Relever le défi de l’emploi au Sahel en investissant dans les filières alimentaires

Événement 7 mars 2019
Face à la pression démographique, au changement climatique, à la montée des conflits, les défis à relever par les pays Sahéliens sont immenses. L’un des principaux défis est la formation et l’emploi des jeunes. L’économie alimentaire, qui emploie déjà deux personnes sur trois, est l’une des voies offrant les perspectives les plus prometteuses. Productivité agricole et structuration des filières, attractivité des métiers, sont au cœur des enjeux, selon le Ministre de l’Agriculture du Mali, qui s’est exprimé lors de la conférence « Sahel, terre de défis et d’opportunités agricoles ». Retour sur les principaux points de son intervention lors de cette conférence organisée le 27 février par le Cirad et l’Agence française de développement (AFD) au Salon de l’agriculture à Paris.
L'emploi des jeunes est un des défis majeurs du Sahel. L'économie alimentaire, dont l'agropastoralisme, emploie déjà 2 personnes sur 3. Ici, traite dans un campement Peul du Diéri au Sénégal. © J.D. Cesaro, Cirad
L'emploi des jeunes est un des défis majeurs du Sahel. L'économie alimentaire, dont l'agropastoralisme, emploie déjà 2 personnes sur 3. Ici, traite dans un campement Peul du Diéri au Sénégal. © J.D. Cesaro, Cirad

L'emploi des jeunes est un des défis majeurs du Sahel. L'économie alimentaire, dont l'agropastoralisme, emploie déjà 2 personnes sur 3. Ici, traite dans un campement Peul du Diéri au Sénégal. © J.D. Cesaro, Cirad

« 30 millions d’emplois sont à créer en 2025 au Sahel. L’agriculture sera l’une des clés. » C’est ainsi que Rémy Rioux, Directeur général de l’AFD a introduit la conférence « Sahel, terre de défis et d’opportunités agricoles ». L’AFD investit ainsi 700 millions d’euros dans les pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) pour contribuer à leur développement. Les projets financés par l’AFD dans la zone Sahélienne - pays riverains du Sud du Sahara, du Sénégal à Djibouti - accompagnent ainsi la structuration des filières agricoles, la formation professionnelle agricole et l’adaptation des agricultures sahéliennes aux changements climatiques.

Le Sahel, terre d’innovation

Pour s'adapter aux changements climatiques, le secteur agricole et alimentaire a besoin d'innover. C'est pourquoi le Cirad intervient avec les institutions de recherche et d’enseignement sahéliennes, ainsi que les organisations professionnelles agricoles. Un partenariat ancien avec ces institutions, récemment réaffirmé à travers la signature de la déclaration de Ouagadougou, pour « partager une vision commune de l’avenir et des questions scientifiques qu’il faut porter aujourd’hui » , a déclaré Michel Eddi, PDG du Cirad. Celui-ci a rappelé la vocation de l’établissement scientifique d’apporter des solutions et des réponses co-construites avec les acteurs et les populations, notamment face à l’urgence de l’adaptation de l’agriculture au changement climatique.

Investir pour éliminer l’insécurité

Pour répondre à ces enjeux multiples, l’investissement financier est nécessaire. Michel Eddi a révélé la création d’un instrument financier ambitieux au niveau européen pour financer des projets de recherche et de développement, dont une grande partie ciblera le Sahel. « Le Sahel est la priorité des priorités pour nos organismes et le gouvernement français » , ont confirmé Rémy Rioux et Bruno Ferreira, directeur adjoint de cabinet du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, en charge des relations diplomatiques et de l'agro-écologie au Ministère de l’agriculture français. Celui-ci a souligné l’importance du maintien de l’emploi agricole. 32 millions de nouveaux emplois autour de l’économie alimentaire et du secteur agricole pourraient être créés au cours des dix prochaines années au Sahel. « Il faut s’appuyer sur la jeunesse pour innover, et lui donner un avenir en milieu rural » . Eliminer la faim et la malnutrition est, de surcroît, un des objectifs du développement durable des Nations-Unies (ODD). Cet ODD mobilise d’autant plus l’ensemble des acteurs que « l’insécurité alimentaire peut conduire à l’insécurité tout court ».

Développer l’irrigation et la productivité agricole

Dans son intervention, Nango Dembélé, Ministre de l’Agriculture du Mali, a illustré les impacts du changement climatique sur l’agriculture et l’élevage pastoral dans son pays. « Au Mali, cette année, les pertes de cheptels ont été importantes, les animaux sont morts de soif. Le fourrage a manqué également. La compétition pour les ressources naturelles, que ce soit l’accès à l’eau, au foncier, aux fourrages, est forte et cela entraîne des conflits. » Dans cette zone, l’agriculture dépend en effet à 80 % de la pluviométrie. « Dès le mois de juin, nous nous interrogeons : va-t-il pleuvoir ? ». Développer l’irrigation à partir des fleuves existants, comme le Niger, est un des défis pour augmenter la production, selon le Ministre. Pour lui, il s’agit d’attirer les investisseurs privés, pour développer les zones irriguées notamment. « Les ressources publiques seules ne suffiront pas ». Autre enjeu : améliorer la productivité de l’agriculture, pour limiter l’expansion des surfaces agricoles, qui réduit l’espace pastoral, et conduit également à des conflits éleveurs-agriculteurs.

« Au Mali, nous produisons 10,5 millions de tonnes de céréales et pourtant, nous avons besoin d’un appui alimentaire dans plusieurs régions. 80 % de nos agriculteurs produisent à peine pour s’auto-suffire. Il faut aller plus loin que la petite agriculture familiale, et développer l’organisation des producteurs en filières de l’amont à l’aval, a ajouté le Ministre. Notre recherche est fortement engagée pour améliorer la productivité agricole dans notre pays. Il est nécessaire d’accompagner les exploitants les moins productifs. »

Diversifier la production agricole

Le Ministre préconise aussi la diversification des productions sur le territoire. « Diversifier les sources de revenus, c’est aussi une mesure de gestion des risques. » Il souhaite promouvoir 3 ou 4 filières par grande région afin d’assurer une diversification sur l’ensemble du territoire national. « Nous ne pouvons pas nous focaliser uniquement sur les céréales. Nous devons aussi nous intéresser à la polyculture-élevage, avec l’élevage de petits ruminants, de volaille, par exemple. A l’arboriculture, etc. La gomme arabique, par exemple, a créé des milliers d’emplois dans le conditionnement. »

Connecter les exploitants agricoles au marché urbain en émergence, et développer l’emploi

Pour le Ministre, il s’agit aussi de penser l’articulation entre approvisionnement du marché urbain - en gestation au Sahel - et zones rurales, et de créer des emplois qui seront attractifs pour les jeunes « qui ne voudront pas forcément aller au champ ». L’utilisation du numérique, l’approvisionnement en intrants agricoles, la gestion du crédit, la transformation des produits alimentaires sont autant de métiers nouveaux, à développer, tout au long de la chaîne de production. Dans cette perspective de développement de l’emploi, le Ministre a également évoqué l’ouverture de centres de prestations rurales, donnant accès à des services agricoles, telles que la mécanisation mais aussi l’accès aux engrais et semences améliorées.

Catherine Geslain-Lanéelle, candidate de l’Union Européenne à la Direction générale de la FAO, qui s’est également exprimée durant la conférence, a souligné tout l’intérêt de la démarche du Mali, pour structurer ses filières, développer ses organisations de producteurs, « pour nourrir sa communauté, son pays, et les autres pays » et raisonner les systèmes alimentaires dans leur globalité pour générer des emplois attractifs pour les jeunes.