AlboRun : à la recherche du moustique tigre

Résultats & impact 3 février 2020
L’été austral, à la Réunion, les moustiques tigres prolifèrent, et les cas de dengue augmentent. Pour limiter l’épidémie et mieux combattre les moustiques, les autorités sanitaires de l’île s’appuient sur AlboRun, un outil de modélisation développé par le Cirad, en collaboration avec l'Agence de Santé Réunion, la Maison de la télédétection* et l’IRD. Le modèle permet de cartographier en temps réel les zones où le moustique prolifère. L'équipe, coordonnée par le Cirad, vient de publier dans PLoS ONE une étude sur le modèle.
Annelise Tran du Cirad coordonne les travaux de recherche et la mise au point d'AlboRun © R. Carayol, Cirad
Annelise Tran du Cirad coordonne les travaux de recherche et la mise au point d'AlboRun © R. Carayol, Cirad

Annelise Tran du Cirad coordonne les travaux de recherche et la mise au point d'AlboRun © R. Carayol, Cirad

Les moustiques sont de dangereux vecteurs de maladies . A la Réunion, le moustique tigre , Aedes albopictus, répand la dengue tous les étés. Pour lutter contre ces épisodes épidémiques, l’Agence Régionale de Santé Océan Indien, une antenne du ministère de la Santé dans les régions, suit cette espèce de moustique grâce à AlboRun , un outil de modélisation spatiale qui produit des cartes de densité du moustique tigre. Imaginé et développé par le Cirad, l’outil est l’objet d’une publication dans PlosOne , une étude coordonnée par Annelise Tran, chercheuse au Cirad en télédétection et modélisation spatiale.

A la Réunion , les autorités sanitaires utilisent aujourd’hui AlboRun de façon complètement autonome. Elles ont accès, grâce à l’outil, à des cartes précises de prédiction des densités de moustiques , et peuvent ainsi déterminer les zones prioritaires d’intervention pour les actions de lutte antivectorielle. « Les autorités sanitaires tiennent un historique de leurs interventions, et elles croisent les informations d’AlboRun avec des cas rapportés de dengue, ce qui leur permet d’optimiser l’organisation des actions. Lorsque la dengue circule à bas bruit avec peu ou pas de cas déclarés, AlboRun est leur seule source d’information. », déclare Annelise Tran.

Un modèle pour prédire l’abondance des moustiques

« AlboRun prédit, dans le temps et dans l’espace, le nombre de moustiques en fonction de variables météorologiques et environnementales. Le modèle prend en compte la pluie et la température quotidiennes, depuis des informations envoyées par un réseau de stations météorologiques, ainsi que d’autres paramètres tels que la densité des gîtes larvaires**», précise la chercheuse.

Le modèle combine deux approches de modélisation : l’une repose sur des données empiriques de densité des moustiques, qui sont le résultat de piégeages réalisés sur le terrain ; l’autre s’inspire d’une méthode mécaniste, et se base sur le cycle de vie de l’insecte . « Les deux approches sont complémentaires , affirme Annelise Tran. Par exemple, les corrélations mises en évidence par l’approche statistique, basée sur les données, permettent d’orienter les choix des processus à prendre en compte dans l’approche mécaniste. Cette dernière rend possible une prédiction satisfaisante même dans les zones pour lesquelles on ne disposait pas de données ».

Imaginé en 2011 par Priscilla Cailly, doctorante Cirad-Inrae, le modèle de dynamique de population de moustiques a été appliqué à l’espèce Aedes albopictus , puis ensuite spatialisé grâce au logiciel Ocelet***.

Un outil qui fait des petits dans d’autres régions

AlboRun s’utilise facilement grâce à une application sur ordinateur , qui propose des cartes de l’île. Le modèle est également déclinable pour d’autres régions et d’autres espèces de moustiques. En décembre 2019, deux autres outils dérivés d’AlboRun ont été livrés : l’un pour l’île Maurice , AlboMaurice, et l’autre, Arbocarto, à la fois pour la France hexagonale et les Départements et Régions d’Outre-Mer. Une nouvelle étape importante dans la lutte contre les maladies vectorielles vient d’être franchie.

AlboRun a pu être développé grâce au financement de l’Agence de Santé Océan Indien, et les tests et améliorations de l’outil ont été financés par les projets FEDER INTERREG TROI et REVOLINC (ERC).

Référence

Tran A., Mangeas M., Demarchi M., Roux E., Degenne P., Haramboure M., Le Goff G., Damiens D., Gouagna L-C., Herbreteau V., Dehecq J-S., 2020. “Complementarity of empirical and process-based approaches to modelling mosquito population dynamics with Aedes albopictus as an example—Application to the development of an operational mapping tool of vector populations”, PLoS ONE 15 (1): e0227407

Autres références

Tran A., L'Ambert G., Lacour G., Benoît R., Demarchi M., Cros M., Cailly P., Aubry-Kientz M., Balenghien T., Ezanno P. 2013. A Rainfall- and Temperature-Driven Abundance Model for Aedes albopictus Populations. International Journal of Environmental Research and Public Health , 10 (5): p. 1698-1719.

Cailly P., Tran A., Balenghien T., L'Ambert G., Toty C., Ezanno P. 2012. A climate-driven abundance model to assess mosquito control strategies. Ecological Modelling , 227 (1): p. 7-17.

*Marie Demarchi (ingénieure indépendante en géomatique).

** réserves d’eau, souvent des récipients de petite taille, où les femelles moustiques pondent leurs œufs.

***Ocelet est un langage de programmation développé par le Cirad et qui permet de modéliser des dynamiques spatiales.