Analyse de 65 ans de travaux sur le lien entre forêt, déforestation et émergence de maladies infectieuses

Résultats & impact 7 mai 2020
La pandémie mondiale de Covid-19 met en lumière l’importance de certains domaines scientifiques jusque-là peu étudiés, comme le lien entre les écosystèmes, leur biodiversité et l’émergence de nouvelles maladies infectieuses. En effet, les humains exploitent de plus en plus leur environnement et sont par conséquent plus exposés à certains microbes tapis dans l’ombre, ce qui peut accroître les risques de nouvelles contaminations. Des chercheurs d’INRAE, du Cirad, de l’IRD et de l’Institut Pasteur de la Guyane viennent d’effectuer, dans la revue Environmental Research Letters , une analyse de synthèse bibliométrique sur un corpus de 565 publications, publiés entre 1953 et 2018, sur les liens entre forêts, déforestation et maladies infectieuses émergentes. Ils pointent une fragilité des connaissances sur cet enjeu majeur.
Que dit la science à propos des liens entre « forêt », « déforestation » et « maladie infectieuse émergente » ? Des chercheurs d’INRAE, du Cirad, de l’IRD et de l’Institut Pasteur de la Guyane ont analysé 565 articles scientifiques et viennent de publier leurs résultats dans Environmental Research Letters © B. Locatelli, Cirad
Que dit la science à propos des liens entre « forêt », « déforestation » et « maladie infectieuse émergente » ? Des chercheurs d’INRAE, du Cirad, de l’IRD et de l’Institut Pasteur de la Guyane ont analysé 565 articles scientifiques et viennent de publier leurs résultats dans Environmental Research Letters © B. Locatelli, Cirad

Que dit la science à propos des liens entre « forêt », « déforestation » et « maladie infectieuse émergente » ? Des chercheurs d’INRAE, du Cirad, de l’IRD et de l’Institut Pasteur de la Guyane ont analysé 565 articles scientifiques et viennent de publier leurs résultats dans Environmental Research Letters © B. Locatelli, Cirad

Le virus SARS-Cov2, responsable de la pandémie actuelle de COVID-19 affectant le monde entier, serait issu d’une probable recombinaison entre les virus de deux espèces animales différentes faisant l’objet, pour l'une d'elle, de chasse ou de trafic illicite. Comme de très nombreuses maladies émergentes affectant les humains, il s’agit donc d’une zoonose, c’est-à-dire une infection d’origine animale. Dans les zones intertropicales où se concentre une diversité biologique importante et où les sociétés demeurent encore très vulnérables, certaines populations humaines sont aujourd’hui confrontées de manière plus importante à de nouvelles menaces sanitaires issues des animaux sauvages. En pratiquant la déforestation pour le développement d’une agriculture et de l’élevage, ces mêmes communautés entrent en contact avec des cycles microbiens qu’abritent les grands biomes forestiers.

Les chercheurs ont ainsi analysé 565 articles scientifiques citant les termes « forêt », « déforestation » et « maladie infectieuse émergente » dans leur titre et leur résumé. Il en ressort que seuls 165 d’entre eux traitent en pratique du lien entre forêts, déforestation et maladies émergentes, permettant d’apporter des éléments de compréhension au débat actuel. Mais comment expliquer un tel écart ? Les scientifiques ont donc étudié plus en détail ces résultats et en concluent qu’un très grand nombre de ces articles traitent en réalité une partie souvent infime du cycle infectieux : les insectes vecteurs ou les animaux réservoirs uniquement, mais beaucoup moins les interactions qu’ils entretiennent avec des virus, des bactéries ou des protozoaires. De surcroît, une très grande majorité de ces articles ne fait pas le lien avec les cas humains. Le sujet forêts, déforestation et maladies émergentes est donc finalement très peu abordé, même si un grand nombre d’articles le déclare comme tel dans leur titre ou leur résumé. De plus, les chercheurs notent un biais taxonomique dans les articles dans la mesure où un grand nombre de travaux concernent la maladie de Lyme et les leishmanioses cutanées. La plupart se réfère aussi à des travaux en Amérique du Nord et en Amérique centrale et du Sud.

Ce type d’analyse de synthèse, ce que l‘on appelle aujourd’hui « de la recherche sur la recherche » est essentiel pour avoir une vision objective et factuelle, et ainsi permettre d’orienter au mieux la recherche. L’exemple traité ici illustre bien l’importance de ce type d’étude, et souligne que la plupart des travaux abordent ces sujets complexes de manière encore très sectorielle, bien qu’ayant une approche initiale One Health. Au-delà, cette étude démontre la nécessité de mieux approfondir les connaissances autour de l’émergence des maladies infectieuses humaines et de leur transmission en prenant mieux en compte les composantes environnementales mais aussi anthropo-sociologiques, économiques et politiques.

Référence

Jean-Francois Guégan, Ahidjo Ayouba, Julien Cappelle and Benoit de Thoisy (2020). Forests and emerging infectious diseases: unleashing the beast within. Environmental Research Letters.

A propos d'INRAE

INRAE, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, est un acteur majeur de la recherche et de l’innovation créé le 1er janvier 2020. Institut de recherche finalisé issu de la fusion entre l’Inra et Irstea, INRAE rassemble une communauté de 12 000 personnes, avec 268 unités de recherche, service et expérimentales implantées dans 18 centres sur toute la France. L’institut se positionne parmi les tout premiers organismes de recherche au monde en sciences agricoles et alimentaires, en sciences du végétal et de l’animal, et se classe 11ème mondial en écologie-environnement. Il est le premier organisme de recherche mondial spécialisé sur l’ensemble « agriculture-alimentation-environnement ». INRAE a pour ambition d’être un acteur clé des transitions nécessaires pour répondre aux grands enjeux mondiaux. Face à l’augmentation de la population, au changement climatique, à la raréfaction des ressources et au déclin de la biodiversité, l’institut construit des solutions pour des agricultures multi-performantes, une alimentation de qualité et une gestion durable des ressources et des écosystèmes. www.inrae.fr

A propos du Cirad

Le Cirad est l’organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes. Avec ses partenaires, il est convaincu du rôle central que doit jouer l’agriculture dans les grandes transitions pour assurer un avenir soutenable à tous les pays du Sud. Produire et partager des connaissances nouvelles, contribuer aux processus d'innovation, renforcer les capacités et les compétences des acteurs de ces pays pour accompagner leur développement durable, sont les moteurs de l’accomplissement de ses missions. Ses activités portent en particulier sur les problématiques de la biodiversité, de la transition agroécologique, du changement climatique, de la santé (des plantes, des animaux et des écosystèmes), du développement des territoires ruraux et des systèmes alimentaires. Présent sur tous les continents dans une cinquantaine de pays, le Cirad mobilise les compétences de ses 1650 salariés, dont 800 chercheurs, et s’appuie sur un réseau mondial de partenaires. www.cirad.fr

A propos de l'IRD

L'Institut de recherche pour le développement est un organisme pluridisciplinaire reconnu internationalement, travaillant principalement en partenariat avec les pays méditerranéens et intertropicaux. L'IRD est un acteur français majeur de l'agenda international pour le développement. Son modèle est original : le partenariat scientifique équitable avec les pays en développement, principalement ceux des régions intertropicales et de l'espace méditerranéen. Les priorités de l'IRD s'inscrivent dans la mise en oeuvre, associée à une analyse critique, des Objectifs de développement durable (ODD) adoptés en septembre 2015 par les Nations unies, avec pour ambition d'orienter les politiques de développement et de répondre aux grands enjeux liés aux changements globaux, environnementaux, économiques, sociaux et culturels qui affectent la planète. www.ird.fr