Au Sahel, les territoires d’élevage atténuent le changement climatique

Vient de sortir 9 décembre 2019
A l’heure où l’élevage est souvent pointé du doigt comme une source importante de gaz à effets de serre parmi les activités agricoles, il peut dans certains contextes contribuer indirectement à l’atténuation du changement climatique. Des chercheurs du Cirad ont montré que certains territoires pastoraux, au Sahel, présentent un bilan carbone négatif. Des données surprenantes qui pourraient favoriser une implication plus importante des Etats dans ces territoires et ainsi contribuer à leurs développement et stabilisation.
Troupeau mixte de moutons et de zébus s’abreuvant dans une mare en début de saison des pluies (Ferlo, Sénégal) © S. Taugourdeau, Cirad

Réduire les effets sur le changement climatique en s’adonnant à l’élevage, cela parait à contre-courant des messages actuels. Pourtant, dans les grandes étendues semi-arides du Sahel sénégalais, les émissions de gaz à effet de serre des zébus, chèvres et moutons élevés par les populations peules sont compensées par le stockage du carbone dans les arbustes et dans le sol. Mieux, ces émissions pourraient encore être réduites grâce à certains aménagements du territoire. L’élevage pastoral deviendrait alors un véritable acteur de la lutte contre le réchauffement climatique tout en participant à la stabilisation politique de la région.

Moins de méthane que prévu

Ces conclusions sont issues de la thèse que Mohamed Habibou Assouma, aujourd’hui agronome zootechnicien au Cirad, réalisa entre 2013 et 2015 dans la région du Ferlo, au nord du Sénégal. « Ce travail a consisté à évaluer les flux et les stocks d’azote et de carbone à l’échelle de ce territoire sur une année entière », précise Jonathan Vayssières, agronome modélisateur du Cirad, qui a supervisé cette thèse. Elle a notamment permis de réévaluer à la baisse les émissions de méthane issues de la digestion du bétail. Cette étude a aussi mis en évidence des effets indirects de l’élevage sur le bilan carbone de ces écosystèmes. « En consommant les végétaux, le bétail permet d’une part de limiter la production de méthane par les termites, et d’autre part de réduire le risque d’incendie. » Et au final, le bilan carbone de cette région est neutre, voire légèrement négatif.

Un bilan carbone qui dépend de la saison et du lieu

Cependant, une variation importante des flux d’azote et de carbone a été observée en fonction des saisons. « Pendant la saison des pluies, plus de gaz à effet de serre sont émis que lors de la saison sèche », déclare Mohamed Habibou Assouma. Ces émissions sont aussi plus importantes auprès des campements des pasteurs nomades et des points d’abreuvement du bétail. Et c’est là que certaines recommandations pourraient encore améliorer ce bilan carbone. « L’aménagement des points d’eau avec des abreuvoirs permettrait de limiter les émissions de méthane causées par le dépôt des bouses dans l’eau de zones temporairement inondées. » Stocker du fourrage au cours de la saison des pluies ou récolter les déjections pour produire du biogaz sont d’autres solutions envisageables.

L’élevage pastoral remis en valeur

Ces travaux, financés par le programme européen AnimalChange et la Banque Islamique de Développement (BID) et réalisés notamment avec l’aide de l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA), revalorisent ces espaces pastoraux.

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