Les intrants biologiques en plein essor en Amérique du Sud

Vient de sortir 7 juin 2021
Les alternatives biologiques aux intrants chimiques ont le vent en poupe dans le monde entier. Plusieurs pays d’Amérique latine sont de plus en plus actifs dans la production de biofertilisants et d’agents de lutte biologique. Certains, comme l’Argentine, le Brésil et la Colombie soutiennent les intrants biologiques avec des programmes incitatifs et la transformation de leurs réglementations. Le dernier numéro de Perspective scrute ces tendances sud-américaines.
Les intrants biologiques, ou biointrants, incluent à la fois les biofertilisants et les produits de biocontrôle des ravageurs et maladie © Adobe Stock
Les intrants biologiques, ou biointrants, incluent à la fois les biofertilisants et les produits de biocontrôle des ravageurs et maladie © Adobe Stock

Les intrants biologiques, ou biointrants, incluent à la fois les biofertilisants et les produits de biocontrôle des ravageurs et maladie © Adobe Stock

En Amérique latine, les politiques publiques sont en plein essor pour favoriser les alternatives à la chimie agricole (pesticides et engrais). Cette promotion des intrants biologiques, ou biointrants, ne s’affiche néanmoins pas en rupture des modèles industriels de production agricole. Les États cherchent plutôt à aménager une coexistence entre intrants chimiques et biologiques dans le cadre d’une transition tournée vers la bioéconomie.

Intrants biologiques et politiques agricoles en Amérique du Sud : entre ruptures et continuités | Perspective 55

Un tournant microbiologique et biotechnologique

Les biointrants incluent à la fois les produits de biocontrôle et les biofertilisants (voir encadré). Ces derniers sont incarnés par les bioinoculants, qui ont connu un boom considérable avec l’essor du soja depuis la fin des années 1990. En Argentine et au Brésil, une industrie nationale florissante s’est développée autour de ces technologies.

Ce tournant microbiologique et biotechnologique s’observe aussi dans le secteur du biocontrôle, pour lequel la recherche-développement se concentre aujourd’hui sur les bactéries et les champignons. Au Brésil, 80 % des nouveaux biointrants enregistrés sont produits de biocontrôle à base de microorganismes.

Agrochimie et biointrants : rapprochements et continuités

Les entreprises multinationales agrochimiques ont investi dans le secteur des biointrants en opérant de nombreux rachats d’entreprises nationales. Elles s’implantent ainsi sur ce front technologique émergent, jouissant d’une croissance élevée sur les marchés sud-américains.

Ce développement industriel des intrants biologiques les inscrit dans une forme de continuité, ou du moins de coexistence, avec le modèle chimique dominant. Les politiques publiques sud-américaines promeuvent d’ailleurs cette vision d’une transition très progressive : les intrants biologiques sont une solution d’avenir, mais complémentaire, à court et moyen termes, des intrants chimiques.

Politiques publiques et intrants biologiques

Les politiques en faveur des biointrants investissent différents domaines d’action. Le plus important est probablement celui des cadres réglementaires d’évaluation et d’homologation des produits. La Colombie est le seul pays qui dispose d’une législation spécifique aux intrants biologiques. Tandis que l’Argentine et le Brésil ont chacun récemment élaboré un programme national de promotion des biointrants.

Mais des groupements d’agriculteurs ont pris de court l’action publique avec la production de biointrants à la ferme. Le Brésil joue un rôle d’avant-garde dans cette dynamique.

La production de biointrants à la ferme prend de court l’action publique

Depuis le milieu des années 2010, un réseau d’exploitations agricoles de grande taille, conventionnelles ou biologiques, s’est structuré à l’échelle fédérale pour encourager la production à la ferme de microorganismes pour la fertilisation ou la santé des plantes. Il s’agit du Groupe associé pour l’agriculture durable (GAAS, Grupo Asociado de Agricultura Sustentável). Ces agriculteurs recrutent des ingénieurs microbiologistes et se font assister par des scientifiques.

Les industriels crient à la bio-piraterie

Cette dynamique pose certains problèmes à l’État et aux industries des biointrants en plein essor. L’État, avec le Programme national des biointrants, s’efforce de développer des outils de formation, de suivi et de contrôle pour encadrer sur le plan sanitaire ces pratiques innovantes.

Les industries veulent garantir la propriété intellectuelle de leurs souches de microorganismes et font pression pour interdire la reproduction à la ferme de microorganismes issus de leurs produits commerciaux, qu’elles considèrent comme de la « bio-piraterie ».

En France et en Europe, ces dynamiques de production à la ferme de microorganismes sont aujourd’hui absentes, ou quasiment inexistantes. Mais on y observe un intérêt grandissant pour le biocontrôle, pour l’agroécologie et pour la réappropriation par les agriculteurs de certaines activités dans la conception et l’usage des technologies. Il est de ce fait important de scruter avec attention les innovations à l’œuvre en Amérique du Sud et la façon dont elles contribuent à renouveler les relations entre agriculteurs, recherche agricole et industrie des intrants.

Du biocontrôle aux biointrants : définitions

Le biocontrôle désigne un ensemble de techniques d’origine biologique utilisées pour lutter contre leurs bioagresseurs (microorganismes, insectes, acariens, nématodes, etc.). On distingue quatre principaux types d’agents de contrôle biologique :
> les macroorganismes auxiliaires invertébrés, comme les insectes et les acariens
> les microorganismes (champignons, bactéries, virus) ;
> les médiateurs chimiques, incluants surtout les phéromones d’insectes ;
> les substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale.
Les biofertilisants sont utilisés pour enrichir les sols. Ils peuvent être à base de matières organiques (déjections animales, résidus végétaux, composts) ou de microorganismes, comme les bioinoculants.
Les bioinoculants sont des produits essentiellement à base de bactéries fixatrices d’azote sélectionnées et améliorées en laboratoire. Ces bactéries vivent naturellement en symbiose avec les racines des légumineuses (telles que le soja, le pois chiche, les haricots, etc.), capturant les éléments chimiques de l’air et du sol et les restituant sous une forme assimilable à la plante.
Tous ces intrants biologiques destinés à l’agriculture sont nommés plus généralement biointrants (bioinsumos) en Amérique du Sud.

 

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Cette série de 4-pages synthétiques présente des idées ou des politiques novatrices sur des questions de développement, stratégiques pour les pays du Sud : sécurité alimentaire, foncier, changement climatique, sécurité énergétique, gestion des forêts, normes, etc.