Un apport d’engrais aux cultures peut contribuer à améliorer la sécurité alimentaire en Afrique de l’Est

Résultats & impact 21 février 2023
Les faibles rendements agricoles en Afrique sub-saharienne s’expliquent en partie par des sols peu fertiles, avec de faibles stocks d’éléments minéraux disponibles pour la nutrition des plantes. Une étude, coordonnée par le Cirad, montre qu’un apport modéré et approprié d’engrais azotés sur la culture du maïs permettrait de diminuer l’insécurité alimentaire des ménages agricoles en Afrique de l’Est.
Fermes dans les Monts Usambara, en Tanzanie © Rik Schuiling, TropCrop-TCS
Fermes dans les Monts Usambara, en Tanzanie © Rik Schuiling, TropCrop-TCS

Fermes dans les Monts Usambara, en Tanzanie © Rik Schuiling, TropCrop-TCS

En Afrique sub-saharienne, plus d’un tiers des ménages ruraux subissent une insécurité alimentaire. « Les rendements du maïs, principale culture vivrière des régions étudiées en Afrique de l’Est, ne s’élèvent qu’à 1700 kg/hectare en moyenne, souligne Gatien Falconnier, agronome au Cirad, 1er auteur d’une nouvelle étude publiée dans Agricultural Systems. Le climat et les propriétés physiques des sols permettraient pourtant d’atteindre des rendements autour de 8000 kg/hectare dans de nombreuses régions du continent. » Une cause importante de ce déficit de production provient des faibles stocks de nutriments minéraux dans les sols nécessaires à la croissance des cultures.  « Cette faible fertilité s’explique par l’altération des minéraux dans ces sols très anciens, un manque de disponibilité en ressources organiques (fumier, compost, résidus végétaux retournant au sol) et un usage très faible des engrais minéraux ». L’étude montre que des apports appropriés d’engrais minéraux pourraient réduire significativement l’insécurité alimentaire des ménages agricoles avec des avantages potentiels à l’échelle nationale dans deux pays d’Afrique de l’Est en cas d’amélioration de la disponibilité des engrais.

Des bénéfices pour la sécurité alimentaire des petites et grandes exploitations familiales

L’équipe a travaillé sur un très large jeu d’observations de données de terrain dans deux pays : l’Ouganda et la Tanzanie. En Tanzanie, en passant de 9 kg d’azote/hectare apportés par la fertilisation à 82 kg/hectare, la part des ménages agricoles en insécurité alimentaire, majoritairement des petites fermes, chuterait de 28 % à 13 %. En Ouganda, les retombées seraient moindres et le niveau d’apport d’engrais optimal est estimé à 24 kg d’azote par hectare. Shamie Zingore, co-auteur de l’étude et chercheur à l’Institut africain de nutrition des plantes, explique : « la viabilité économique de l’investissement dans les engrais dépend du rendement des cultures et des prix respectifs des engrais minéraux – plus élevés en Ouganda qu’en Tanzanie par exemple – et du maïs acheté aux agriculteurs, mais aussi de la capacité des agriculteurs à financer l’achat d’engrais ».

Augmenter les fertilisations ne serait pour autant pas vain en Ouganda : des apports appropriés d’engrais au sein des exploitations familiales de taille plus importante (20 à 30 % des producteurs) pourraient contribuer à la sécurité alimentaire à l’échelle régionale, selon les chercheurs. La modélisation suggère que ces fermes pourraient en effet générer des surplus par rapport à leurs besoins alimentaires et contribuer ainsi à satisfaire les besoins régionaux avec une prédiction d’augmentation de plus de 60 % de l’approvisionnement en maïs en Tanzanie et Ouganda.

Cibler les zones prioritaires et rendre plus accessibles les engrais pour les agriculteurs

Ces travaux pourraient contribuer à cibler les zones prioritaires pour permettre l’accès aux engrais pour les agriculteurs et pour que soit réalisé un accompagnement technique conduisant à un usage approprié. « Les régions offrant le potentiel d’augmenter la production nationale ne correspondent pas nécessairement à celles où il est possible d’augmenter immédiatement la sécurité alimentaire des ménages les plus pauvres – les interventions pour améliorer l’accès aux engrais et accompagner leur utilisation devraient donc cibler ces différentes zones », pointe Gatien Falconnier. Shamie Zingore précise : « Les politiques gouvernementales à court terme devraient se concentrer sur l’accessibilité des engrais dans les zones où leur prix est favorable, tout en investissant dans le développement du marché à long terme pour améliorer l’accessibilité dans les zones moins favorables. »

Pour les agriculteurs des zones les plus isolées qui ne bénéficieraient pas immédiatement d’un accès  aux engrais, d'autres types d'actions pourraient être conduites avec par exemple des dispositifs adaptés d’aide économique à base de paiements directs.

Au-delà de l’aspect positif à court terme d’un apport d’engrais pour la production des cultures, la recherche en agroécologie se mobilise pour faire évoluer les systèmes de culture, afin d’optimiser les processus écologiques et réduire autant que possible les besoins d’apports d’engrais. Des travaux récents sur les bénéfices des engrais verts et sur le rendement du riz sont prometteurs.

Les études nourriront un prochain rapport sur le sujet qui sera remis lors du sommet de l’Union africaine sur les engrais et la santé des sols, organisé par l’IFDC en juin 2023.

Des rendements jusqu'à l'impact sur la sécurité alimentaire

L’efficacité des apports d’engrais minéraux pour accroitre le rendement des céréales est bien connu à travers l’Afrique, détaille Gatien Falconnier. Mais peu d’études vont jusqu’à modéliser les effets sur la sécurité alimentaire.” La modélisation réalisée ici s’appuie sur près de 16 000 observations de la réponse du maïs aux engrais. Elle permet une estimation de l’apport optimal et rentable d’engrais pour un échantillon représentatif de 4188 ménages agricoles. ”L’étude intègre des jeux de données larges et représentatifs à l’échelle de l’Afrique de l’Est, et d’autres études permettront d’affiner les résultats pour d’autres pays d’Afrique sub-saharienne”.

 

Référence

Gatien N. Falconnier, Louise Leroux, Damien Beillouin, Marc Corbeels, Robert J. Hijmans, Camila Bonilla-Cedrez, Mark van Wijk, Katrien Descheemaeker, Shamie Zingore, François Affholder, Santiago Lopez-Ridaura, Eric Malézieux, David Makowski, Jairos Rurinda, Martin K. van Ittersum, Bernard Vanlauwe, Ken E. Giller, Sabine-Karen Lammoglia, Katharina Waha (2023), Increased mineral fertilizer use on maize can improve both household food security and regional food production in East Africa, Agricultural Systems, Volume 205,103588, ISSN 0308-521X.