Recherche & innovation en Europe : décarboniser les secteurs agricole et l’utilisation des terres

Le Policy brief “Research and Innovation to decarbonise the Agriculture and Land-Use sector” s'appuie sur les résultats d'un atelier organisé au Cirad en novembre 2019, sur la Déclaration de Montpellier du Congrès mondial d'agroforesterie en 2019 et sur les travaux du Cirad en matière de séquestration de carbone dans les sols.

Un secteur clé pour réduire les émissions de GES en Europe et au-delà

De par sa position dans le commerce agricole mondial, l'Europe opère des choix politiques de recherche et innovation (R&I) en matière d'agriculture et d'utilisation des terres qui concernent non seulement le territoire européen, mais aussi ses partenaires commerciaux dans le monde entier. La stratégie pour une alimentation durable « Farm to Fork » (de la ferme à la fourchette) de la Commission européenne est un élément clé du "Green Deal" européen. Pour les partenaires du projet DEEDS, il est essentiel de faciliter une discussion plus large sur les priorités à donner à l'action environnementale européenne et les moyens de les mettre en œuvre.

Les secteurs agricoles et de l'utilisation des terres sont responsables d'un peu plus de 10 % des émissions globales de gaz à effet de serre (GES) en Europe. Ce secteur a néanmoins reçu peu d'attention dans les stratégies de décarbonisation jusqu'à présent. Il s'agit toutefois d'un secteur clé . Grâce à son potentiel de séquestration du carbone, il a la capacité de réduire considérablement ses propres émissions mais aussi de compenser celles d'autres secteurs.

Les émissions de GES de l'agriculture européenne proviennent principalement du bétail, de l'utilisation d'engrais et de fumier synthétiques . Les protéines d'origine animale représentent une part importante de la consommation de produits agricoles en Europe (60 % du total consommé). Elle sont aussi particulièrement intensives dans leur utilisation des terres et de l'eau . Cela entraîne une dégradation de l'environnement tant en Europe qu'ailleurs . Environ 80 % de toutes les protéines consommées en Europe sont importées de pays tiers. En outre, les pertes et les déchets alimentaires en Europe s'élèvent à 280 kg/personne/an. Il s’agit du deuxième taux le plus élevé au monde par habitant.

Cinq priorités de recherche et innovation pour la décarbonisation agricole

Le Policy Brief identifie cinq principaux axes prioritaires de la R&I pour décarboniser l'agriculture et le secteur de l'utilisation des terres :

• les technologies et pratiques transformatrices pour lesquelles il s’agit d’adopter et affiner les solutions existantes;
• de nouveaux modes de consommation alimentaire , afin de réduire l'empreinte écologique de l'agriculture européenne ;
• la gestion des déchets , notamment en réduisant les pertes et les déchets alimentaires ;
• les stocks de carbone en Europe qu’il s’agit de préserver sans détériorer ceux des principaux partenaires commerciaux : les mesures prises en interne ne doivent pas provoquer la déforestation en dehors des frontières ;
• La production de bioénergie , pour produire de l'énergie tout en stockant le carbone dans la végétation.

Le Policy brief souligne que les politiques publiques en la matière doivent être fondées sur des critères et des indicateurs fiables pour rendre compte de leurs effets directs et indirects en toute transparence.

Des recommandations pour les décideurs

Les auteurs du Policy brief formulent également une série de recommandations politiques . Ils soulignent notamment les perspectives offertes par l'agroécologie ou l'agroforesterie. Ils insistent sur la nécessité de cibler les émissions les plus élevées en Europe, comme celles provenant des activités d'élevage et des engrais synthétiques.

D’après eux, la R&I dans l'agriculture pourrait contribuer au succès du "Green Deal", d’où la nécessité d'associer les agriculteurs pour assurer la durabilité du secteur et renforcer l'innovation.

Les auteurs reconnaissent que le financement sera essentiel à la mise en œuvre du "Green Deal" . Ils considèrent que la mobilisation du secteur privé et l'utilisation de la PAC comme outil de financement sont des solutions appropriées. Ils appellent la recherche à y contribuer en proposant des régimes de financement rentables qui tiennent compte de la diversité des potentiels d'atténuation dans les régions européennes et des différents types d'exploitations agricoles.

Ils terminent en concluant qu'il est essentiel de faciliter un débat plus large sur les priorités à donner à l'action environnementale européenne et sur les moyens de les mettre en œuvre.