Cacaoyères agroforestières : l’art de concilier production durable et services écologiques

Vient de sortir 4 novembre 2020
Bien que la culture monospécifique de cacaoyers reste très majoritaire en Afrique, ce modèle agricole est à bout de souffle. Une série de travaux menés au Cameroun par le Cirad et l’Irad montre que la cacaoculture agroforestière peut constituer une alternative crédible à la cacaoculture monospécifique. À partir d’un indicateur issu de la sylviculture, les scientifiques ont pu établir le ratio de cacaoyers offrant le meilleur compromis entre rendement, stockage du carbone et durabilité. Cet indicateur pourrait être adopté pour la certification du cacao durable. Des travaux à découvrir dans le dernier numéro de Perspective.
Mesure de la circonférence d’un arbre associé dans une cacaoyère agroforestière du Cameroun dans le but de calculer sa surface terrière. © Cirad, J.-M. Harmand

Depuis les années 1960, la cacaoculture associant arbres fruitiers et forestiers aux cacaoyers reste déconseillée aux agriculteurs en raison de son supposé faible rendement. Cette pratique traditionnelle perdure malgré tout dans plusieurs pays d’Afrique tel que le Cameroun, cinquième producteur mondial de cacao.

La cacaoculture en agroforesterie, plus productive que prévu

De récents travaux menés dans ce pays par le Cirad et l’Institut camerounais de recherche agronomique pour le développement (Irad) démontrent que la présence d’arbres dans les cacaoyères permet d’obtenir des rendements plus élevés qu’il n’y paraît. À partir de comptages de cabosses réalisés sur plus de 160 cacaoyères agroforestières, les chercheurs ont pu estimer leur rendement moyen à 740 kg de cacao par hectare, voire bien davantage dans certains cas. C’est trois fois plus que les niveaux de production mentionnés jusqu’ici dans les quelques études qui avaient été réalisées, souvent à dire d’agriculteurs.

75 tonnes de carbone stockées par hectare

Outre ce rendement tout à fait honorable, les cacaoyères agroforestières permettent de piéger d’importantes quantités de carbone. Lorsque le nombre et la diversité d’arbres associés y sont suffisamment élevés, le stockage du carbone y atteint en effet 75 tonnes par hectare, soit la moitié de la capacité de stockage des forêts secondaires locales.
Dans certaines parcelles, ce compromis entre production de cacao et piégeage du carbone s’accompagne d’une meilleure régulation de deux bioagresseurs majeurs des cacaoyères : la pourriture brune des cabosses et les mirides, insectes piqueurs-suceurs entraînant la mort progressive des cacaoyers. Pour limiter l’impact de ces bioagresseurs, les cacaoculteurs modulent en permanence l’ombrage procuré par les arbres associés ce qui leur permet d’utiliser moins de pesticides pour la protection phytosanitaire de leurs vergers.

La surface terrière comme indicateur global

Canopée d'arbres associés à une cacaoyère agroforestière © Cirad, A. Nijmeijer

Canopée d'arbres associés à une cacaoyère agroforestière © Cirad, A. Nijmeijer

Afin d’évaluer le meilleur compromis entre production de cacao, services écologiques et durabilité des cacaoyères agroforestières, les agronomes du Cirad et de l’Irad se sont appuyés sur la notion de surface terrière. Cet indicateur issu de la sylviculture correspond à la surface de la section d’un tronc d’arbre mesurée à un mètre du sol environ.
Appliqué à l’échelle de la cacaoyère, il permet de calculer le rapport entre la surface terrière de la totalité des cacaoyers et la surface terrière de l’ensemble des arbres présents dans la parcelle. Les chercheurs ont ainsi montré qu’une surface terrière relative entre 40 et 50 % offre le meilleur compromis entre rendement en cacao et longévité de la cacaoyère.

Repenser la certification du cacao durable

Pour bénéficier des services écologiques fournis par les arbres associés aux cacaoyers, les travaux conduits au Cameroun montrent qu’il faut une centaine d’arbres par hectare. C’est bien plus que les recommandations des programmes de certification actuels. En outre, la plupart des autres critères de certification, comme le niveau d’ombrage ou le couvert de végétation indigène, ne permettent pas d’évaluer réellement le compromis entre production de cacao et services écologiques.
À la fois précis, facile à mesurer et adaptable aux conditions locales, la surface terrière relative des cacaoyers pourrait parfaitement remplir ce rôle. Restent désormais à convaincre les standards volontaires de durabilité de la pertinence de privilégier cet indicateur comme outil de certification d’un cacao durable.

Télécharger le Perspective N° 54

Perspective n°54 (couverture) © Cirad

Cacaoculture agroforestière en Afrique : l’art de concilier production durable et services écologiques
Ce numéro est aussi disponible en version anglaise et espagnole sur le site des revues du Cirad.
Avec Perspective, le Cirad ouvre de nouvelles pistes de réflexion et d’action, fondées sur des travaux de recherche, sans pour autant présenter une position institutionnelle.
Cette série de 4-pages synthétiques présente des idées ou des politiques novatrices sur des questions de développement, stratégiques pour les pays du Sud : agriculture, sécurité alimentaire, santé, changement climatique, développement des territoires, gestion des ressources naturelles, etc.

 

Renforcer la durabilité de la cacaoculture en Afrique de l’Ouest
Favoriser le découplage entre cacaoculture et déforestation, tout en contribuant à la restauration des cacaoyères dégradées. Tels sont les objectifs du projet Cocoa4Future qui vient de débuter en Côte d’Ivoire et au Ghana pour une durée de 5 ans. Financée par le programme DeSIRA de l’Union européenne et l’Agence française de développement à hauteur de 7 millions d’euros, cette initiative pilotée par le Cirad rassemble dix partenaires*. Basé sur un suivi des principaux systèmes de cacaoculture présents dans la région (monoculture, agroforesterie simple et complexe), Cocoa4Future vise à évaluer leurs performances agronomiques, écologiques et socio-économiques tout en répertoriant les innovations techniques des agriculteurs. Il doit aussi contribuer à identifier les différentes contraintes phytosanitaires, socio-économiques et environnementales qui pèsent sur les cacaoculteurs ouest-africains et contribuer à leur apporter des solutions. Les données collectées tout au long du projet aideront à diffuser les innovations techniques et organisationnelles les plus performantes à grande échelle.
* Cocoa4Future réunit 7 institutions de recherche ivoiriennes et ghanéennes, deux ONG ainsi que le Joint Research Centre de la Commission européenne.