Des moutons pour contrôler l’enherbement des bananeraies

27/11/2023
Grâce au projet Territoires Durables, il est désormais possible d’observer des moutons pâturer dans certaines plantations de bananes en Guadeloupe. Les chercheurs du Cirad, d’Inrae, les techniciens de l'IT2 et quatre planteurs ont, en effet, exploré le rôle des moutons comme alternative aux herbicides ou à la débroussailleuse. Différents indicateurs technico-économiques ont été suivis durant l’expérimentation et après sa mise en œuvre. Les résultats viennent d’être publiés dans la revue Agricultural Systems.
Des moutons pour contrôler l’enherbement des bananeraies © Nadine Andrieu, Cirad
Des moutons pour contrôler l’enherbement des bananeraies © Nadine Andrieu, Cirad

Des moutons pour contrôler l’enherbement des bananeraies © Nadine Andrieu, Cirad

Dans le cadre du projet Territoires Durables, mené en Guadeloupe de 2020 à 2023 dans la zone du croissant bananier, les planteurs de banane, les chercheurs du Cirad et d’INRAE, et les techniciens de l’IT2 ont exploré le rôle des ovins comme alternative agroécologique à l’usage des herbicides et à la débroussailleuse pour contrôler l’enherbement dans les parcelles.

Ces travaux de recherche ont montré l’intérêt des animaux comme alternative à la débroussailleuse et aux herbicides. Compte tenu de la réorganisation du travail liée à l’introduction des ovins (moins de travail mais la nature du travail n’est plus la même), la pratique semble plutôt convenir à des producteurs de banane ayant déjà un atelier d’élevage. Pour les autres producteurs de banane sans élevage, des coopérations avec les éleveurs du territoire pourraient être explorées.

La démarche utilisée a reposé sur 4 étapes.

Etape 1 : le diagnostic

Dans un premier temps les chercheurs ont mené des enquêtes sur les pratiques existantes et ont montré que les bovins étaient utilisés chez certains producteurs pour contrôler l’enherbement sur les jachères. L’intégration de ruminants sur les parcelles en production n’a en revanche pas été observée.

Etape 2 : les ateliers de co-conception

Lors de la seconde étape, différents ateliers ont permis au collectif d’agriculteurs, chercheurs et techniciens d’échanger sur l’intérêt des animaux pour réduire les pesticides dans les bananeraies. Le choix de l’ovin s’est progressivement imposé comme l’alternative à tester. L’ovin présente un plus faible risque de consommation des rejets de banane ou de tassement du sol que d’autres espèces de ruminants.

Etape 3 : l’expérimentation

Lors de la troisième étape, menée durant le 1er semestre 2022, 4 agriculteurs ont introduit chacun 5 animaux sur un demi-hectare de banane en production divisé en 4 placettes par des clôtures électriques. Les chercheurs et techniciens ont procédé à différentes mesures et constaté une diminution de 60 % de la biomasse herbacée permise par les animaux. Ils ont également constaté une consommation préférentielle des lianes présentes autour du pseudo-tronc réduisant une tâche chronophage généralement pratiquée manuellement. Ils ont aussi observé un gain de poids quotidien moyen des animaux du même ordre que celui obtenu sous pâturage conventionnel.  Les animaux se sont en revanche contaminés à la chlordécone, un insecticide utilisé dans la zone jusqu’au début des années 90. Malgré l’apparition de nouvelles tâches - rentrer les animaux le soir, les déplacer sur les différentes placettes -, une diminution de la quantité de travail a également été mesurée. Cela est dû à la réduction de la durée du débroussaillage et à la suppression de la tâche consistant à retirer les lianes autour des pseudo-troncs.  

Etape 4 : le suivi réflexif

Le suivi, réalisé à partir de juillet 2022, des changements induits par l’expérimentation montre que l’un des producteurs a doublé la surface contrôlée par les moutons sur sa parcelle. Il a aussi révélé l’utilisation de cette pratique par de nouveaux producteurs de banane de Guadeloupe, mais aussi de Martinique, pour certains appuyés par l’IT2. Cet institut a d’ailleurs inscrit cette activité dans son programme stratégique. Récemment, des demandes d’autres filières ont émergé pour répliquer cette démarche de co-conception.