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- Vers de terre et lombricompost explorés dans les projets Innov Earth et Earth4Fish
Vers de terre et lombricompost pour la durabilité agricole et la sécurité alimentaire à Madagascar
La faible teneur en nutriment des sols fait partie des grandes limites de l’agriculture à Madagascar. Face aux enjeux de la sécurité alimentaire et de la durabilité agricole, une communauté de chercheur s’est penchée sur l’application de la lombriculture et du lombricompost à Madagascar. Ces pratiques, ayant fait leurs preuves dans d’autres pays comme l’Inde ou la Chine ont été testées et expérimentées dans les conditions spécifiques de la grande île. Le projet Innov Earth s’est concentré sur les effets du lombricompost sur la fertilité des sols en s'intéressant plus particulièrement à la culture du riz pluvial et le projet Earth4Fish s'est orienté sur l'intégration des vers de terre dans la rizipisciculture. Des résultats concluants et des innovations en termes de fertilisation naturelles ont émergé de ces projets. Les vers de terre s’avèrent être une aubaine à la fois pour le sol et pour l’aquaculture, contribuant ainsi à l’amélioration des rendements agricoles, à la résilience des cultures face au changement climatique et à la croissance rapide des poissons dans le cadre des pratiques rizipiscicoles.
Co-construction de solutions naturelles pour la durabilité agricole et la sécurité alimentaire
Les projets Innov Earth et Earth4fish étaient guidés par un esprit de coconstruction de solutions innovantes naturelles avec les producteurs locaux. La mise en relation des savoirs des paysans avec ceux des scientifiques permet de construire un capital de connaissances permettant de développer des solutions ayant du sens à la fois pour les agriculteurs et pour les chercheurs.
Dans le cadre du projet Innov Earth, quarante deux exploitations ont été sélectionnées pour des tests et des expérimentations sur l’efficacité du lombricompost, principalement sur les cultures de riz pluvial. Des formations ont été organisées au début du projet sur différents thèmes comme le sol vivant et ses organismes, les vers de terre utiles pour l’inoculation et les vers de terre utilisés pour le lombricompost. Des formations sur terrain à travers des visite de ferme de lombricompostage ont permis aux producteurs de s'imprégner des techniques pratiques. Un atelier d’échange a été organisé afin de développer différentes propositions de solutions innovantes par l’association du lombricompost avec certaines matières fertilisantes déjà utilisées par les agriculteurs tels que le fumier de zébu et le cendre de balles de riz.
Des tests ont ensuite été réalisés avec des suivis systématiques et des co-évaluations par comparaison entre les résultats des fertilisants habituels et des fertilisants innovants sur différents critères comme le tallage, l’état des feuilles et l’épiaison. Enfin, des ateliers de capitalisation organisé par année ont permis de recueillir les résultats des applications pratiques par les agriculteurs et d'identifier les meilleures pratiques. Ce processus itératif entre la pratique et les échanges ont permis de développer des solutions tenant compte des réalités vécues par les producteurs.
De la fertilité des sols à la qualité nutritionnelle des produits des cultures pluviales grâce aux vers de terre
L’agriculture pluviale à Madagascar, pratiquée sur les « tanety », qui sont essentiellement constitués de sols ferralitiques, se heurte aux limites imposées par la très faible fertilité des sols mais également aux incidences du changement climatique et l’attaque des maladies et des bioagresseurs. La fertilisation des sols et la durabilité des cultures revêtent une importance majeure dans l’amélioration de la productivité à long terme des exploitations. C’est ainsi que des recherches ont été menées sur les vers de terres, qui se présentent comme des solutions naturelles agissant globalement sur le système agricole. Différents constats sont sortis des recherches :
- Les vers de terre améliorent les agrosystèmes. Des test et expérimentations réalisés dans la région Itasy ont démontré une augmentation de plus de 40 % des grains de riz produits et de près de 20% du stock en carbone des sols, au bout de 3 ans, sur les parcelles où des vers de terre ont été inoculés .
- La culture du riz répond toujours positivement à la présence des vers de terre, que ce soit au niveau physique (aspect extérieur des feuilles et des épis) ou nutritionnel (augmentation de la teneur en azote et en phosphore entre autres). Toutefois, les effets sont différents en fonction des variétés de riz utilisées. Le choix des variétés reste important pour optimiser les fonctions écologiques remplies par les vers de terre.
- Les études ont également démontré que les vers de terre permettent de réduire l’attaque des pathogènes. Une diminution des attaques de la pyriculariose a été constatée au niveau des plantes à fertilisation organique par les vers.
- Les vers de terre ont aussi un effet positif sur la performance fertilisante des amendements organiques habituels. Les agriculteurs pourront ainsi faire le choix des matières organiques en fonction des disponibilités dans leurs localités.
- Le lombricompost a tendance à raccourcir la durée du cycle de la plante. Des tests menés à Imerintsiatosika depuis 7ans ont démontré une floraison plus courte du riz avec le lombricompost, ce qui donne une meilleure résilience des plantes, même face aux retards de pluie.
- Le lombricompost réduit l’attaque des bioagresseurs. L’utilisation du lombricompost donne une meilleure allure, et une vigueur améliorée en cas d’attaque des bioagresseurs par rapport aux autres fertilisants.
De l’amélioration des systèmes aquatiques à l’alimentation des poissons
La rizipisciculture se présente comme une activité prometteuse pour l’amélioration de la sécurité alimentaire. Le potentiel de cette filière, révélé par des études réalisées dans d’autres pays, ont amené les chercheurs à s’intéresser au développement de cette pratique à Madagascar. Alors que les résultats dans d’autres pays affichaient une augmentation de 10% du rendement en riz, à Madagascar les expérimentations rizipiscicoles ont produit une augmentation allant de 19% la première année et jusqu’à 31% la deuxième année. Toutefois, à coté de cette performance rizicole, la production piscicole était au-dessous des espérances avec seulement 50 à 100 kilogrammes par hectares. L’indisponibilité et les coûts élevés des intrants notamment sur l’alimentation des poissons constituaient les principaux freins pour cette production. Des recherches ont ainsi été menées sur l’intégration du lombricompost et de la lombriculture, des options naturelles et accessibles pour les rizipisciculteurs pour activer l’intensification écologique et durable de l’activité.
Les études ont démontré que les vers de terres contribuent à l’amélioration de la fertilité de l’étang et de la rizière. Le lombricompost qui est une décomposition de déchets des plantes par les vers de terre, augmente la disponibilité des nutriments dans les systèmes rizipiscicoles. Il constitue une forme de fertilisation efficace, accessible aux agriculteurs. Par ailleurs, intégrés dans l’alimentation des poissons, les vers de terre constituent une source de protéine naturel pour les poissons, sans engager des coûts importants pour les producteurs.
Des recherches en partenariat pour la production de résultats applicables sur le terrain
Les projet Innov Earth et Earth4fish ont été réalisés en collaboration par le Laboratoire des radioIsotopes (LRI) de l’Université d’Antananarivo, le Cirad et l’Institut de recherche pour le développement (IRD) qui sont partenaires au sein du dispositif de recherche et de formation en partenariat (dP) Système de production d’altitude et durabilité (SPAD). Le projet Innov Earth a été financé par Agropolis fondation dans le cadre des Investissements d'Avenir. Le projet Earth4fish a été financé par the Global Development Network (GDN) et l'Agence Française du développement (AFD).
L’atelier de restitution des deux projets a été tenu au Carlton Anosy le 23 Mai 2024. Les résultats ont été partagé aux acteurs de la recherche, du développement et opérationnels, avec la présence de représentants de l’Etat. Un livret pratique à destination des agriculteurs, un fascicule technique à pour les organismes de développement agricole ainsi que des recommandations destinées aux décideurs ont été diffusés durant l’événement. Par la même occasion, un film sur la co-construction de solutions avec les acteurs locaux a été projeté. Deux tables rondes ont été organisées par la même occasion sur l'optimisation de l'utilisation des vers de terre et la fabrication de lombricompost par les agriculteurs ainsi que sur l'accompagnement des agriculteurs pour une meilleure appropriation des innovations.
Plusieurs chercheurs du Cirad ont été impliqués à différents niveaux dans les deux projets, notamment Jean Michel Mortillaro, spécialisé dans l’écologie marine qui a mené des tests et expérimentations sur l’intégration des vers de terre dans la rizipisciculture. Patrice Autfray, spécialisé en sciences du sol a été investi dans la recherche-action en partenariat avec l’encadrement d’une étudiante et la réalisation d’un film sur ce sujet.