COMBAT, un nouveau projet de lutte contre la trypanosomose animale

Science en action 23 septembre 2021
Le Cirad, en tant que coordinateur d’un consortium de 21 partenaires, vient de lancer un nouveau projet de lutte contre la trypanosomose animale, une infection parasitaire transmise par les mouches piqueuses, dont la fameuse tsé-tsé. Fléau pour les éleveurs africains, cette maladie animale présente également un risque d’introduction dans certains élevages (bovins, équins…) en Europe du fait de la mondialisation et des changements environnementaux. D’une durée de 4 ans, le projet COMBAT est financé à près de 6 millions d’euros par le programme H2020 de l’Union européenne. Sa mise en œuvre et son impact seront assurés par une forte mobilisation de partenaires africains, ainsi que par celle de la FAO, dans 13 pays endémiques de la maladie.
La mouche tsé-tsé est une glossine, une espèce de mouches endémiques d'Afrique. Les glossines peuvent être des vecteurs de maladies, comme les trypanosomes animales ou humaines © J. Bouyer, Cirad
La mouche tsé-tsé est une glossine, une espèce de mouches endémiques d'Afrique. Les glossines peuvent être des vecteurs de maladies, comme les trypanosomes animales ou humaines © J. Bouyer, Cirad

La mouche tsé-tsé, aussi appelée glossine, est une espèce de mouche endémique d'Afrique. Les glossines peuvent être des vecteurs de maladies, comme les trypanosomoses animales ou humaines © J. Bouyer, Cirad

Les trypanosomes animales (voir encadré) posent de graves problèmes économiques aux éleveurs en Afrique. Il n’existe pas de vaccin, et les médicaments existants perdent de leur efficacité par développement de résistance chez les parasites. Les méthodes de diagnostic existantes sont difficiles à utiliser sur le terrain et souvent peu respectueux de l’environnement, tandis que les outils de contrôle des vecteurs demandent à être améliorés. 

« En Afrique, les impacts directs et indirects de la mouche tsé-tsé et de la trypanosomose causent une perte annuelle estimées à 4,5 milliards de dollars. Comptabilisés parmi les impacts, on note la baisse de productivité du bétail, les migrations humaines, les effets négatifs sur la gestion du bétail, mais aussi sur la production agricole, l'utilisation des terres, le fonctionnement des écosystèmes et le bien-être humain... La mouche tsé-tsé et la trypanosomose affectent à la fois la santé humaine, la santé du bétail et le développement rural du continent : ils constituent donc un défi au cœur du développement rural africain », a déclaré Gift Wanda, coordinateur de la campagne panafricaine d’éradications des tsé-tsé et de la trypanosomose, lors de la cérémonie officielle de lancement du projet COMBAT le 22 septembre. 

Au cours des vingt dernières années, les progrès dans la lutte contre la trypanosomose animale ont été limités. Cette situation contraste fortement avec ceux réalisés dans la lutte contre la maladie du sommeil, dont l'Organisation mondiale de la santé (OMS) vise aujourd’hui l’élimination. 

Weining Zhao, chargé de santé animale senior à la FAO a exprimé sa « profonde satisfaction quant au lancement du projet COMBAT visant à s’attaquer à ce problème de santé intégrée, qui affecte le bétail, l’environnement et la vie de millions d’éleveurs en Afrique ». « Nous sommes convaincus que l'engagement fort des institutions africaines, européennes et internationales garantira la pleine réalisation des objectifs du projet », a-t-il ajouté.

Pour réduire, voire éliminer la maladie par étapes successives, le projet COMBAT déploiera « une approche innovante dite de parcours de contrôle progressif (PCP) reposant sur des analyses des risques », a précisé Giuliano Cecchi, expert de la trypanosomose africaine au sein de la FAO.

D’une durée de 4 ans, COMBAT améliorera les connaissances de base sur les trypanosomes animales (pilier 1) ; développera des outils de contrôle innovants  (pilier 2)  ; consolidera les réseaux de surveillance, de diagnostic et de contrôle, par la mise en place de systèmes d’information épidémiologiques et de stratégies nationales et régionales de lutte harmonisés (pilier 3) ; renforcera les capacités des éleveurs et services vétérinaires africains à lutter contre la maladie tout en sensibilisant les décideurs politiques (pilier 4).

« La force de ce projet réside dans le fait qu’il rassemble à la fois des institutions de recherche, européennes mais surtout africaines, et les autorités vétérinaires des pays concernés. Le projet bénéficie aussi de l’appui d'organisations internationales, la FAO en tout premier lieu, mais aussi l’Union Africaine, l’OIE, l’OMS, l’AIEA, garantissant le maximum d’impact pour l’ensemble des parties prenantes », a souligné le coordinateur du projet pour le Cirad, Alain Boulangé.

En matière de recherche (pilier 1), des études seront notamment menées sur la capacité des vecteurs à transmettre la maladie, sur leur propagation et leur rôle dans la diffusion de celle-ci, sur la tolérance à la maladie des espèces de bétail présentes en Afrique, ainsi que sur la résistance aux médicaments des trypanosomes. 

En matière d’outils de contrôle (pilier 2), c’est une dizaine d’outils qui seront passés au crible. Ils iront de nouveaux dispositifs de lutte contre les insectes vecteurs respectueux de l’environnement à des méthodes innovantes de diagnostic en passant par le test de nouvelles molécules trypanocides.

Le projet renforcera également la surveillance de la maladie et de ses vecteurs, prévoira le risque de propagation et développera des systèmes d'information pour permettre une prise de décision basée sur le risque (pilier 3). La lutte progressive contre la maladie sera encouragée par l'élaboration de lignes directrices reconnues au niveau international et de stratégies harmonisées aux niveaux national et régional.  

Elisabeth Claverie de Saint Martin, PDG du Cirad, se félicite du lancement de COMBAT : « la lutte contre les maladies tropicales négligées est un enjeu d’envergure internationale, primordial dans le développement de populations parmi les plus vulnérables ». Elle ajoute : « Le Cirad a conscience de toute la responsabilité qui incombe à un tel projet, et dont la clé de réussite réside dans la coopération avec nos excellents partenaires africains, européens et internationaux ».

La trypanosomose animale à transmission vectorielle (TA) est un groupe de maladies causées par des parasites unicellulaires (Trypanosoma spp.). La TA sous ses différentes formes, est présente dans beaucoup de pays d'Afrique. Trypanosoma brucei, T. congolense et T. vivax sont transmis cycliquement par les mouches tsé-tsé (Glossina spp.), provoquant la forme de la maladie appelée "nagana". T. vivax peut également être transmis mécaniquement par d'autres mouches piqueuses telles que les mouches d'étable (Stomoxys) et les taons (Tabanidae), ce qui lui a permis de se propager en Amérique latine et en Asie. Ces autres mouches piqueuses transmettent également T. evansi, l'agent causal de la "surra", une trypanosomose animale endémique dans de vastes régions d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, et également rapportée dans les îles Canaries (Espagne). Des incursions de trypanosomose ont été signalées en Europe continentale soulignant le besoin d’en évaluer le risque d’importation. Le bétail et les animaux sauvages jouent également le rôle de réservoirs potentiels de la trypanosomose humaine africaine (THA, également appelée "maladie du sommeil"), une maladie tropicale négligée mortelle pour les humains. 
Liste des partenaires du consortium :
  • Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, Cirad, France
  • Institut de Recherche pour le Développement, IRD, France
  • Institut d'Electronique et des systèmes (Université de Montpellier), IES, France
  • Vrije Universiteit Brussel, VUB, Belgique
  • Universidad de Las Palmas de Gran Canaria, ULPGC, Espagne
  • International Centre of Insect Physiology and Ecology, ICIPE, Kenya
  • Centre International de Recherche Développement sur l’Elevage en zone Subhumide, CIRDES, Burkina Faso
  • Universidade Eduardo Mondlane, UEM, Mozambique
  • Makerere University, MAK, Ouganda
  • Institut Sénégalais de Recherches Agricoles, ISRA, Sénégal
  • Institut Pierre Richet (Institut national de santé publique), IPR, Côte d’Ivoire
  • Institut de recherche en élevage pour le développement, IRED, Tchad
  • Central Veterinary Research Laboratory (Animal Resources Research Corporation), CVRL, Soudan
  • Agricultural Research Council, ARC, Afrique du Sud
  • Insectarium de Bobo-Dioulasso (Ministère des ressources animales et halieutiques), IBD, Burkina Faso
  • Mission Spécial d'Eradication des Glossines (Ministère de l'élevage, des pêches et des industries animales), MSEG, Cameroun
  • National Institute for Control and Eradication of Tsetse fly and Trypanosomosis, NICETT, Ethiopie
  • Kenya Tsetse and Trypanosomiasis Eradication Council, KENTTEC, Kenya
  • Tsetse and Trypanosomiasis Control Unit (Ministry of Fisheries and Livestock), TTCU, Zambie
  • Division of Tsetse Control services (Ministry of lands, agriculture, water and rural resettlement), TCD, Zimbabwé
  • Food and Agriculture Organization of the United Nations, FAO, Italie

 

 

This project has received funding from the European Union’s Horizon 2020 research and innovation programme under grant agreement No 101000467.