Vient de sortir 9 décembre 2024
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Mobiliser les motivations des bénéficiaires pour des impacts plus durables
« Prendre le temps de considérer et de mobiliser les motivations dites intrinsèques des populations concernées par les projets de conservation de la nature est un pari gagnant pour faire évoluer durablement les comportements », résume Driss Ezzine de Blas, socio-économiste au Cirad.
En étudiant les mécanismes financiers de préservation de la biodiversité, le chercheur a constaté au cours de ses travaux que les paiements pour services environnementaux sont généralement moins efficaces quand ils utilisent uniquement des outils pécuniaires. Il a croisé la psychologie sociale et l’économie comportementale pour explorer ces questions. Le dernier numéro de Perspective donne un aperçu de ces travaux originaux et quelques pistes méthodologiques.
Motivations intrinsèques versus motivations extrinsèques
Une motivation intrinsèque est propre à chaque individu. Elle le pousse à agir pour la satisfaction que l’action lui procure.
Les quatre principales motivations intrinsèques en jeu dans un projet intégré de conservation et développement © Cirad
Par opposition, une « motivation extrinsèque » pousse la personne à agir sous l’effet d’un levier externe : une incitation économique (rémunération, mesure fiscale…) ou une contrainte (obligation légale, sanction, amende…).
Les deux types de motivation sont des moteurs de l’action. Toutefois, alors qu’une motivation intrinsèque enclenche des changements durables de comportement, l’effet de la motivation extrinsèque disparaît lorsque le levier qui la provoque s’arrête.
Repenser les projets à la lumière des motivations des participants
Mobiliser les motivations intrinsèques des bénéficiaires d’un projet de développement ou d’une politique incitative est aussi efficace que les leviers économique et très probablement plus durable dans le temps, comme le montre notamment une publication récente sur un projet de conservation de la forêt en Bolivie qui associe des compensations matérielles à des motivations sociales et environnementales.
« Lorsqu’un projet de conservation mobilise seulement des motivations dites extrinsèques, comme la peur d’une sanction ou le bénéfice économique, une fois l’intervention terminée, le scénario probable est le retour au comportement initial », explique le chercheur.
Performance de l’action d’un bénéficiaire au sein d’un projet : le jeu des motivations au fil du temps © Cirad
Cartographier les motivations
Mobiliser les motivations intrinsèques des bénéficiaires d’un projet demande de les identifier au préalable et d’en connaître la distribution en fonction des caractéristiques des participants. Ces informations, réunies sous la forme d’une « cartographie des motivations », sont obtenues par des enquêtes auprès des acteurs concernés. « Concrètement, une cartographie des motivations peut se dessiner en ajoutant 10 à 15 questions aux enquêtes classiques qui sont toujours menées auprès des populations au démarrage d’un projet » souligne Driss Ezzine de Blas.
Les facteurs psychologiques aussi puissants que les incitations économiques
Considérer les motivations intrinsèques, c’est prendre conscience de l’importance de la dimension psychologique au même titre que celle d’autres facteurs déjà connus, comme les motivations économiques (revenus des ménages).
C’est un objectif dont peuvent se saisir les décisionnaires, les bailleurs du développement et de la recherche et les chefs de projets pour les contenus des interventions qu’ils programment : projets et politiques de conservation et de développement, enquêtes de terrain, méthodes de suivi-évaluation et d’apprentissage, recherche scientifique d’accompagnement.
Alors que les motivations morales sont reliées à l’appréciation de ce qui est bien ou mal, les motivations intrinsèques d’un individu sont liées à son sentiment d’appartenance, c’est-à-dire à sa volonté de participer à un collectif, d’améliorer une société, d’être reconnu socialement par les autres, au-delà des considérations morales. Le désintéressement revient à des comportements altruistes, c’est-à-dire agir pour le bien des autres en dépit de soi-même.
Enfin, pour comprendre l’approche par les motivations intrinsèques par rapport au mérite ou à la récompense économique par un salaire par exemple, posons-nous la question suivante : ferions-nous un autre travail que le nôtre pour le même salaire ? Si la réponse est affirmative, alors il n’y a pas de motivation intrinsèque qui explique notre choix actuel. Si la réponse est négative, une combinaison de motivations intrinsèques (plaisir) et extrinsèques (salaire) explique notre choix.