Sertão : quand ethnographie et agroécologie se racontent en bande dessinée

Vient de sortir 4 octobre 2024
Anthropologue au Cirad, Sébastien Carcelle a transformé l’enquête ethnographique menée lors de son doctorat en un récit graphique captivant. La bande dessinée Sertão est parue en septembre aux éditions Futuropolis. Une aventure humaine, politique et écologique dans l’agroécologie brésilienne. Entretien avec l’auteur.
Sertão. En quête d'agroécologie au Brésil (détail de la bande dessinée)
Sertão. En quête d'agroécologie au Brésil (Couverture de la bande dessinée)

Et si l’agroécologie était une quête collective d’un monde plus juste et heureux ? C’est l’une des questions soulevées par Sébastien Carcelle dans son récit graphique. L’anthropologue, spécialiste des mouvements sociaux au Brésil et en Amérique latine, nous transporte au cœur du Sertão brésilien, cette région reculée qui a donné son nom à l’ouvrage. Il détaille les enjeux complexes de l’agroécologie, tout en suivant le quotidien d’un chercheur de terrain en pleine rédaction de thèse. La bande dessinée réussit à faire comprendre le processus de recherche ainsi que les questionnements et bouleversements personnels qu’elle peut entraîner. Au travers du personnage d’Hugo, prêtre, agronome et ethnographe, Sertão mêle quête personnelle et exploration scientifique.

 

Quels messages voulez-vous transmettre avec Sertão ?

Portrait Sébastien Carcelle

Sébastien Carcelle : J’espère que le lecteur va découvrir de l’intérieur ce qu’est l’anthropologie et comment on mène une enquête de terrain. Notre projet avec Laurent est bien entendu aussi de parler d’agroécologie, de montrer que c’est un horizon à atteindre collectivement et que l’agriculture est inséparable de son aspect social, de même que la diversité des semences est intimement liée à la diversité des cultures.
Nous souhaitons la publier en portugais au Brésil cette année, pour pouvoir la partager aux communautés que j’ai rencontrées. Pour les militants de l’agroécologie là-bas, cela peut-être un vrai outil de communication et de défense de l’agriculture familiale.

Comment l’écriture de cette bande dessinée nourrit-elle votre travail de chercheur… et inversement ?

S. B. : C’est avant tout une respiration, une activité d’écriture très différente de celle « classique » de la recherche, même si elle s’appuie sur les mêmes données et la même expérience de terrain. Après la thèse, j’étais incapable d’écrire quoi que ce soit d’académique, j’avais besoin de faire autre chose, et ce projet de roman graphique m’a donné cette ouverture. C’est une autre manière de travailler, une autre énergie, plus légère, plus fantasque. Maintenant que la bande dessinée est parue, je m’aperçois combien c’est aussi un vrai levier pour parler de mon travail de chercheur, renvoyer vers d’autres publications qui gagnent ainsi une plus grande audience.

Qu’est-ce qui vous a amené à transformer votre enquête ethnographique en bande dessinée ?

S. B. : C’est venu assez tôt pendant mon enquête de terrain ethnographique au Brésil. J’ai beaucoup dessiné dans mes carnets de terrain pour garder la trace des visages, des ambiances et des paysages. Les lieux et les personnes me donnaient le sentiment d’être immergé dans un western lusophone dans l’intérieur semi-aride du Sertão : des cow-boys, des vaches, des grands propriétaires terriens, des clans qui s’opposent et pas mal de violence, une terre rouge comme dans l’Arizona… Il y avait une dimension esthétique évidente que je rêvais de pouvoir partager.

>> Feuilletez les premières pages de Sertoes

Pour aller plus loin, Sébastien Carcelle et le dessinateur Laurent Houssin, prévoient de monter une exposition pédagogique itinérante sur l’agroécologie au Brésil en s’inspirant de l’univers graphique de Sertão, dans le cadre de la Saison Culturelle France-Brésil 2025, notamment à l’occasion de la COP 25 à Belém.