissance des plantes n’est plus l’apanage de quelques botanistes mais à la portée d’un nombre infini d’utilisateurs.

Susan Brown
co-gestionnaire de la réserve kenyane du Lewa


Et Pl@ntNet n’a pas encore dit son dernier mot. Parmi les productions potentielles dérivées de cette application, sont réalisés des guides botaniques dédiés à une aire géographique, comme un parc naturel, une forêt domaniale ou encore un écosystème particulier (exemples avec les micro-projets sur les parcs nationaux des Cévennes en France, d’Ordesa en Espagne. Un fonctionnement autonome, hors connexion, et la possibilité de charger une base de données en fonction de sa localisation géographique sont en cours de développement. Autre innovation en cours : l’extension de ce système de reconnaissance visuelle à d’autres entités ou organismes tels que les pathologies végétales.

Climat, agriculture : des domaines d’utilisation à explorer

D’autres évolutions particulièrement prometteuses se dessinent également, telles qu’une cartographie en temps réel des plantes, avec l’étude de leur phénologie (l’influence des variations climatiques sur la floraison, la fructification des plantes). Celle-ci permettrait d’étudier l’évolution des espèces au cours de l’année, en prenant en compte toutes les données botaniques géolocalisées et en y ajoutant une dimension temporelle. Avec, à la clé, la possibilité de suivre sur le long terme les effets du changement climatique sur la végétation.
Dans le domaine agricole aussi, les utilisations pourraient être nombreuses : en adaptant l’application Pl@ntNet sur des machines, telles que les drones ou les robots autonomes, comme cela est actuellement expérimenté dans le cadre du projet ANR WeedElec. Ceci permettrait de repérer automatiquement les adventices des cultures à un stade précoce, par exemple.

Véritable observatoire botanique en temps réel

Pl@ntNet continue ainsi de se développer en continu, grâce au feed-back de ses utilisateurs, à une meilleure détection des erreurs, à l’évaluation scientifique de son moteur de recherche visuelle, à la gestion des biais et à une meilleure exploration de données à grande échelle. 

En numérisant et regroupant un maximum de données botaniques, il est un véritable observatoire botanique participatif en temps réel.