Optimiser l’usage des terres agricoles au Sud

Résultats & impact 14 décembre 2020
Les cadres théoriques classiques considèrent que l’allocation des surfaces cultivées doit répondre à deux critères : la qualité agronomique des terres et leur accessibilité au marché. Dans une étude publiée le 11 décembre dans PLOS One , deux chercheurs, dont un Cirad, prouvent cependant que cette vision de l’utilisation préférentielle des meilleures terres pour l’agriculture n’est pas systématique dans toutes les régions du monde. Leurs résultats montrent qu’il existe encore un potentiel non exploité dans de nombreux pays, notamment en Amérique du Sud, Afrique et Asie.
L’allocation des terres agricoles est une question aujourd'hui majeure. L’accroissement des besoins alimentaires et la hausse constante de la production de biocarburants rendent cruciale l’utilisation efficace d’une ressource limitée.© B. Locatelli, Cirad

L’allocation des terres agricoles est une question aujourd’hui majeure. L’accroissement des besoins alimentaires , ainsi que la hausse constante de la production de biocarburants pour répondre à notre consommation énergétique, rend cruciale l’utilisation efficace d’une ressource limitée . Selon un article publié ce mois-ci dans PLOS One, les chercheurs estiment qu’il existe encore des marges importantes d'amélioration de l’usage des surfaces cultivées en Amérique du Sud, en Afrique et dans certaines parties de l'Asie .

De grandes disparités entre régions

En se basant sur les deux critères mis en avant par les modèles économiques classiques, à savoir la qualité agronomique d’une terre et son accessibilité au marché , les scientifiques ont établi qu’il existait de grandes disparités entre régions dans l’allocation des surfaces cultivées.

« On peut distinguer deux grands groupes de régions, précise Thierry Brunelle, chercheur au Cirad et premier auteur de l’étude. Dans les régions où le développement de l’agriculture intensive est le plus ancien - en Amérique du Nord, au Moyen-Orient, en Russie, en Chine, en Inde et dans l’Union Européenne - les surfaces cultivées sont majoritairement situées sur les meilleures terres . Au contraire, dans les régions où le développement agricole est plus récent et où la frontière agricole est parfois encore active, comme en Amérique latine, en Océanie, en Afrique et en Asie du Sud-Est, l’allocation des surfaces cultivées est moins orientée vers les meilleures terres. »

Le manque d’infrastructures de transport comme un des facteurs explicatifs

« Dans de nombreux cas, nous pensons que le manque d’infrastructures joue un rôle considérable , avance Thierry Brunelle. La pauvreté des routes, des espaces de stockages ou de points d’écoulement des marchandises empêchent l’utilisation de terres beaucoup plus fertiles dans certaines régions. »

L’histoire des Etats-Unis en est un parfait exemple. Les premières terres agricoles se concentraient sur la côte Est et dans les contreforts des Appalaches, régions peu productives pour l’agriculture. Ce n’est qu’avec la réduction des coûts de transport résultant du développement des chemins de fer que la culture des terres fertiles du Midwest a pu vraiment commencer.

L’apprentissage de techniques écologiquement intensives et l’accès à la propriété foncière

Savoir reconnaître un terrain adapté à l’agriculture locale est l’une des premières connaissances à maîtriser. Les auteurs mettent ainsi en avant l’importance du processus d’apprentissage dans l’usage des terres. Vient ensuite l’accès à ces terres plus fertiles , qui représente le second obstacle souvent rencontré par les exploitants, et notamment les petits agriculteurs.

« La coordination entre les institutions publiques et le secteur privé sera essentielle pour améliorer les schémas d'utilisation des terres , notamment par la diffusion d'informations, des incitations fiscales et l’accès aux facteurs de production, explique Thierry Brunelle. Plus important encore, la promotion d'un accès plus égal à la terre est essentielle pour permettre à tous les types d'agriculture, y compris les petites exploitations, d'utiliser les terres les plus appropriées et les plus accessibles. »

Cette étude montre l’importance du contexte local pour les travaux de modélisation de l’utilisation des terres et le pilotage des politiques foncières. Prendre en compte ces dynamiques spatiales spécifiques permettra une meilleure représentation des processus d’allocation des terres, et donc d’utilisation de celles-ci.

Référence

T. Brunelle, D. Makowski. 2020. Assessing whether the best land is cultivated first: A quantile analysis. Plos One