Une viande au parcours unique !

27/02/2024
Le projet Territoires durables, financé par le Ministère de l’Outre-Mer, après avoir démontré l’efficacité de la gestion de l’enherbement sous bananeraie par des moutons dans le croissant bananier, s’est attaqué à la question qui restait en suspens : peut-on réintégrer dans les circuits de consommation des animaux qui se contaminent lors du pâturage ? Le Cirad et l’INRAE, en partenariat avec des producteurs ont expérimenté avec succès une phase de décontamination des animaux préalablement affectés à la gestion de l’enherbement de parcelles contaminées à la chlordécone. Cette phase de moins de 4 mois a été complétée par une enquête d’acceptation, le contrôle de la qualité sanitaire des animaux à l’abattoir et un test organoleptique auprès de représentants de différentes institutions de l’agriculture et de l’élevage.

Des moutons affectés à la gestion de l’enherbement des bananeraies © Steewy Lakhia, Cirad

En Guadeloupe, le projet Territoires durables a démontré que l’introduction d’animaux de services pouvait permettre de contrôler l’enherbement dans les bananeraies et ainsi s’affranchir de l’utilisation de glyphosate et ou de la débroussailleuse. Cette pratique séduit de nombreux agriculteurs cependant, elle questionne sur le risque majeur de contamination des animaux par la chlordécone, qui pollue durablement les sols dans les zones de production bananière.

Aussi les expérimentations de désherbage par les animaux ont été complétées par l’évaluation d’une stratégie de décontamination des moutons pour éviter l’exposition des consommateurs et valoriser la viande produite. Pour ce faire, un lot de 20 moutons contaminés a été placé chez un producteur de bananes dans une étable équipée pour assurer leur décontamination. Ces moutons ont reçu des rations de foin, d’écart de triage (banane) et de soja. Une attention particulière a été apportée également à la qualité de l’eau de boisson des animaux. En moins de 4 mois, le niveau de contamination des animaux était inférieur au seuil de détection des analyses sérologiques.

En parallèle un sondage (301 personnes interrogées en Guadeloupe) a révélé que 42 % des personnes interrogées seraient prêtes sans réserve à consommer une viande ovine produite dans les zones contaminées et contrôlée par les circuits formels lors de l’abattage avant sa mise en marché. Ensuite, 37 % étaient moyennement d’accord en raison de leur réticence à consommer des produits ayant des traces de chlordécone. Enfin, 21% des consommateurs interrogés étaient opposés à la consommation de cette viande issue de zones contaminées.

Du fait de cette part importante de consentement, les animaux ont suivi les étapes d’abattage et de contrôle, afin de faire le lien entre la parcelle et l’assiette. Les contrôles réalisés par la DAAF confirment que la viande n’était pas contaminée. Avec l’appui d’un boucher et d’un restaurateur, un test organoleptique de cette viande a été organisé. Le 20 décembre dernier, un panel d’une vingtaine de participants a été invité à déguster la viande, testée snackée à la plancha quelques minutes de chaque côté, sans ajout de gras, sans sel et sans poivre. Ce panel large était composé de personnes issues de structures proches de l’agriculture et de l’élevage :  le Cirad, INRAE, la Chambre d’Agriculture de Guadeloupe, le Lycée agricole de Guadeloupe, la DAAF, des chefs cuisiniers locaux de renom. Les participants ont tous apprécié la saveur de la viande et souligné sa tendreté.

 

Préparation de la viande pour le test organoleptique par Joël Kichenin, chef cuisinier © Cyndi Nabajoth, Cirad

Ainsi, le projet Territoires durables a montré qu’en zone contaminée par la chlordécone et de la parcelle à l’assiette, il était possible d’utiliser des ovins pour le contrôle de l’enherbement, et d’envisager la valorisation de la viande pour la consommation. Il s’agit donc d’une opportunité pour réduire l’utilisation d’intrants de synthèse dans les bananeraies, diversifier les exploitations et développer la filière de petits ruminants tout en sécurisant la qualité de la viande et l’exposition des consommateurs.