Intégrer l'élevage extensif dans les lois foncières à Madagascar

18/10/2024
L’élevage extensif n’est pas encore reconnu par les lois foncières malgaches comme une forme de valorisation et d’appropriation des espaces naturels. En plus de cela, cette forme d’élevage et les éleveurs sont régulièrement mis en second plan par rapport à l’agriculture en matière d’occupation foncière. Actuellement, un projet de loi sur la gestion des espaces communautaires, dont font partie les vastes espaces pastoraux, figure à l’agenda. Dans le but de faire entendre la voix et les propositions des éleveurs dans cette loi en cours d’élaboration, les membres du réseau de recherche Think Tany, composé de chercheurs et étudiants du Cirad et de l’École supérieure des sciences agronomiques, ont invité avec la plateforme de la société civile sur le foncier des grands éleveurs des régions Ihorombe, Vakinankaratra, et Boeny pour un atelier de trois jours à Antananarivo.

Atelier de discussion avec les éleveurs ©  P. Burnod, Cirad

L’élevage extensif, un pilier socio-culturel mais aussi économique 

À Madagascar, l’élevage de zébus est profondément ancré dans l’histoire, la culture et l’identité des populations (cérémonies qui ponctuent les cycles des vies, liens à la nature et aux territoires, etc). L’élevage de zébus a surtout un poids économique sous-estimé au niveau national. Il touche plus de 40 % des ménages agricoles (RGPH, 2018), représentant ainsi une ressource vitale pour plus de 2 millions de familles rurales. Les éleveurs, qui sont généralement aussi agriculteurs, contribuent à l’agriculture en fournissant des services essentiels : piétiner les rizières et labourer les terres, apporter du fumier et transporter les récoltes. Ils ont accès, grâce à leurs troupeaux et dans un pays où le secteur bancaire et des assurances est peu développé en milieu rural, à une source de revenus, un moyen de capitalisation, une forme d’épargne et un filet de sécurité (vente d’animaux en cas de besoin ou d’investissement). Ils permettent également l’approvisionnement continue des filières viande pour l’ensemble du pays et en particulier des villes. 

Faire entendre la voix des éleveurs dans les débats sur un projet de loi foncière concernant les espaces communautaires

Les éleveurs de 4 régions de Madagascar invités par le réseau Think Tany ©   P. Burnod, Cirad

Malgré son importance, l’élevage extensif reste peu pris en compte dans les politiques agricoles, souvent focalisées sur des formes d’élevage intensives. Les droits fonciers des éleveurs sur les vastes espaces pastoraux ne sont pas reconnus, ces terrains étant considérés légalement comme non appropriés. Cependant, les éleveurs, possesseurs selon les rôles locales et coutumières, jouent un rôle crucial dans la gestion collective de ces terres et la valorisation des ressources naturelles présentes.
Un projet de loi sur la gestion des espaces communautaires est actuellement en cours d’élaboration. Pour alimenter cette initiative, après avoir fait des études de terrain dans les régions du Boeny, Ihorombe, Vakinankatra et Sofia grâce aux appuis articulés de la GIZ, du Comité Technique foncier et Développement (CTFD) et de la Solidarité des intervenants du foncier (SIF), les membres du réseau Think Tany ont invités des éleveurs de ces régions pour un atelier débat de trois jours à Antananarivo. L’objectif est double : établir des liens entre éleveurs et partager leurs pratiques et besoins avec des représentants de l’État. Les éleveurs ont été accueillis par des représentants du Ministère de l'agriculture et de l'Elevage (direction de la production et du bien-être animal) et du Ministère de l'Aménagement du Territoire et de la Décentralisation (Direction du Fond National Foncier). Les discussions visent à formuler des propositions concrètes pour la nouvelle loi foncière, afin de garantir la reconnaissance des droits des éleveurs sur les terres gérées collectivement. 
Cette démarche illustre l'importance de l’élevage extensif non seulement en tant qu’activité économique, mais aussi comme une composante essentielle de la résilience des communautés rurales face aux défis actuels, tels que le changement climatique, la sécurité alimentaire et la réduction des inégalités. En intégrant la voix des éleveurs dans les débats législatifs, Madagascar pourrait ainsi renforcer la durabilité d’activités socio-économiques basées sur la valorisation des ressources naturelles et concernant, de façon directe et indirecte, la majeure partie de la population.