Caoutchouc, déforestation et petits planteurs : la sélection génomique de l’hévéa à la rescousse

Résultats & impact 27 juin 2019
La demande mondiale en caoutchouc naturel ne cesse d’augmenter. Pour améliorer les revenus des petits planteurs et éviter d’étendre la culture de l’hévéa au détriment des forêts, il faut intensifier la production de latex. L’une des voies d’accroissement des rendements est l’amélioration variétale. Des chercheurs du Cirad et leurs partenaires viennent d’explorer pour la première fois la technique novatrice de sélection génomique sur l’hévéa. Des résultats concluants sont publiés le 27 juin 2019 dans Industrial Crops and Products. L’application de ces travaux est d’ores et déjà prévue en 2020 par l’Institut français du caoutchouc*.
Production de caoutchouc naturel par saignée sur un hévéa © V. Leguen, Cirad

Pneus, semelles de chaussure, gants chirurgicaux, tétines de biberon… Chaque année, 12 millions de tonnes de caoutchouc naturel sont produites dans le monde par la culture de l’hévéa, principalement en Asie du Sud-Est. Mais la demande mondiale est en forte croissance et devrait dépasser les 19 millions de tonnes annuelles en 2025. Ces estimations font planer le risque que les plantations d’hévéa s’étendent au détriment des forêts naturelles. Par ailleurs, près de 80 % de la production de latex, qui sera ensuite transformée en caoutchouc, provient de millions de petits cultivateurs. Améliorer leurs rendements permettrait d’augmenter leurs revenus. Ces défis passent notamment par la sélection d’arbres plus productifs.

Amélioration variétale à la pointe

Depuis quelques années, la méthode phare d’amélioration variétale est la sélection génomique. Elle est considérée comme la voie la plus prometteuse pour les caractères complexes contrôlés par un grand nombre de gènes tels que le rendement ou la croissance. Des chercheurs du Cirad ont mené une étude pour savoir si cette technique innovante pourrait fonctionner sur l’hévéa. Cette première mondiale sur cette plante a été publiée le 27 juin dans la revue Industrial Crops and Products. Leurs résultats se sont basés sur des données réelles pour coller au plus près de la réalité. Grâce à des observations sur deux sites en Côte d’Ivoire, ils ont pu prédire efficacement le rendement des arbres à partir de leur profil ADN.

Vers la sélection génomique de l’hévéa

Aujourd’hui, il est plus facile de prédire la valeur génétique d’un individu que de faire des essais au champ pour caractériser ses performances. De fait, la sélection génomique présente plusieurs intérêts de poids par rapport aux techniques conventionnelles :

  • elle est plus précise que les évaluations phénotypiques précoces actuellement réalisées chez l’hévéa ;
  • la sélection s’effectue parmi un bien plus grand choix de candidats, multipliant ainsi les chances de trouver des arbres de haute valeur génétique en matière de rendement ;
  • elle offre un gain de temps considérable.

Les scientifiques ont, de façon originale, complété leurs travaux par des simulations pour évaluer le progrès qui serait obtenu grâce à l’amélioration variétale par sélection génomique. Ces simulations indiquent que le génotypage d’un nombre économiquement réaliste de plantules augmenterait de 10 % le progrès génétique par rapport à une sélection conventionnelle par phénotypage.

Grâce à ces travaux exploratoires, les chercheurs ont pu établir un nouveau schéma d’amélioration (les différentes étapes d’analyse ADN, d’essais, de croisement et d’observation). Après cette preuve de faisabilité et de performance, l’Institut français du caoutchouc a déjà démarré un programme d’amélioration variétale de l’hévéa, avec l’appui du Cirad. La sélection génomique va permettre d’analyser un grand nombre d’individus et retenir les meilleurs pour ensuite les tester au champ afin de caractériser plusieurs critères agronomiques, dont le rendement.

Une plateforme pour un caoutchouc zéro déforestation

La Plateforme mondiale multiacteurs pour un caoutchouc naturel durable (Global Platform on Sustainable Natural Rubber - GPSNR) a été mise en place le 21 mars, lors du Sommet mondial du caoutchouc à Singapour. Fort de sa longue expertise sur l’hévéaculture, le Cirad est membre affilié de cette plateforme. Le principal objectif de la GPSNR est la construction d’une filière évitant la déforestation et respectant les droits de l’homme.

* l’Institut français du caoutchouc est une association de sociétés de plantations