Elisabeth Claverie de Saint Martin : « La formation est le premier levier de développement, fondateur des autres »

Institutionnel 28 septembre 2021
Elisabeth Claverie de Saint Martin, présidente-directrice générale du Cirad participera à la 2e édition des Rencontres du Développement Durable, lors de la journée du 30 septembre 2021.

Elisabeth Claverie de Saint Martin, présidente-directrice générale du Cirad © Arnaud Calais

Doit-on s'inspirer des actions de la jeunesse en matière d’environnement, et si oui comment ?

Elisabeth Claverie de Saint Martin : C’est primordial ! Car le développement durable doit permettre aux générations futures de vivre dans un monde autant que possible pacifié. Pour cela, elles doivent être actrices de la démarche.

L’inclusion, et au-delà la participation active, font partie des mots d’ordre essentiels des recherches menées au Cirad. En Afrique par exemple, le marché du travail accueillera 380 millions de jeunes d’ici 2030. Ce sont 30 millions de personnes chaque année qui devront accéder à l’éducation et à des formations. Le défi du Sahel et plus largement de l’Afrique subsaharienne est de leur fournir un emploi et un revenu. C’est essentiel ! Il en va de leur sécurité alimentaire, de leur sécurité environnementale, de leur sécurité économique, de leur sécurité tout simplement.

La formation est pour moi le premier levier de développement, fondateur des autres. Les deux tiers de ces nouveaux actifs vivront en milieu rural. L’agriculture jouera donc un rôle pivot dans l’accès de ces jeunes au marché du travail, dans le développement des pays du Sahel et dans la stabilité du continent. Avec nos partenaires, nous travaillons pour eux, mais aussi avec eux.

Comment dépasser le clivage entre le secteur privé et le secteur public en matière de transition ?

E. C. : Là encore, pour assurer un développement durable, il est absolument nécessaire de faire converger les intérêts publics et privés. Dans le domaine de l’innovation, le Cirad a déployé une nouvelle offre spécifique, « Cirad’Innov », constituant un tremplin pour innover, produire des solutions dans le respect des communautés et des écosystèmes.

De la génétique des plantes à la conformité aux réglementations locales, en passant par des pratiques agricoles plus durables, nos chercheurs et chercheuses accompagnent les acteurs socio-économiques pour relever les défis techniques, sociaux et environnementaux auxquels ils sont confrontés. Nous intervenons à toutes les étapes des chaînes de valeur dans les régions tropicales et méditerranéennes. Nous aidons les entreprises à renforcer leurs stratégies partenariales et à construire des modèles inclusifs de développement. Notre approche montre que l’association public-privé peut être très vertueuse : les projets que nous mettons en œuvre ensemble permettent de répondre à des enjeux à la fois productifs, économiques et commerciaux tout en préservant la biodiversité et l’environnement dans un cadre social éthique et juste.

Par ailleurs, dans le domaine de la santé et de la gestion des risques qui y sont liés, les partenariats public-privés sont devenus aujourd’hui indispensables. Afin de limiter la propagation d’un virus par exemple, l’association de tous les acteurs, qu’ils soient publics ou privés, permet une surveillance rapprochée et une détection plus rapide. Il s’agit d’une situation gagnant-gagnant.

Quel sens donnez-vous au « monde d’après » ?

E. C. : Pour le Cirad, le monde d’après ne pourra se construire durablement sans une transformation des systèmes alimentaires, satisfaisant en particulier aux Objectifs de développement durable 1 – la réduction de la pauvreté – et 2 – celle de la faim. Les systèmes alimentaires concernent tout le monde et englobent une très large palette d’activités humaines liées à l’alimentation. Ils génèrent, de fait, d’importants effets – positifs et négatifs – à différentes échelles. Dans les pays tropicaux et méditerranéens, les systèmes alimentaires prennent des formes variées selon les contextes, en particulier entre campagne et villes. Les acteurs innovent en permanence et font preuve d’un très fort dynamisme.

Les ODD servent également de guide d’action dans un cadre stratégique global. Au Cirad, nous articulons nos objectifs autour de quatre ambitions visant à contribuer aux ODD et relever les défis du développement durable au Sud. L’ambition « science » qui constitue le cœur de métier du Cirad : une science utile et mobilisée pour le changement et l’impact à toutes les échelles du développement durable, du petit producteur aux politiques publiques. Le partenariat constitue la deuxième ambition. Il est le principe d’action historique du Cirad, avec notamment une présence permanente, sous forme d’expatriation chez certains de nos partenaires, dans les pays tropicaux et méditerranéens.

Avec la formation, troisième ambition, le Cirad considère qu’il n’y a pas de développement possible sans développement du capital humain. Enfin, l'impact est la finalité d’action du Cirad : nous visons des changements, dans les domaines politiques, économiques et sociaux. Le Cirad mobilise des connaissances et construit des partenariats qui doivent déboucher effectivement sur la production d’innovations politiques, techniques et sociales au bénéfice de tous les acteurs concernés.

Cette interview a été également publiée sur le site des Rencontres 2021 du développement durable.