Systèmes participatifs de garantie, un modèle de certification à (re)découvrir

Plaidoyer 23 août 2022
Participative et non marchande, la certification par système participatif de garantie repose sur l’évaluation par les pairs. En favorisant la mise en réseau des acteurs concernés au sein de territoires agricoles, elle s'inscrit dans une démarche de progrès. Focus sur cette dynamique soutenue par le Cirad et qui fait des émules jusque dans le secteur de la construction ou de l’énergie.
© R. Belmin, Cirad
© R. Belmin, Cirad

© R. Belmin, Cirad

Agriculture biologique, Label rouge, Rainforest Alliance, Pêche durable, AOC… Face à une demande croissante pour une alimentation saine et respectueuse de l’environnement, les labels pleuvent. En Europe, la majorité d’entre eux fonctionnent via un mécanisme de contrôle et d’attribution par un organisme de certification privé et indépendant. Or « ce système de certification par tierce partie tend à exclure une partie des producteurs, explique Sylvaine Lemeilleur, économiste au Cirad. Soit parce que les coûts (salaire et déplacements de l’auditeur) sont excessifs, soit parce que les agriculteurs refusent de se plier à une marchandisation de la garantie ».

Pour ces producteurs à l’écart des certifications classiques, les systèmes participatifs de garantie (SPG) constituent une excellente alternative. Ils reposent sur l’évaluation par les pairs et l’ensemble de la communauté concernée (consommateurs, transformateurs, distributeurs) pour mesurer le respect des engagements pris collectivement. Les travaux de la chercheuse ont montré que les SPG sont aussi robustes que les certifications par tierce partie : « les mécanismes de vérification, comme la non-réciprocité des visites de contrôle et la rotation systématique des enquêteurs, sont assez forts pour qu’il n’y ait pas de fraude. »

« Un réseau de solidarité local et durable »

© P. Ninnin

© P. Ninnin

Mais plus qu’un simple processus de certification, les SPG facilitent l’apprentissage continu via les visites de contrôle et les échanges réguliers entre les membres. « Ils favorisent la création d’un réseau de solidarité local et durable sur un territoire donné », analyse l'experte qui est aussi membre du comité international SPG de l’IFOAM (la fédération internationale des mouvements de l’agriculture biologique).
« Cette mise en réseau est particulièrement importante dans les pays où il n’existe que peu d’accompagnement et de formation à l’agroécologie », précise-t-elle. Ces systèmes contribuent également à bâtir une relation de connaissance et de confiance mutuelle plus étroite entre consommateurs et producteurs, ce que ne permet pas l’anonymat des certifications tierces classiques.

Par exemple, l’enjeu principal du SPG polynésien Bio Fetia est de « développer l’agriculture biologique et de créer des dynamiques entre acteurs, notamment entre les petits producteurs, dans des conditions insulaires très spécifiques », précise Heiva Faatauira, l’une de ses coordinatrices qui a bénéficié de la formation professionnelle proposé par le Cirad pour développer les SPG. Le réseau polynésien compte 232 adhérents dont 116 producteurs, 90 consommateurs, 15 transformateurs et 11 acheteurs. « Lors de chacune de nos visites, on partage le fruit de nos précédents échanges avec d’autres producteurs, car ils font face aux mêmes problématiques, notamment l’écoulement des produits et leur juste rémunération ».

Des défis de taille

Développer sa notoriété auprès des consommateurs, ses circuits de commercialisation, obtenir la reconnaissance des pouvoirs publics ou encore organiser, sur la durée, la participation non rémunérée de tous les acteurs… Les SPG font face à des défis de taille. Pour contribuer à les relever, le Cirad a développé différents outils et notamment des guides d’auto-évaluation, dans le cadre des projets Territoires Durables et Compairs.

Il y a quelques années, le Cirad a accompagné la structuration d’un SPG sur l’agroécologie au Maroc. Un second est en train de voir le jour dans le pays. Le Cirad soutient également l’émergence de nouveaux groupes locaux en Tanzanie et en Ouganda. Par ailleurs, dans le cadre du projet Territoires durables, il a organisé, fin juin à Montpellier, une formation internationale alliant apports théoriques et visites de terrain, en partenariat avec le SPG français Nature & Progrès. Une rencontre régionale entre SPG d’Afrique de l’ouest et centrale est prévue en 2023 à Abidjan.

Un mouvement de fond

Le tout premier système de certification du label bio au monde était justement un SPG français : Nature & Progrès. Puis dans toute l’Europe, la certification par tierce partie a rapidement supplanté les autres types de certification. Si bien qu’aujourd’hui, c’est plutôt dans l’hémisphère sud que la certification participative est en plein essor.
On dénombre 242 SPG agricoles dans 78 pays engageant près de 1 200 000 producteurs (chiffres IFOAM, 2022). Et ces modes collaboratifs de gestion de la qualité infusent dans d’autres domaines : bâtiments durables, énergies vertes, écotourisme, tiers lieux, finance solidaire, etc. « Par leur architecture collective et leur diversité, les SPG ouvrent de nouvelles opportunités aux mouvements sociaux du monde entier pour une reconquête des communs », conclut Sylvaine Lemeilleur.