Un nouveau Laboratoire vivant d’agriculture durable (LVAD) centré sur l’intensification durable des cultures vivrières au Cameroun

07/11/2024
Face à une forte pression foncière dans la localité de Ntui au Cameroun, les agriculteurs et agricultrices sont contraints d’intensifier leurs pratiques agricoles et d’étendre leurs champs sur les espaces de forêt, entrainant une dégradation de l’environnement. Afin de répondre à ce défi, un nouveau projet adopte une approche innovante de « laboratoires vivants », où agriculteurs et agricultrices deviennent des acteurs de recherche. L’objectif est de co-concevoir de manière inclusive des systèmes de production respectueux de l’environnement, permettant de limiter l’ouverture de nouveaux fronts pionniers sur la forêt dans le bassin du Congo et de maintenir une production vivrière suffisante pour les producteurs et productrices.
Présidium de la cérémonie de lancement du projet LVAD à Ntui
Présidium de la cérémonie de lancement du projet LVAD à Ntui

Présidium de la cérémonie de lancement du projet LVAD à Ntui. © S. Koutchou

Le 4 novembre 2024, la Mairie de Ntui a été le théâtre du lancement officiel du projet « Laboratoire Vivant d’Agriculture Durable » (LVAD) par l’Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD) en collaboration avec le Cirad, l'International Institute of Tropical Agriculture (IITA) et l’Université de Yaoundé I. L'événement a été marqué par la présence des représentants du sous-préfet ainsi que du Maire de la commune de Ntui. Ce projet qui s’étend sur deux ans (2024-2026) et bénéficie d’un financement de 65 000 € de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), cible les filières telles que les tubercules, les céréales et les légumineuses.

Une recherche participative prometteuse

L’approche participative originale de ce Living Lab permet une intégration des connaissances locales, scientifiques et traditionnelles dans le processus de création de prototypes techniques considérés comme des éco-innovations.

Présentation du projet aux parties prenantes

Présentation du projet aux parties prenantes. © S. Koutchou

S'appuyant sur les enseignements du projet « Favoriser les transitions agroécologiques dans les régions tropicales humides d'Afrique centrale et orientale grâce à des « laboratoires vivants » (CANALLS) qui œuvre dans la même localité sur les systèmes cacaoyers, les producteurs et productrices du vivrier seront choisis pour expérimenter des pratiques agroécologiques sélectionnées. Ces expérimentations seront suivies par les producteurs, les productrices et les chercheurs.

La mise en place de ce projet vise trois objectifs spécifiques 

  • Co-concevoir des pratiques éco-innovantes et identifier les conditions pour leur adoption dans les exploitations : à travers une approche collaborative qui marie savoirs locaux et connaissances scientifiques. Le laboratoire vivant établi permettra de développer des pratiques adaptées aux réalités locales.
  • Evaluer les performances des pratiques agroécologiques implémentées : les systèmes vivriers expérimentés seront suivis et évalués par les différentes parties prenantes, sur plusieurs dimensions, notamment environnementale, économique et sociale. Cela garantira la durabilité et l’efficacité des solutions proposées.
  • Diffuser des connaissances : une fois que les résultats de ces expérimentations seront évalués, ils seront diffusés, tant au sein du laboratoire vivant que dans des cercles plus larges, afin d’inciter l’adoption de ces pratiques éco-innovantes.
Mot de lancement officiel du projet par l’IRAD

Mot de lancement officiel du projet par l’IRAD. © S. Koutchou

Il est important de réinventer nos pratiques agricoles, de permettre aux producteurs et productrices d’être des acteurs de la décision car la recherche participative est au cœur du Laboratoire Vivant. Ntui servira d'exemple, et les solutions innovantes et durables résultant de cette co-création pourront être exportées vers d’autres départements.

Eunice NDO
Cheffe de la station IRAD de Mbalmayo

Les résultats attendus de cette initiative

  • Un laboratoire vivant d’acteurs du territoire partageant une vision commune des défis socio-économiques et environnementaux.
  • Des solutions techniques prototypées et expérimentées.
  • Des performances des solutions évaluées sur plusieurs dimensions.
  • Des pratiques éco innovantes diffusées.

Pour information, les résultats de l’enquête socio-économique réalisée en octobre dernier auprès de 138 producteurs et productrices de vivriers ont révélé les défis auxquels ces derniers sont confrontés dans le cadre de leurs activités. Il s’agit notamment de : la réduction de la fertilité des sols, la présence de la pourriture des cultures en champ, l’absence de la main d’œuvre, l’utilisation des équipements rudimentaires, les changements climatiques, la présence des bioagresseurs de cultures, l’indisponibilité des semences.

Ces enjeux, qui compromettent la rentabilité et la durabilité de l'agriculture, soulignent le besoin urgent d'innovations et d'adaptation dans le secteur. C’est dans ce contexte que la création d'un laboratoire vivant dédié à l’éco-innovation devient essentielle car elle s'inscrit dans une dynamique collaborative qui vise à répondre à ces défis contemporains en favorisant la co-conception, l'expérimentation et la diffusion des solutions durables, bénéfiques pour la société et l'environnement.

Un Laboratoire vivant d’agriculture durable, qu’est-ce que c’est ?

Un laboratoire vivant d’agriculture durable est une plateforme d’échanges dédiée à l'expérimentation de nouvelles techniques agricoles respectueuses de l'environnement par différents acteurs. Il vise à développer, tester et promouvoir des méthodes d'agriculture qui préservent les ressources naturelles, favorisent la biodiversité et soutiennent les communautés locales tout en maintenant une production alimentaire viable. Contrairement à un laboratoire traditionnel, qui se concentre souvent sur des études théoriques ou des expériences en milieu contrôlé, un laboratoire vivant interagit directement avec les communautés et écosystèmes.

Les objectifs principaux d'un laboratoire vivant 

  • La collaboration : impliquer les producteurs et productrices, les scientifiques, les organisations paysannes, les transformateurs, les vendeurs/acheteurs, les consommateurs et les autorités locales dans le processus de co-conception et de mise en œuvre.
  • L’innovation : encourager le développement de nouvelles pratiques ou technologies agricoles.
  • L’expérimentation : tester des idées ou des solutions dans des conditions réelles pour évaluer leur efficacité.
  • L’apprentissage : tirer des enseignements des expérimentations pour améliorer les démarches futures et partager les résultats avec d'autres communautés.