IIABA : accélérer le développement de l’agriculture biologique en Afrique

Science en action 4 mars 2020
Lancé le 28 février pour une durée de 3 ans et demi, le projet IIABA vise à soutenir le développement de l’agriculture biologique en Afrique. Coordonné par le réseau continental The African Organic Network (AfrONet), les partenaires du projet, dont le Cirad, entendent faciliter l’avènement d’innovations institutionnelles pour promouvoir le secteur du bio sur le continent. Les actions se dérouleront dans trois pays : le Maroc, l’Ouganda et la Tanzanie.
Le Cirad et INRAE co-pilotent et co-exécutent le volet recherche-action du projet IIABA © P. Dugué, Cirad
Le Cirad et INRAE co-pilotent et co-exécutent le volet recherche-action du projet IIABA © P. Dugué, Cirad

Le Cirad et INRAE co-pilotent et co-exécutent le volet recherche-action du projet IIABA © P. Dugué, Cirad

Le projet "Innovations Institutionnelles pour l'Agriculture Biologique en Afrique" (IIABA) part d’un constat : pour encourager l’agriculture biologique, il ne suffit pas d’augmenter la production agricole biologique. Il faut aussi développer des institutions adaptées, tant en matière de marchés, de garantie de la qualité « biologique » des produits, qu’en matière de politiques publiques. De 2020 à 2023, le Cirad et ses partenaires auront pour objectif d’identifier des innovations institutionnelles dans ces trois domaines et de les promouvoir à l’échelle nationale et continentale. Le Cirad et INRAE coordonnent la recherche-action du projet IIABA, avec plusieurs études et l’organisation de plus d’une vingtaine de tables-rondes. La Tanzanie, l’Ouganda et le Maroc sont les pays pilotes du projet.

Si l’agriculture biologique s’est initialement développée en Afrique à travers les marchés d’exportation, pour répondre à une demande croissante des consommateurs du Nord, elle est désormais de plus en plus reconnue au Sud comme moyen d’assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Elle est également de plus en plus prise en compte dans les stratégies d'atténuation et d'adaptation au changement climatique. Elle est aussi un enjeu crucial en matière de santé publique : en effet, si les intrants chimiques de synthèse, comme les pesticides, sont moins diffusés en Afrique que dans d’autres régions du monde, ils le sont tout de même et sont souvent utilisés de manière inappropriée, parfois dangereuse.

Pour des marchés équitables et inclusifs

L’approche classique du développement du secteur bio consiste souvent à relier les petits exploitants aux marchés internationaux. Si cette solution permet aux producteurs d’écouler leurs produits bio à bon prix, elle les coupe néanmoins des marchés locaux et les consommateurs africains en sont exclus. Pour pouvoir répondre à la demande croissante des consommateurs africains en produits sains et naturels, et permettre une meilleure intégration de la filière bio au niveau du territoire local, l’enjeu est de développer les marchés domestiques.

A partir notamment de la mise en place d’observatoires des marchés, de tables-rondes et de plateformes d’échanges entre producteurs et consommateurs, l’objectif est d’aider à construire de nouveaux modèles de marché plus équitables et plus inclusifs et adaptés à chaque contexte local. En fonction des demandes des partenaires et des acteurs locaux sur le terrain, le projet expérimentera différentes combinaisons de solutions, qu’elles s’appuient sur des infrastructures physiques, sur des contrats entre acteurs impliquant éventuellement les pouvoirs publics, ou sur les possibilités offertes par les nouvelles technologies et les médias sociaux.

Pour des systèmes de garantie participative

Outre les marchés, les systèmes de garantie de la qualité « biologique » sont essentiels à la construction des filières : ils assurent la crédibilité de l’agriculture biologique en créant la confiance entre producteurs et consommateurs. Pour l’export, les produits doivent être certifiés par tierce partie, mais cette forme de garantie est coûteuse, souvent inabordable et trop compliquée à gérer pour les petits producteurs. C’est pourquoi d’autres formes de garantie de la qualité biologique, mieux adaptées aux réalités sociales des petits exploitants ont émergé depuis quelques années. On les appelle « systèmes participatif de garantie » (SPG).

Les SPG sont des systèmes de certification basés sur la participation active des acteurs concernés : les producteurs principalement, mais également des consommateurs, ou autres acteurs de la filière… Ensemble, ils élaborent les normes, le cahier des charges, ainsi que les règles participatives pour inspecter les exploitations et délivrer la certification. Ces systèmes permettent à la fois le contrôle des pratiques biologiques, mais également des échanges de savoirs et de bonnes pratiques entre les acteurs impliqués.

Les SPG peuvent être très divers. L’objectif du projet IIABA n’est pas de définir le SPG idéal, mais d’accompagner les acteurs dans le développement de ces systèmes innovants, en améliorant, selon leurs besoins, les dispositifs ou les technologies. Le Cirad a notamment développé un logiciel original permettant d’améliorer l’organisation des inspections.

Pour des politiques publiques innovantes

Au-delà des marchés et des systèmes de garanties, le développement de la filière bio en Afrique nécessite des politiques publiques favorables. Afin que les décisions politiques soutiennent l’agriculture biologique, le projet IIABA prône le dialogue multi-acteurs et multi-secteurs, avec des décideurs de différents niveaux d’administration dans chaque pays. Les pouvoirs publics peuvent soutenir le développement de l’agriculture biologique par la mise en place d’une politique réglementaire dédiée au niveau national avant tout, mais également par d’autres mesures nationales incitatives. Au niveau local, toutes sortes d’innovations peuvent être soutenues, telles que les composts municipaux, les marchés territoriaux, les foires biologiques, les contrats d’approvisionnement pour la restauration collective, etc.

Les recherches dans ces trois domaines d’innovation institutionnelle ambitionnent de développer des manuels et outils spécifiques qui permettront, tant à AfrONet au niveau continental qu’aux partenaires dans les trois pays, de renforcer leurs capacités et d’encourager leurs initiatives en cours. Financé par l’AFD, IIABA dispose d’un budget de 1,5 millions d’euros, et de 3 ans et demi pour accélérer le développement de l’agriculture biologique en Afrique.