Le Cirad en première ligne dans la lutte contre l’antibiorésistance

Science en action 15 novembre 2022
L’antibiorésistance pourrait devenir la première cause de mortalité dans le monde. Pour lutter contre ce fléau, le Cirad lance deux nouveaux projets multidisciplinaires dans le cadre de l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé. Objectif : identifier et entraver les transmissions potentielles entre l’humain, l’animal et l’environnement et contribuer à la définition de politiques de rationalisation ambitieuses, dans quatre pays du Sud (Burkina Faso, Cambodge, Côte d’Ivoire, Madagascar).
Prélèvement sur volaille à Madagascar en vue de collecter des données pour évaluer la résistance des bactéries aux antibiotiques. © E. Cardinale, Cirad
Prélèvement sur volaille à Madagascar en vue de collecter des données pour évaluer la résistance des bactéries aux antibiotiques. © E. Cardinale, Cirad

Prélèvement sur volaille à Madagascar en vue de collecter des données pour évaluer la résistance des bactéries aux antibiotiques. © E. Cardinale, Cirad

Les antibiotiques, joyau thérapeutique du XXème siècle, sont en danger. Leur surutilisation et mésusage ont amplifié l’antibiorésistance. D’après le rapport O’Neill (2016), ce phénomène qui consiste, pour une bactérie, à devenir résistante aux antibiotiques, pourrait être responsable de plus de 10 millions de décès par an et devenir ainsi la première cause de mortalité en 2050.

Pour infléchir durablement les usages en médecine humaine, en médecine vétérinaire et en agriculture, le Cirad et ses partenaires mobilisent différentes disciplines, avec une approche commune « une seule santé ». Aujourd’hui, le centre coordonne deux projets internationaux d’envergure, financés par la France, dans le cadre du programme prioritaire de recherche Antibiorésistance porté par l’alliance pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan). 

Entraver la transmission

Le projet CIRCUS (Circulation of multi-drug resistant Enterobacteriaceae in humans, animals and in the environment in rural, peri urban and urban areas in low-and middle-income countries: a One Health approach) fait appel à l’épidémiologie et la microbiologie dans différents contextes (urbain, péri-urbain et rural) et pays (Burkina Faso, Cambodge, Côte d’Ivoire, Madagascar), afin d’analyser la circulation potentielle de bactéries multi-résistantes. « En partant de cas d’humains porteurs ou infectés par ce type de bactéries, nous identifions les contaminations croisées chez les membres de leur famille, leurs animaux, de compagnie (chiens et chats) ou de rente (volailles, porcs, ruminants), leur environnement (eau de boisson, excréments de rongeurs près du domicile), précise Éric Cardinale, vétérinaire au Cirad, et directeur adjoint de l’UMR ASTRE. « On analyse alors les souches bactériennes afin de déterminer comment chaque réservoir participe à la transmission de résistances chez l’Homme. Identifier la circulation permet de la limiter », ajoute le chercheur.  

Dans les mêmes sites, le projet RAMSES (Résistance aux AntiMicrobiens : facteurs Socio-Economiques et régulations influençant l'émergence et la dissémination dans les pays du Sud) appréhende la circulation des antibiotiques dans les marchés du médicament, leur régulation par les professionnels de santé humaine et animale, leur utilisation par les consommateurs. Il évalue aussi les capacités institutionnelles des pays en termes de laboratoires de microbiologie et de réseaux de surveillance. 

« Ces deux projets nous donneront une base factuelle conséquente pour aider les autorités, en particulier les comités nationaux de lutte contre l’antibiorésistance, à rationaliser l’usage des antibiotiques », ambitionne Éric Cardinale.

Antibiotiques : moins et mieux

Employer moins d’antibiotiques et à bon escient permet en effet de préserver leur efficacité. Un objectif particulièrement critique pour ceux de dernière ligne de défense que sont les carbapénèmes, céphalosporines de 3e et 4e générations et fluoroquinolones. Les alternatives ?  Le Cirad participe activement à leur promotion, via notamment la vaccination et le renforcement du niveau de biosécurité dans les élevages et alentours.  

Des résultats rapides et disséminables

En proie à une pression moindre, les bactéries retrouvent peu à peu un phénotype dit « sauvage »,  sensible aux antibiotiques. « À La Réunion, où le Cirad a mené différents projets dans le domaine, le nombre d’élevages contaminés par des bactéries multirésistantes a diminué de 50 % en cinq ans », illustre Éric Cardinale. Et de conclure : « Les pays avec lesquels nous collaborons faisant partie d’organisations régionales, si les nouvelles politiques de gestion des antibiotiques sont partagées, on peut démultiplier la portée de nos travaux ».  

Les autres projets en cours concernent le Togo (projet de renforcement de la maîtrise de l’antibiorésistance en milieu hospitalier au Togo), le Canada, Pays-Bas, Hongrie, Sénégal, Philippines (projet DESIGN), le Vietnam (projet I-CRET) et le Mozambique (projet ROAD-Map).

Déjà un ouvrage, bientôt un MOOC accessible et ludique
L’ouvrage AMR Antibiotiques et bactéries – Une histoire de résistance décortique le phénomène complexe de la résistance des bactéries aux antibiotiques et ses conséquences, afin de faire évoluer les pratiques. Cet ouvrage de vulgarisation fera bientôt l’objet d’un MOOC, particulièrement orienté vers les partenaires du Sud du Cirad. L’antibiorésistance analysée de façon holistique, sous le prisme « une seule santé », devrait aussi devenir un module de formation.