Vers une stratégie collective de prévention des crises sanitaires zoonotiques au Cameroun en contexte « One Health »

23/12/2025
L’activité de recherche intitulée « Renforcer les capacités d’action stratégique pour diminuer l’émergence des risques et gérer les crises des maladies zoonotiques » du projet Afrique-Cambodge (AfriCam) vise à réduire le risque d’émergence de pathogènes zoonotiques à potentiel épidémique, dans un contexte marqué par les changements environnementaux, climatiques et sociaux, ainsi que par les inégalités de genre. Ce projet accompagne le Cambodge, le Cameroun, la Guinée, Madagascar et le Sénégal dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs stratégies et politiques nationales de prévention des maladies zoonotiques, en mobilisant une approche « One Health », à l’interface des santés humaine, animale et environnementale. Dans ce cadre, l’Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD), le Cirad, l’Unité mixte de recherche « Innovation » ainsi que plusieurs partenaires universitaires : Yaoundé I et II, Dschang, Ngaoundéré, Douala ont organisé au Cameroun un atelier participatif multi-acteurs sur la prévention des crises sanitaires zoonotiques par l’action collective. L’objectif de cette rencontre était de discuter et d'élaborer collectivement les bases d’un dispositif de prévention basé sur la coopération intersectorielle et communautaire.
Participants lors de l’atelier multi-acteurs sur la prévention des crises sanitaires zoonotiques au Cameroun. © L.Temple
Participants lors de l’atelier multi-acteurs sur la prévention des crises sanitaires zoonotiques au Cameroun. © L.Temple

Participants lors de l’atelier multi-acteurs sur la prévention des crises sanitaires zoonotiques au Cameroun. © L.Temple

Soutenu par le dispositif de recherche en partenariat « Agroforesterie Cameroun » et l’Université de Montpellier, l’événement s'est tenu le 09 décembre 2025 dans la salle de conférence de l’hôtel Atlantic à Kribi. Il a rassemblé plus de 50 participants issus d’institutions publiques (MINADER, MINEPIA, Mairie de Kribi 1er, MINSANTE, IRAD, MINEPDEP), d’organisations professionnelles et d’entreprises agricoles (GIC Mon ami, GIC GALA, SCOCABI, Magasin le bon Coin, HEVECAM, GIC PROREMAN) ainsi que d’organisations communautaires (CEAC, EVB, CEDLA, ASSEHCAM, APED, EMAK, ASFOL, AFRIKA, PECAS, AVEC). Les échanges ont porté sur l’élaboration de stratégies concertées de lutte contre les maladies d’origine animale.

L’approche « One health » pour une santé intégrée au Cameroun

La session plénière a permis de présenter les premiers résultats des travaux d’enquêtes conduits dans le cadre de cinq thèses soutenues par le projet au sein des universités de Douala, Yaoundé I et II, Montpellier et l’IRAD. Ces résultats ont été structurés par des ateliers sectoriels sur la prévention des maladies zoonotiques aussi bien dans la ville de Kribi, que dans des contextes plus sectoriels polarisés par les filières cacao, palmier à huile et hévéa. L’objectif étant de documenter la promotion d’une approche intégrée de la santé au Cameroun. Les enseignements majeurs de ces travaux soulignent l’interdépendance étroite entre la santé humaine, la santé des sols et celle de la biodiversité. Ils mettent également en évidence le rôle des activités humaines dans la création de ponts entre ces différentes dimensions de la santé, favorisant ainsi les risques de (re)émergence des zoonoses. Face à ces risques, la prévention doit être structurée par des actions de coordination intersectorielle et inclusive notamment des connaissances et pratiques locales portées par les communautés en général et les femmes en particulier.

Les échanges ont par ailleurs révélé la complexité des défis sanitaires liés au contrôle des vecteurs des maladies zoonotiques (moustiques, mouches, rongeurs), la transformation rapide des écosystèmes forestiers sous l'effet de l’anthropisation humaine industrielle et agricole, ainsi que les impacts liés à l'usage  de pesticides chimiques.  L’exposition des populations qu’elle soit directe ou liée aux pratiques alimentaires telles que la consommation d’escargots, et ses conséquences sur la santé (intoxications aiguës, maladies non transmissibles) ont également été abordées, de même que les conditions d’émergences d’alternatives basées sur les biopesticides.

Définir des actions concrètes de prévention des zoonoses au Cameroun

À l’aide d’une grille d’analyse, les participants ont pu caractériser deux actions de prévention, l’une portée par les acteurs publics et l’autre impulsée par la société civile ou les entreprises privées. Lors des ateliers participatifs, ils ont analysé les actions concrètes de prévention des zoonoses telles que la sensibilisation, la démoustication ou encore les actions d’assainissement. Ces travaux ont mis en évidence les interactions intersectorielles entre les services publics décentralisés, les collectivités territoriales, la recherche agronomique, les entreprises des filières hévéa, cacao et palmier à huile, ainsi que les organisations communautaires et associatives (GIC, ONG).

Les acteurs publics ont présenté des interventions principalement axées sur le renforcement des capacités à travers la sensibilisation et la formation des populations, ainsi que sur l’application du cadre réglementaire formalisant des actions telles que la distribution de moustiquaires, la vaccination ou la surveillance sanitaire. Les professionnels agricoles et les organisations de la société civile ont quant à eux privilégié l’application des bonnes pratiques de protection, notamment le port des équipements de protection individuelle (EPI), l’utilisation de moustiquaires et la valorisation des savoirs endogènes.

Défis de prévention des zoonoses au Cameroun : analyse par filière agricole

Les résultats des communications scientifiques, structurés par filière, ont détaillé les défis spécifiques rencontrés localement. Dans la filière cacao, les travaux de recherche montrent que l’usage des pesticides engendre un double risque : d’une part, une contamination chimique qui se diffuse à l’ensemble de l’écosystème (sols, plantes, animaux) et, d’autre part, une augmentation de la prolifération des moustiques liée à la disparition de leurs prédateurs naturels.

Au sein de la filière hévéa, les stratégies de prévention ciblent notamment l’éradication des Loranthacées, des plantes parasites identifiées comme des habitats favorables aux vecteurs de maladies.

Concernant la filière palmier à huile, les initiatives de prévention sont surtout axées sur la sensibilisation liée aux risques associés aux maladies zoonotiques, en particulier celles transmises par les moustiques. Cette action met en lumière le recours, par les communautés locales, à des pratiques alternatives telles que l’utilisation de plantes répulsives ou de boissons à base de végétaux comme moyens de prévention.

De manière transversale, les acteurs des différentes filières, institutionnels comme communautaires, se heurtent au cloisonnement sectoriel, à des missions prédéfinies parfois redondantes et à l’absence de cadre qui institutionnalise la collaboration. Ces contraintes freinent la coordination effective, même lorsque des pistes de collaboration existent.

Ces travaux représentent une étape essentielle pour construire une stratégie de prévention à long terme partagée et adaptée aux réalités locales. En 2026, des ateliers complémentaires impliquant les autres composantes du projet AfriCam, en lien avec le Programme national de prévention et de lutte contre les zoonoses émergentes et ré-émergentes (PNPLZER) et la plateforme « Une seule santé » sont prévus. Cela permettra de montrer comment la recherche agronomique et universitaire peut améliorer sa contribution à la structuration d’une approche intégrée de la santé au Cameroun qui améliore durablement la santé des populations par la prévention.