Un outil pour estimer rapidement le rendement de cultures fruitières tropicales

Derrière l’appellation « PixFruit® », ce sont des années de travaux de recherche et d’expertise du Cirad autour de l’estimation des productions fruitières tropicales. Analyses d’images, modélisations agronomiques et statistiques… Tout un chapelet de disciplines tourné vers une seule question : et s’il suffisait de prendre quelques photos pour quantifier la future récolte ?

« Le manque d’outils simples d’utilisation pour prévoir l’état des productions freine cruellement le développement des filières fruitières en Afrique de l’Ouest, décrypte Emile Faye, agronome fruitier au Cirad. Avec PixFruit®, on cherche à répondre aux besoins opérationnels des acteurs de ces filières. » 

SoYield, une application smartphone pour estimer ses rendements

En 2021, l’entreprise privée Sowit et le Cirad ont lancé une application basée sur l’expertise PixFruit®, à usage des acteurs de la filière mangue au Sénégal : producteurs, techniciens de récoltes, grossistes, acheteurs ou encore exportateurs. Tous ont fait remonter leurs besoins et ont testé l’outil au fur et à mesure de sa conception et de son développement. 

Plus qu’un prototype, SoYield compte aujourd’hui 400 utilisateurs actifs dans quatre pays : le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Maroc. L’application fonctionne pour l’instant sur deux espèces : la mangue et la clémentine, pour un total de 11 variétés. Elle permet d'estimer la production d'un verger à partir d’un échantillonnage photographique d'un nombre restreint d'arbres. Une fois les données traitées par les algorithmes, des indicateurs du rendement sont mis à disposition des producteurs (tonnes de fruits par hectare, par variété, hétérogénéité de production, calibres des fruits...), ainsi qu'à d’autres acteurs de la filière, sous d'autres formes.

Bien qu’encore en phase d’amélioration, SoYield a déjà fait ses preuves aux yeux de plusieurs producteurs. Ces derniers estiment désormais facilement et précisément leur production, ce qui leur était impossible ou difficile auparavant. Ayant les chiffres de leur rendement en tête, ils sont mieux armés pour vendre leurs fruits. Du côté des acheteurs, les retours sont également positifs : SoYield encourage la mise en réseau avec les producteurs et l’estimation partagée des rendements facilite l'organisation des campagnes de récoltes.

Différents acteurs pour un même besoin

Producteurs, acheteurs ou acteurs publics : tous ont besoin d’avoir accès à des données sur les productions fruitières pour programmer et mettre en œuvre leurs actions. Des mêmes données, traitées différemment selon les besoins. Les producteurs cherchent à connaître leurs rendements de manière précise et à les partager avec des tiers : potentiels clients ou autres producteurs, par exemple. Côté acheteurs, les aspects géographique et temporel sont importants : où, à qui, et quand peut-on acheter des fruits de telle variété à proximité de l’usine de conditionnement ? Enfin, les décideurs publics déploient leurs politiques en fonction du niveau de productivité des surfaces agricoles, ou encore des types de vergers en place dans leurs territoires.  

« Ce qu’on cherche à développer avec PixFruit®, ce sont des outils capables de répondre à toutes ces attentes, détaille Emile Faye. Derrière, le besoin est le même : connaître les rendements des vergers de manière objective et précise. C’est-à-dire des informations comme la quantité, la disponibilité, le calibre, la date de récolte, la maturité, la couleur des fruits... C’est dans la manière dont les données sont ensuite traitées et restituées qu’il est possible de s’adapter aux besoins des utilisateurs. » 

Des voies d’amélioration pour faire adopter l’outil

Au-delà des aspects techniques et scientifiques du développement d’une application comme SoYield, le plus gros défi est celui de son adoption par les acteurs de la filière. Les scientifiques se penchent désormais sur de nouvelles questions : « par exemple, précise Emile Faye, est-ce que l’interface est suffisamment simple d’utilisation ? En quelle langue doit-on travailler, français, anglais ou bien en langues locales ? Est-ce que le mot « parcelle » signifie bien la même chose pour tous les utilisateurs ?  Les données personnelles sont-elles suffisamment protégées ? » 

Ensemble, le Cirad et Sowit travaillent à développer les prochaines versions de SoYield, adaptées aux contraintes des différents terrains. Le partenariat avec l’entreprise est particulièrement fructueux et permet des allers-retours rapides entre les terrains et les changements proposés. 

A termes, les scientifiques du Cirad espèrent étendre le champ d’action de PixFruit® à d’autres productions – comme le café, le cacao, le litchi ou encore l’avocat – et à d’autres régions : l’Afrique dans son ensemble, mais aussi l’Amérique latine ou l’Asie du sud-est.