Les recommandations de 46 experts pour assurer un avenir durable et équitable à la Colombie

Institutionnel 12 décembre 2019
Un groupe de 46 experts, dont Michel Eddi, PDG du Cirad, a remis le 5 décembre dernier au Président de la Colombie un rapport sur la science, la technologie, l’innovation et l’éducation pour le développement durable du pays sur les 20 prochaines années.
Membres de la commission « Biotechnologie, bioéconomie et environnement » de la Mission des Sages, dont Michel Eddi, PDG du Cirad, et Guy Henri faisaient partie. © M. Ramirez, UniAndes

A la demande des autorités colombiennes, huit commissions ont constitué une « Mission des Sages », qui a démarré ses travaux en février 2019. Michel Eddi, PDG du Cirad, appuyé par Guy Henry, était membre de la Commission « Biotechnologie, bioéconomie et environnement » (BBME).

Cette « Mission » a remis au Président de la République de Colombie, Iván Duque, un rapport de prospective de 300 pages sur la science, la technologie, l’innovation et l’éducation . Les « sages » ont proposé que le pays entreprenne des recherches ciblées qui permettent à « la science de faire face aux grands défis à venir pour la Colombie ». Cette stratégie « consiste à identifier les défis cruciaux pour la nation et des actions ambitieuses pour les résoudre avec les moyens nécessaires pour les mettre en œuvre », explique Michel Eddi. Moisés Wasserman, ancien recteur de l’Université nationale, a donné comme illustration « cette décision du président Kennedy d'atteindre la lune avant la fin des années soixante qui semblait impossible à l’époque ».

La Commission « Bioéconomie » a suggéré au pays de relever trois défis (voir les principales conclusions de cette commission dans le rapport, p.139) :

  • bâtir un modèle économique colombien durable basé sur la diversité naturelle et culturelle ainsi que sur la créativité,
  • construire une Colombie durable et productive ,
  • s’engager résolument pour la réalisation d’une Colombie équitable.

Miser sur l’économie de la connaissance et la bioéconomie

Le rapport recommande à la Colombie de miser sur l’économie de la connaissance et la recherche scientifique . Il s’agit notamment de développer les connaissances sur les ressources naturelles du pays, plus particulièrement sur l’eau et la biodiversité, pour les gérer durablement et affronter le changement climatique. Les experts suggèrent ainsi que « la connaissance soit la valeur de croissance du pays ». « La Colombie peut cesser de dépendre des industries extractives et parier sur la bioéconomie » , explique Silvia Restrepo, vice-chancelière à la recherche de l'Université de los Andes et coordinatrice de la Commission « Bioéconomie ». « Nous pouvons avoir des industries vertes, tirer parti des énergies renouvelables,… » et de l'agriculture durable. Le Président de la République a repris à son compte ces recommandations pour bâtir « une Bio-Colombie » qui soit dans 10 ans la première puissance scientifique d’Amérique latine.

Un lien de long terme entre recherche et développement à consolider

Selon les auteurs du rapport, le lien entre la recherche et le développement économique et durable se mesure sur le long terme et nécessite de la patience pour le consolider. « Selon certaines hypothèses, une augmentation de 20 % des investissements dans la recherche augmenterait le PIB de 1,12 %, un résultat qui serait observé avec un décalage de cinq ans » , expliquent-ils. Ils précisent également que « les efforts nécessaires impliquent la contractualisation de crédits, la réorientation des budgets et les propositions d'actes législatifs réformant la Constitution, afin que les régions allouent 25 % des redevances à l'éducation, la création de centres d’innovation régionale » .

Renforcer la créativité de la nation et l’innovation, ainsi que l’éducation et l’enseignement

La Mission a proposé ainsi de créer des « pépinières créatives », regroupant, au sein de laboratoires de création, différents types d’acteurs : des établissements d'enseignement, en passant par les entreprises du secteur productif, au public. Ils suggèrent que d'ici 2030, au moins deux pépinières créatives soient mises en œuvre dans chaque département du pays.

Le rapport insiste également sur l’importance de la santé (santé mentale, prévention, accès aux médicaments), celle de l’éducation dès le début de la vie (de 0 à 5 ans où 90 % des connexions neuronales du cerveau humain sont établies), l’enseignement (et le rôle des enseignants) et la formation. Il propose des programmes d’enseignement combinant formation universitaire, formation technique et arts.

Création d’un ministère colombien de la Science, de la Recherche et de la Technologie

Enfin, tous les membres de la Mission se sont engagés à poursuivre le travail au-delà de la remise du rapport pour accompagner les pouvoirs publics dans la mise en œuvre de sa politique.

Le président Duque a décrit le travail de cette Mission comme un « rêve » qui « s'est cristallisé » dans une « création collective de 300 jours, pensée pour les générations futures ». A la fin de son discours, il a paraphé devant les membres de la Mission et les représentants du gouvernement, le décret donnant naissance au ministère de la Science, de la Recherche et de la Technologie qui doit être l’instrument pour mettre en place les recommandations de la « Mission des Sages ».