Science en action 27 novembre 2024
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L’intelligence artificielle pour modéliser les systèmes agroforestiers complexes
Modéliser les systèmes complexes que sont les agroforêts est un véritable défi. Pour y parvenir, des chercheurs du Cirad et leurs partenaires* ont eu l’idée d’avoir recours à l’intelligence artificielle. Ces travaux audacieux sont menés dans le cadre du projet Deep2PDE coordonné par Émilie Peynaud, numéricienne et modélisatrice au Cirad. L’objet d’étude de ce projet est les cacaoyères agroforestières du Centre Cameroun. « Ces agroforêts se caractérisent par une grande diversité : des cacaoyers, différents arbres fruitiers et plusieurs autres plantes. D’autant que l’ensemble n’est pas organisé géométriquement ce qui complique encore notre objectif de représentation, » souligne Émilie Peynaud.
Les multiples vertus des agroforêts
L’agroforesterie présente plusieurs avantages précieux vis-à-vis de la production agricole, mais aussi de l’environnement. La production de cabosses est certes un peu moindre qu’en plein soleil, mais elle nécessite beaucoup moins d’engrais et de pesticides. Elle est aussi plus stable et les cacaoyers ont une plus grande durée de vie. La diversification des cultures, qui sont autoconsommées et commercialisées, assure sécurité alimentaire, revenus complémentaires, mais aussi résilience face aux aléas climatiques ou économiques. Du point de vue écologique, les systèmes agroforestiers possèdent une biodiversité bien supérieure à celle des monocultures, les sols sont préservés de l’érosion et enrichis naturellement par la litière des arbres.
Modéliser pour comprendre et optimiser
Les chercheurs proposent de concevoir un modèle capable de représenter un système agroforestier et de simuler son fonctionnement pour le rendre plus productif. Les méthodes conventionnelles pour modéliser le vivant consistent à construire des équations sur la base de connaissances d’experts. Néanmoins selon Émilie Peynaud « si les agroforêts sont désormais bien connues des agronomes du Cirad, leur complexité et notamment le nombre de paramètres et d’interactions à prendre en compte, rend impossible l’utilisation de méthodes de modélisation conventionnelles. En revanche, l’utilisation des réseaux de neurones semble une approche très prometteuse. »
L’intelligence artificielle pour révéler des équations mathématiques
Deep2PDE a été officiellement lancé lors d’un atelier de démarrage en mars 2019 à Yaoundé (Cameroun). La première étape est de concevoir une représentation globale d’une plante avec des données simples comme la surface de feuille par unité de volume. Tout cela dans l’espace et dans le temps. « Les réseaux de neurones seront pour nous un outil précieux pour nous aider à extraire les équations mathématiques qui peuvent régir des paramètres comme la dynamique de croissance foliaire, explique Émilie Peynaud. Nous allons commencer avec des réseaux de neurones qui existent déjà, mais nous envisageons d’ajuster ensuite leur architecture. » Le défi ne s’arrête pas là. Alors que la plupart des travaux de même nature s’effectue à partir de données fictives, l’équipe de scientifiques va utiliser des données réelles acquises par télédétection de la distance par laser (lidar) dans des cacaoyères agroforestières.
* Université de Yaoundé 1 (Cameroun), Sorbonne université (France) et IRD (France).