Le 12 décembre, Quentin Grislain soutient sa thèse en géographie politique sur les observatoires fonciers en Afrique.

28/11/2022
Mieux connaître les observatoires fonciers et leurs effets sur l’action publique constitue un apport important en termes de développement, dans une dynamique où les observatoires sont de plus en plus promus par les gouvernements, les projets de développement et les agences multilatérales comme des instruments de promotion d’une « bonne gouvernance foncière ».

Extraits d’entretiens mis sous la forme d’une revue dessinée afin d’illustrer la diversité des perceptions à l’égard de l’objet observatoire foncier au Sénégal. ©Quentin Grislain et Florence Baumel

En Afrique subsaharienne, depuis le début des années 1990, le concept d’observatoire foncier a soulevé un fort intérêt dans le champ du développement. Pourtant, malgré la grande visibilité du concept, beaucoup d’observatoires fonciers restent au stade de projets de papier avec peu de concrétisations sur le terrain ou n’ont qu’une existence symbolique (un logo, un atelier de lancement, un site Internet) sans production réelle d’informations ni diffusion de connaissances.

Cette thèse, financée par la Land Matrix, propose de comprendre pourquoi, alors que le concept d’observatoire foncier est promu de façon répétée depuis presque trente ans, avec de nombreuses tentatives avortées et peu de réalisations concrètes sur le terrain, les observatoires fonciers sont à la fois autant désirés et si peu fonctionnels.

À partir d’une analyse approfondie des initiatives d’observatoires fonciers au Sénégal et d’une mise en perspective avec d’autres expériences d’observatoires à l’échelle du continent africain (Burkina Faso, Madagascar, Tchad, Ouganda), cette thèse met en évidence les raisons qui contribuent à expliquer la persistance dans la construction, la circulation et la mise en œuvre des observatoires fonciers en Afrique, en dépit des nombreux échecs observés sur le terrain. L’auteur identifie notamment la flexibilité du concept, qui le rend attrayant pour des acteurs pourtant porteurs de valeurs et de visions du monde différentes ; une expérience fondatrice (success story), qui permet de légitimer et de justifier la production continue de projets d’observatoires fonciers ; les croyances, naïves ou sincères, dans les objectifs assignés aux observatoires fonciers en termes de production et de diffusion de nouvelles connaissances et de mise en débat des analyses, qui laissent penser que ces dispositifs sociotechniques vont contribuer à promouvoir une « bonne gouvernance foncière » ; la présence d’acteurs qui jouent le rôle de passeurs de normes et d’idées et qui contribuent à la circulation du concept au sein du continent. 

En revanche, dans la pratique, la concrétisation sur le terrain des objectifs annoncés se trouve confrontée à de nombreuses contraintes de mise en œuvre. Au-delà des épreuves communes à de nombreuses interventions de développement (faiblesse des ressources financières et humaines, manque d’infrastructures de base, difficultés organisationnelles, etc.), la thèse met en évidence les spécificités propres aux projets d’observatoires fonciers. Parmi elles, la recherche insiste sur les enjeux de production, de diffusion et d’usage des données de terrain sur le foncier, et notamment sur les difficultés liées à l’accès aux données et aux sources d’informations, sur la sensibilité de diffuser certaines informations, sur l’enfermement des équipes des observatoires dans la vérification et le contrôle des données, ou encore sur les décalages entre l’information produite et les besoins des acteurs ainsi que l’évolution, parfois rapide, des thématiques inscrites à l’agenda des décideurs et des bailleurs de fonds internationaux.

De manière générale, la thèse de Quentin Grislain a donc permis i) de comprendre comment les observatoires fonciers émergent et parviennent (ou non) à se maintenir dans un contexte institutionnel et politique donné ; ii) d’identifier les principaux écarts de mise en œuvre (implementation gaps) entre le projet sur le « papier » et le projet sur le « terrain » ; iii) d’améliorer les connaissances et l’expertise pour mieux accompagner la construction et la mise en œuvre des observatoires fonciers, dans les pays en développement et sur le long terme.

Quentin Grislain, doctorant à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (UMR PRODIG) et rattaché au CIRAD à l’UMR TETIS, soutiendra le 12 décembre sa thèse en géographie politique intitulée « Promesses et effets des observatoires fonciers. Une géographie politique de dispositifs sociotechniques pour le développement en contextes africains et sénégalais (1980/2022) ». La soutenance aura lieu le lundi 12 décembre à 14h en salle 100 au Centre de colloques du Campus Condorcet (1 place du Front populaire, 93322 Aubervilliers