Agroécologie : comment limiter les intrants chimiques en agissant sur la diversité biologique ?

04/12/2023
Le 12 septembre 2023, l’équipe HorStys du Cirad a présenté ces résultats d’un an d’étude de la diversité biologique des sols, des plantes cultivées et des auxiliaires de cultures (arthropodes) et comment cette biodiversité est un atout pour limiter les intrants chimiques dans les systèmes maraîchers. Au cours d’une riche matinée, une trentaine de producteurs et partenaires ont pu prendre connaissance des résultats puis un temps d’échange sous forme de jeux a permis de mesurer chez les producteurs l’acceptabilité de certains leviers.

Des ateliers pour envisager les solutions qui s’offrent aux producteurs pour aller vers des systèmes agroécologiques envisager les solutions qui s’offrent aux producteurs pour aller vers des systèmes agroécologiques (© T. Neve, Cirad)

Cette journée était organisée par l’unité HortSys dans le cadre du dispositif de programmation en partenariat SADUR (Systèmes Alimentaires Durables en milieu insulaire) . L’objectif ? Après une présentation des résultats directement sur les parcelles d’expérimentation et illustrés par des prélèvements au champ, l’objectif était de passer en revue et d’évaluer envisager les solutions qui s’offrent aux producteurs pour aller vers des systèmes agroécologiques nécessitant moins d’apports d’intrants chimiques.

Trois approches présentées aux participants

Agir sur la biodiversité des sols

Les microorganismes du sol (bactéries, champignons, nématodes, etc.), dans leur abondance et leur diversité, ont un rôle essentiel dans la bonne santé des plantes cultivées. Un sol « vivant » stimule la croissance des plantes, permet une meilleure régulation des pathogènes ou une meilleure adaptation des plantes aux différents stress. Ces communautés sont cependant influencées par les pratiques agricoles, notamment de fertilisation, le travail du sol. L’identification des itinéraires techniques favorisant cette biodiversité est en cours d’évaluation à La Réunion.

Les travaux du Cirad ont permis de démontrer que :

  • La diversité des bactéries du sol est gage de la santé des plantes et un gain de diversité bactérienne permet de produire jusqu’à 130% de biomasse en plus ;
  • L’intensification des pratiques agricoles réduit drastiquement les services des bactéries du sol aux cultures, notamment en réduisant l’abondance et la diversité des bactéries bénéfiques

Présentation sur les parcelles des résultats des travaux sur les microorganismes du sol par Caroline Brunel (© T. Neve, Cirad)

Agir sur la diversité des plantes cultivées

Afin de réduire l’utilisation de pesticides tout en gardant le contrôle des niveaux de bioagresseurs dans les parcelles, la rotation des cultures apparait comme une alternative pertinente. Le Cirad développe un outil d’aide à la décision sous forme d’application mobile pour permettre de suivre les rotations des cultures tout en donnant des recommandations.

L’application permettra, in fine, de :

  • Mieux gérer les bioagresseurs en fonction des cultures choisies, de la localisation des parcelles et des saisons.
  • Réaliser et partager des observations des bioagresseurs afin de mieux organiser la surveillance et les actions de lutte pour tous les utilisateurs.

Agir sur la diversité de l’entomofaune

Présentation des résultats par Anaïs Chailleux sur la diversité de l'entomofaune (© M. Mohamed, Cirad)

Les ravageurs des cultures sont attaqués par des prédateurs (coccinelles, syrphes, araignées, etc.) et des parasitoïdes (micro-guêpes), ce qui représente un service écosystémique (la « régulation naturelle ») qui pourrait être utilisé par les producteurs. L’objectif des travaux menés est de comprendre le lien entre les ravageurs des systèmes horticoles diversifiés et la biodiversité floristique et faunistique, afin de concilier productivité et respect de l’environnement. Il a été démontré qu’il existe un lien entre la diversité des insectes impliqués dans des processus de régulation naturelle et la diversité végétale de la parcelle. Mais ce lien est modulé par le paysage et les pratiques agricoles. Des indicateurs doivent maintenant être mis en place pour mesurer facilement ce service de régulation naturelle. De même, les travaux se poursuivent pour identifier les leviers permettant d’augmenter régulation naturelle comme par exemple, certaines plantes de service susceptibles d’augmenter la présence des ennemis naturels des ravageurs des cultures.

Des échanges avec les agriculteurs pour nourrir la transition

16 pratiques pour engager la transition agroécologique ont été évaluées par les participants (© T. Neve, Cirad)

La deuxième partie de la matinée fut l’occasion de mettre tous les participants autour de la table afin de discuter de l’acceptabilité de pratiques favorisant la biodiversité et les services qu’elle supporte. Cet atelier avait pour objectif d’avoir retour pragmatique sur certains leviers proposés afin de développer des solutions concrètes, adaptées aux contraintes que connaissent les agriculteurs.

Une liste de 16 pratiques telles que l’utilisation de fertilisants d’origine végétale, une irrigation adaptée à l’entomofaune ou encore des suivis réguliers de la biodiversité du sol, était présentée sous forme de différentes cartes illustrées. Chaque groupe devait donner son avis sur l’acceptabilité des leviers et les raisons de leur positionnement à travers des post-it. Chaque carte a permis de faire émerger des considérations techniques, organisationnelles et éthiques qui seront intégrées par les chercheurs . Les solutions de gestion de la biodiversité qui ont eu le plus de retours favorables sont :

  • La mise en place de rotations bénéfiques 
  • Le choix de variété robuste et aux qualités organoleptiques conformes aux goûts des consommateurs
  • L’installation de pièges de suivi de l’entomofaune sur les parcelles qui le permettent

Les plantes de service créent de nouvelles contraintes pour les producteurs qu’ils ne peuvent pas toujours gérer. Coté amendement du sol, la rareté et la cherté de la matière organique sont ressorties comme des facteurs limitants majeurs. Les agriculteurs partenaires ont pour beaucoup exprimer leur satisfaction sur la demi-journée, les échanges ont été riches et ont permis de collecter leurs avis sur les différents leviers proposés. Les résultats des différentes études ainsi que et les échanges qui ont eu lieux dors de cette journée permettront d’orienter et de calibrer les prochains travaux de recherche, afin d’adapter au mieux les solutions proposées à la réalité des exploitations agricoles réunionnaises.

Pour en savoir plus retrouvez le reportage Terres d’Ici tourné lors de cet événement :