Résultats & impact 3 octobre 2024
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L’île de la Réunion en marche vers la bioéconomie circulaire
Bagasse, fourrage, déchets verts, effluents d’élevages, déchets alimentaires issus de la restauration ou des particuliers… Dans un contexte insulaire, la valorisation de ces biomasses revêt un intérêt particulier, notamment pour réduire l’utilisation d’intrants agricoles. Pendant trois ans, le projet GABiR (Gestion Agricole des Biomasses à l’échelle de la Réunion ), a mobilisé sur ce sujet les représentants du secteur de l’économie circulaire - agricoles, industriels et urbains, qui rassemble plus de 8000 personnes sur l’île de la Réunion, dans l'océan Indien.
Une mise en réseau encore jamais atteinte
« Les coopératives animales et végétales, l’encadrement technique, l’enseignement agricole, les collectivités locales, les services de l’Etat, les entreprises privées, les organismes de recherche et développement… Le projet a atteint une très grande envergure, avec des acteurs de tous les secteurs, motivés et prêts à aller dans le même sens , se réjouissent Mathieu Vigne et Jonathan Vayssières du Cirad, coordinateurs du projet. La mise en réseau qu’a permis le projet GABiR est très encourageante pour l’avenir de la bioéconomie circulaire sur l’île.»
GABiR a notamment offert une arène de discussion aux agriculteurs bio, un secteur en plein développement sur l'île. « Depuis 10 ans, les surfaces en agriculture biologique augmentent en moyenne de 25 % par an contre 17 % en France métropolitaine », souligne Jonathan Vayssières. « Les exploitants en bio n'ont cependant pas la même visibilité que les autres acteurs du secteur agricole , précise Mathieu Vigne. Le projet leur a permis de trouver une arène pour exprimer leurs besoins en matière d’usage de matière organique. » Une liste des biomasses locales conformes à la réglementation relative à l’agriculture biologique a ainsi été établie et communiquée aux exploitants.
Plus de 2 millions de tonnes de biomasses valorisables
Le premier travail du projet a consisté à effectuer un inventaire des biomasses valorisées ou valorisables en agriculture sur l’île. Ce gisement à la Réunion est estimé à 2,1 millions de tonnes brutes, dont près de 40 % sont aujourd'hui destinés à produire de l’énergie. Si le reste du gisement est pour la plupart déjà valorisé en agriculture, à travers des circuits impliquant souvent l’élevage, une partie – souvent les déchets ménagers – est encore éliminée et gagnerait à être recyclée.
« L’agriculture réunionnaise dépend encore en grande partie des importations d’intrants agricoles , rappelle Agathe Deulvot, chargée de mission Gestion et valorisation des matières organiques à la Direction de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DAAF) de la Réunion. En 2018, l’île a importé plus de 32 000 tonnes d’engrais minéraux. Pourtant, on a pu mesurer, avec le projet GABiR, que le gisement local de résidus organiques que l’on pouvait substituer aux engrais importés était d’environ 600 000 tonnes ».
Au-delà de valoriser les déchets qui ne le sont pas encore, il s’agit donc également d’optimiser les mécanismes de valorisation existant. Les axes d'amélioration, traités dans le projet GABiR, concernaient notamment le fourrage et le compostage des déchets verts.
Co-compostage de déchets verts
Sur l’île, près de 150 000 tonnes de déchets verts sont collectées annuellement auprès des particuliers. Cependant, le broyat et compost qui en sont faits sont mal écoulés, et posent des problèmes de stockage.
Une stratégie de valorisation de ces déchets verts sous forme de co-compostage avec des effluents d’élevage a été étudiée. Cette dernière représente un bon exemple de synergie public-privé (les intercommunalités / les agriculteurs). Cela a notamment permis aux éleveurs de voir diminuer les contraintes réglementaires liées à l’épandage de leurs effluents. Des débouchés ont ainsi été trouvés en agriculture (litière animale, co-compostage à la ferme…) ou hors-agriculture (entretien des espaces vers publics ou privés).
Une cartographie de la production et de la consommation fourragères
La demande en fourrage à la Réunion est très forte. "Par an, les animaux d’élevages consomment près de 590 000 tonnes de matière brutes de fourrage, paille de canne inclue" , précise Jonathan Vayssières. Les besoins de l’île sont, en période normale, tout juste couverts par la production d’herbe locale. Surtout, le changement climatique fait craindre une augmentation des sécheresses sur l'île.
Dans cette optique, et pour éviter l’importation de fourrage de métropole, les acteurs locaux des filières de ruminants réfléchissent à la mise en place d’une « banque fourragère ». Pour aider cette initiative, les chercheurs du Cirad ont développé une carte de localisation des surfaces productrices de fourrages et des élevages d’herbivores consommateurs. En mettant en lumière les zones d’offre et demande, le projet GABiR a permis d’évaluer les coûts de transport, ou encore estimer les localisations stratégiques des lieux de stockage.
Appui à la construction du Plan Local d’Urbanisme
Des outils de modélisation ont également été construits, dont un logiciel d’estimation des surfaces épandables. Les premières cartes se projettent en 2030 pour la commune de Saint-Joseph. Elles ont été établies en fonction de l’occupation des sols et de la réglementation (type d’effluents épandus, distance aux cours d’eau et aux habitations, etc.). Cet outil a permis d’évaluer l’impact du futur Plan Local d’Urbanisme (PLU) de Saint-Joseph sur la disponibilité en surfaces épandables.
L’une des principales contraintes des éleveurs étant l’étalement urbain, de tels outils permettent de visualiser les zones en tension où l’épandage deviendra compliqué d’ici quelques années, mais également les zones excentrées encore disponibles. Ce type de logiciel pourra être utilisé dans d’autres communes pour accompagner la construction des PLU.
Si le projet GABiR est aujourd’hui terminé, les logiques de partenariat et de collaboration semblent désormais bien ancrées sur l’île. De nombreux outils et méthodes sont désormais disponibles pour accompagner la Réunion dans sa transition en cours vers une bioéconomie circulaire.
* Chambre d’agriculture de la Réunion, CRIPTIR, FRCA, INRAE, Qualitropic, et Université de la Réunion.