Science en action 17 septembre 2024
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Technique de l’insecte stérile renforcée : des essais très encourageants à La Réunion contre le moustique vecteur historique de la dengue
La dengue sévit particulièrement à La Réunion depuis 2018. Elle est transmise par le moustique tigre, Aedes albopictus mais un autre vecteur historique Aedes aegypti est également présent dans l’île. Le Cirad, en partenariat avec l’IRD, suite à une instruction du dossier par l’ARS Réunion et avec la participation de la mairie de Saint Joseph, a testé cette année la Technique de l’Insecte Stérile renforcée contre le moustique Aedes aegypti. Une population isolée de cette espèce a été ciblée dans une ravine de St Joseph (ravine de la rue Damour, quartier Vincendo). Cet essai a été conduit dans le cadre du projet ERC Revolinc qui vise à développer des méthodes alternatives de lutte contre les insectes vecteurs de pathogènes et ravageurs de culture.
Au total, 60 000 moustiques mâles stériles, traités à très faible dose au pyriproxyfène, ont été relâchés par drone ou « au sol » dans cette ravine (de mars à juillet 2021), après avoir obtenu toutes les autorisations. Ces mâles stériles étaient issus d’une souche réunionnaise d’Aedes aegypti entretenue en insectarium sécurisé dans les laboratoires de la FAO/IAEA à Vienne. Du fait de la pandémie Covid-19 et des tensions importantes sur le fret aérien, les procédures d’envoi par avion pourtant éprouvées lors d’essais pilotes précédents n’ont pas bien fonctionné. Par conséquent, moins de lâchers que prévu ont été réalisé.
Une réduction de la population de moustiques ciblée de 88 %
Malgré cela, un impact important des lâchers a été observé sur les densités d’adultes d’Aedes aegypti dans le site d’intervention : la réduction de cette population ayant atteint 88 % dans la ravine de la rue Damour en juillet 2021, à la fin de l’essai. Dans le même temps, aucune augmentation des densités d’Aedes albopictus, le moustique tigre présent également, n’a été observée. Enfin, aucun impact négatif sur l’environnement n’a été enregistré conformément aux prédictions de l’analyse du risque d’utilisation du pyriproxifène à très faible dose sur les mâles stériles lâchés sur le terrain. Cette étude environnementale sur les deux sites d’étude a été réalisé grâce à des ruches sentinelles et au suivi d’une espèce bio-indicatrice, les chironomes, occupant les mêmes gîtes larvaires que l’espèce de moustique cible.
Pour Jérémy Bouyer du Cirad, coordinateur des essais : « Les résultats sont très positifs et prometteurs, notamment pour le transport à distance des mâles stériles, leur lâcher aérien par drone en zone urbaine mais aussi en terme d’impact sur la population de moustique cible, et plaident pour l’utilisation à plus grande échelle de la TIS renforcée. »
Les acteurs du projet s’interrogent désormais sur les suites à donner à ces essais. La TIS renforcée et l’utilisation de drones pourraient être envisagées contre Aedes albopictus, aujourd’hui vecteur majeur de la dengue à La Réunion. Par ailleurs, l'IRD poursuit la phase opérationnelle du projet TIS classique dans la zone pilote de Duparc à Sainte-Marie.
« Pour rendre opérationnelle la TIS dans le cadre d’une stratégie intégrée de lutte antivectorielle à plus large échelle, il faudrait envisager de produire des moustiques mâles stériles à La Réunion en partenariat avec le secteur privé », commente Thierry Baldet, entomologiste médical du Cirad et coordinateur du Réseau régional One Health de l'océan Indien (OHOI).
L’étude a été conduite sur deux sites : l’embouchure de la rivière Langevin (site témoin) et la ravine de la rue Damour (site des lâchers, quartier Vincendo) à Saint Joseph. Des systèmes de piégeage des adultes et des œufs d’Aedes aegypti y ont été mis en œuvre pour estimer l’abondance d’Aedes aegypti, via le nombre d’individus adultes capturés et d’œufs récoltés ainsi que pour caractériser les préférences du moustique ciblé en termes de gîte larvaire afin de mieux connaître son écologie et mesurer l’impact des actions de lutte.