Booster la Technique de l’insecte stérile accroît son efficacité contre les moustiques

Résultats & impact 18 juin 2019
Booster la Technique de l’insecte stérile à l’aide d’un biocide à faible dose, transporté par les mâles stérilisés, pourrait permettre de mieux contrôler les épidémies transmises par les moustiques, c’est ce que viennent de montrer des chercheurs du Cirad et de l’Inra, en collaboration avec la division FAO-IAEA de lutte contre les insectes nuisibles. Les pathologies telles que la dengue, le zika ou encore le chikungunya sont concernées. Les résultats de cette étude ont été publiés dans Communications Biology - Nature.
Femelle d'Aedes albopictus contaminée par un biocide suite à l'accouplement avec un mâle issu de la TIS boostée © L. Laroche, IRD

La technique de l’insecte stérile (TIS) est une méthode biologique qui consiste à élever en masse l’insecte cible, à le stériliser par irradiation avant de le relâcher par voie aérienne. Les mâles stériles, en s’accouplant avec leurs homologues femelles, empêchent la reproduction, ce qui permet de réduire les populations d’insectes ciblés. La technique est largement utilisée aujourd’hui dans le monde. Mise au point dans les années 1950, il s’agit d’une des méthodes de lutte les plus respectueuses de l’environnement. Elle a rencontré depuis lors de nombreux succès. Récemment, il a été proposé de considérer le mâle stérile non seulement comme un compétiteur sexuel, mais surtout comme un transporteur spécifique permettant de transmettre des biocides aux femelles, voire aux gîtes larvaires dans le cas des moustiques. Dans un récent article publié dans Communication Biology, les chercheurs ont démontré que cette technique pourrait réduire de plus de 95 % le nombre total de moustiques mâles stériles nécessaires pour contrôler les épidémies de dengue. Cette avancée engendrerait une réduction drastique du coût de la lutte anti-vectorielle.

Le projet ERC Revolinc

Ces travaux ont été conduits dans le cadre du projet ERC Revolinc, qui explore cette idée sur trois groupes principaux d’insectes, dont le moustique Aedes albopictus ou moustique tigre, vecteur de nombreuses arboviroses telles que la dengue, le chikungunya et le zika. Différents biocides ont été testés afin de sélectionner les plus efficaces mais aussi les plus spécifiques dans chaque groupe en vue d’éviter toute contamination environnementale. Les résultats préliminaires générés sur la transmission du pyriproxyfène*, en laboratoire, ainsi que l’intégration des données déjà publiées, ont permis de paramétrer les modèles qui font l’objet de l’article paru dans Communication Biology. A terme, l’équipe du projet prévoit de tester les densovirus, en tant que biopesticides extrêmement spécifiques d’Aedes albopictus.

L'apport de la modélisation

La collaboration entre entomologistes et modélisateurs a permis de comparer l’efficacité de la TIS avec celle de l’auto-dissémination du pyriproxyfène et de la TIS boostée. Si la modélisation a mis en évidence l’intérêt d’associer les trois techniques, dans le cadre d’une stratégie de lutte intégrée contre les vecteurs, elle montre aussi le caractère révolutionnaire de la TIS boostée. Cette méthode de lutte est en effet efficace à des seuils de densité de populations inégalés avec les autres méthodes.

*Le pyriproxyfène est un analogue de l'hormone juvénile qui empêche les larves de moustiques de se métamorphoser en adultes.