Gestion de l’eau : comment la qualité des relations entre individus suscite de bons choix économiques

Résultats & impact 28 juillet 2021
Comment décider d’un plan de cultures irriguées en se basant sur un calcul incertain de la disponibilité en eau ? Combien investir dans la ressource commune sans savoir combien d’eau est utilisée par les autres ? Si l’incertitude est un facteur inévitable de la gestion des ressources hydriques en agriculture, elle rend la prise de décision difficile. Dans une étude exploratoire publiée en juillet 2021 dans Nature Scientific Reports, un groupe de chercheurs utilise l’économie expérimentale pour évaluer l’impact de la qualité des relations et des réseaux interpersonnels sur la gestion de l’eau en conditions d’incertitude. Selon les résultats, plus les relations entre les individus sont bonnes et plus la coopération s’améliore, tandis que la perception de l’incertitude diminue. La qualité des relations améliore ainsi la gestion collective de la ressource et réduit la réticence à contribuer au bien public. Différents types de communication peuvent être à la source de bonnes ou mauvaises relations entre individus.
Rizière irriguée dans la région de Jogyakarta, en Indonésie © S. Farolfi, Cirad
Rizière irriguée dans la région de Jogyakarta, en Indonésie © S. Farolfi, Cirad

Rizière irriguée dans la région de Jogyakarta, en Indonésie © S. Farolfi, Cirad

Au-delà des aspects environnementaux, la disponibilité en eau en agriculture est directement liée à l’usage des uns et des autres. Dans un périmètre irrigué, par exemple, les exploitations en aval sont dépendantes de l’utilisation des exploitations en amont : des prélèvements excessifs de ces dernières peuvent entraîner une raréfaction de la ressource ou un risque de pollution qui impactent les exploitations en aval. Toutes paient pourtant la même redevance pour financer les infrastructures collectives permettant l’accès à l’eau.

Pour Stefano Farolfi, économiste au Cirad et co-auteur de l’étude, cette inégalité de position accentue encore la méfiance générée par l’incertitude présente, surtout en situation de rareté de l’eau. Une méfiance qui mine la collaboration et donc une bonne gestion collective de la ressource. « Lorsque la ressource se raréfie, les agriculteurs en amont peuvent profiter de leur accès privilégié en mettant en place des comportements dits du « passager clandestin » favorisant l’intérêt individuel plutôt que le bien-être collectif, tandis que les agriculteurs en aval peuvent avoir des comportements dits « de sanction » vis-à-vis des agriculteurs en amont. Ils vont par exemple moins contribuer aux investissements pour l’entretien des infrastructures collectives, ce qui diminue l’accès à l’eau pour tout le monde. »

De nombreuses études axent sur la communication pour réduire la perception de l’incertitude et améliorer la coopération dans un groupe. Pour Stefano Farolfi et ses collègues, cela ne s’arrête pas là : le type de communication engagée impacte également la perception que les individus ont des autres et donc leurs relations. Et plus les relations sont bonnes, plus ils prennent des bonnes décisions.

Une bonne relation de groupe à la source d’une gestion durable des ressources

Session en salle expérimentale © S. Farolfi, Cirad

Session en salle expérimentale © S. Farolfi, Cirad

Sous la forme d’un jeu rémunéré pour refléter les enjeux économiques, l’expérience en laboratoire ne faisait évoluer qu’une seule variable à la fois : le type de communication, plus ou moins contraint, ou le niveau d’information, qui est inversement proportionnel au degré d’incertitude dans le système.

« L’économie expérimentale permet de reconstituer une situation réelle en laboratoire puis de faire évoluer seulement certaines variables, afin de mesurer précisément leurs impacts, explique Stefano Farolfi. Ici, on a fait évoluer les possibilités de communiquer et le niveau d’information disponible. Et on a observé que moins la communication entre les joueurs était contrainte, plus ils étaient satisfaits des relations établies. »

Une perception qui impacte directement les choix individuels de gestion :

« Plus les joueurs étaient à l’aise les uns avec les autres, et moins on apercevait de comportements individuels négatifs pour la gestion de la ressource commune. »

Selon l’étude, les réseaux et les relations sociales sont ainsi à la base des bons choix d’un groupe en matière de gestion d’une ressource commune. Si la perception de l’incertitude est l’un des thèmes récurrents de cette question, d’autres problèmes pourraient également être réglés grâce à des meilleures relations établies entre les individus d’une collectivité. 

Référence

Marcela Brugnach, Sander de Waard, Dimitri Dubois, Stefano Farolfi. 2021. Relational quality and uncertainty in common pool water management: an exploratory lab experiment. Nature Scientific Reports.