Maladies émergentes | La surveillance de la fièvre du Nil occidental en Europe se renforce

Science en action 3 novembre 2020
Responsable de plus de 300 cas humains en Europe cette année, et récemment détectée au sein d’élevages de chevaux en Corse : la fièvre du Nil occidental gagne du terrain sur le vieux continent. Les équipes du Cirad s’intéressent à cette maladie « exotique » depuis plusieurs années. La recherche et la surveillance se poursuivent malgré la crise Covid-19.
Le moustique commun, Culex Pipiens, est le principal vecteur de la fièvre du Nil occidental. Chaque année dans le sud de la France, les scientifiques du Cirad capturent des milliers de moustiques pour estimer le taux de prévalence du virus chez ces insectes © F. Thiaucourt, Cirad

Transmis par de nombreuses espèces de moustiques, y compris celles très communes du genre Culex , le virus de la fièvre du Nil occidental est aujourd’hui présent sur tous les continents et toutes les latitudes, jusqu’au Nord du Canada et en Sibérie. L’épidémie de 2018 en Europe, qui a dénombré 2000 cas humains signalés et 187 décès confirmés, a fait revenir sur le devant de la scène une maladie parfois négligée. Au Cirad, divers travaux ont été réalisés ou sont en cours en Afrique, en Asie du Sud-Est et, pour le territoire national, en Guadeloupe et dans les départements du littoral méditerranéen.

« On a observé en 2020 une forte recrudescence de la fièvre du Nil occidentale en Espagne, dans les Balkans et Europe centrale, jusqu'en Allemagne , indique Renaud Lancelot, épidémiologiste au Cirad. Cette maladie représente un vrai défi pour nous, épidémiologistes, car elle est capable de circuler vite et grâce à de nombreux organismes. Une multitude d’espèces de moustiques peut transmettre le virus à de très nombreux hôtes vertébrés : reptiles, oiseaux, mammifères – y compris l’espèce humaine, rendant l’épidémiologie de cette maladie très complexe. »

Améliorer la coordination et le partage d’informations au niveau européen avec MOOD

Renaud Lancelot est coordinateur du projet de recherche et développement MOOD, qui vise à renforcer la veille sanitaire internationale. Après six mois d’évaluation des besoins en la matière auprès de 10 agences de santé publique humaine et vétérinaire de cinq pays de l’Union Européenne, la fièvre du Nil occidental s’affirme comme une maladie à surveiller.

« Le Bassin Méditerranéen et la Mer Noire sont particulièrement touchés, notamment car ils se trouvent sur la route des migrations d’oiseaux qui apportent le virus depuis les zones d’hivernage de la Vallée du Nil et de la région sahélienne, ou depuis les zones de nidification d’Europe et d’Asie centrale , explique Renaud Lancelot. Nous travaillons à mettre en réseaux les agences de santé française, italienne et espagnole - mais aussi d’Afrique du Nord, afin de standardiser et harmoniser les méthodes d’alerte précoce et de faciliter le partage d’informations. Notre capacité d’action dépend d’une meilleure connaissance de la situation épidémiologique vis-à-vis de cette maladie, et cela passe par une coordination régionale qui pourrait se faire via le Réseau Euro-Méditerranéen de Santé Animale, REMESA. »

Une maladie émergente encore peu connue

En Camargue et en région montpelliéraine, Serafín Gutierrez, écologue des arbovirus au Cirad, capture chaque année des milliers de moustiques et collecte des échantillons sur plusieurs espèces d’oiseaux. En effectuant différentes analyses permettant de détecter le virus du Nil occidental, le chercheur évalue la circulation du virus au sein des moustiques et de la faune sauvage.

« On accuse un véritable manque de connaissances sur l’écologie de ce virus, ce qui nous empêche de bien évaluer le risque épidémique , souligne Serafín Gutierrez. En 2018, par exemple, malgré plusieurs cas équins et humains dans le sud de France, moins d’un moustique collecté sur 1000 étaient porteurs…». Des résultats rassurants pour la région.

Les travaux de recherche pour mieux comprendre ce virus et sa circulation se poursuivent donc en Camargue, mais aussi au Maroc, au Sénégal, au Mali, à Madagascar, au Cambodge et en Guadeloupe.

Le Cirad, expert des maladies animales, aux avant-postes des maladies émergentes issues des animaux

Le Cirad dispose d’une expertise historique sur les maladies animales et de ce fait sur la surveillance des maladies infectieuses émergentes chez l'humain, dont 75 % proviennent du monde animal.

Les scientifiques du Cirad privilégient les approches de santé intégrée dites "One Health"/"Une seule Santé" , qui prônent l’interdépendance entre santés humaine, animale et des écosystèmes. En collaboration avec une grande diversité d'acteurs (populations locales, vétérinaires, écologues, professionnels de la santé,..), les chercheurs s’intéressent à la fois aux agents pathogènes, à leurs réservoirs animaux ou à leurs vecteurs (type moustiques, tiques), aux interactions pathogènes-vecteurs-animaux-humains, aux actions de surveillance, de diagnostic et de contrôle des maladies à déployer.

Parmi les agents pathogènes étudiés (avec leurs réservoirs ou vecteurs), on peut citer par exemple : les virus de la fièvre de la vallée du Rift, de la fièvre Nipah, de la fièvre Crimée-Congo, de l'encéphalite japonaise, Usutu, les virus Ebola et MERS-CoV.