Agriculture, richesse et grandes puissances : une nouvelle histoire du développement agricole

Vient de sortir 29 septembre 2020
C’est un nouveau récit de l’histoire agricole mondiale que nous offre Benoit Daviron avec son ouvrage Biomasse, une histoire de richesse et de puissance. Cet économiste au Cirad retrace, depuis le XVIe siècle, les rapports qu’entretiennent les nations dominantes à l’agriculture, à l’énergie et à la matière. Au travers d’un regard original, l’auteur décrypte les logiques sous-jacentes aux grandes transformations dans l’agriculture pour mieux identifier les leviers d’une transition vers l’agroécologie.
BIOMASSE, une histoire de richesse et de puissance. B. Daviron et L. Cordesse. Éditions Quae (couverture)

Quelles sont les grandes mutations qu’a connues l’agriculture en Europe et dans son extension nord-américaine ? Avec cet ouvrage, Benoit Daviron, économiste au Cirad, porte un regard original sur le développement agricole à travers l’histoire. Il décrit les mécanismes qui président aux transformations comme la « révolution agricole » de l’après-guerre et la « révolution verte » des pays en développement.

Du soleil au sous-sol, une histoire de l’énergie et de la matière

Très longtemps, les activités agricoles ont été la source de l’essentiel de la matière et de l’énergie utilisée par les sociétés humaines : alimentation, bien sûr, mais aussi fibres, engrais, chauffage, lumière, force de travail…. Depuis la fin du 18e siècle et la révolution industrielle, la force de traction des animaux est supplantée par les machines à vapeur, puis par les véhicules à essence. Les fibres de laine et de coton comme les vêtements et chaussures en cuir sont remplacés par des tissus synthétiques. Même les engrais et les pesticides résultent le plus souvent de l’industrie pétrochimique. Pour Benoit Daviron, « ce basculement d’un métabolisme solaire à un métabolisme minier est au moins aussi important que la révolution néolithique. Mais surtout, il a radicalement transformé la place de l’agriculture et, de fait, la façon de cultiver.  »

Deux transformations majeures depuis la révolution industrielle

Progressivement, les activités agricoles ont été réduites à leur vocation alimentaire. « Si bien qu’aujourd’hui, on se voit attaqué dès lors qu’on ose discuter d’autres usages de la production agricole. Pourtant, ce métabolisme minier a moins de deux siècles, c’est très court à l’échelle de l’histoire de l’humanité.  » Seconde mutation majeure, l’agriculture devient un secteur qui consomme de l’énergie, fossile en l’occurrence, quand auparavant elle en fournissait.

Puissance, richesse et modèle agraire

En complément de cette lecture par le prisme du concept de métabolisme, Benoit Daviron essaye d’expliquer le rôle de la compétition entre les grandes nations dans l’histoire agricole. Du XVIe siècle avec les Provinces-Unies (la Hollande), à nos jours avec les États-Unis, en passant par l’hégémonie du Royaume-Uni, comment l’agriculture a-t-elle été un des moyens de richesse et de pouvoir de ces nations dominantes ? Les rivalités entre grandes puissances sont des périodes extrêmement intéressantes comme celle qui oppose le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis au début du XXème. C’est là que se précisent les contours de l’agriculture dite naguère moderne, et aujourd’hui « conventionnelle ».

Les leviers de la transition ne viennent pas de la seule agriculture

Le principal enseignement de ce récit est que les transformations agricoles ne viendront certainement pas de la seule agriculture ni même des mangeurs. Pour l’auteur, « les modèles agricoles sont l’expression d’un rapport à la biomasse qui est une des composantes du régime métabolique et une des caractéristiques de la puissance hégémonique. Les questions qui se posent sont donc celles de l’avenir des États-Unis en tant qu’hégémon, de l’éventualité d’une succession chinoise, et de l’émergence ou non de signes de changement de régime métabolique.  »
« Cette conclusion ne remet pas du tout en cause le besoin d’innovations techniques et de connaissances, précise Benoît Daviron. La recherche scientifique devrait également regarder beaucoup plus ce qu’il se passe dans les pays émergents qui pourraient être les prochaines puissances hégémoniques de la planète, comme l’Inde et la Chine.  »

BIOMASSE, une histoire de richesse et de puissance
Benoit Daviron, Laure Cordesse
Collection Synthèses
Éditions Quae
Janvier 2020, 392 pages

Sommaire

Introduction globale
Partie I - Où l’on voit les Provinces-Unies bâtir richesse et puissance sur le commerce de la biomasse lointaine, 1580-1705
Partie II - Où l’on voit l’Angleterre s’imposer face à la France en tirant un meilleur parti de son territoire et de ses colonies, 1700-1846
Partie III - Où la Grande-Bretagne, devenue hégémonique, mobilise le monde pour s’approvisionner en biomasse et incite l’Europe à l’imiter, 1815-1913
Partie IV - Où la rivalité entre l’Allemagne, les États-Unis et les autres donne une place centrale à la chimie, 1865-1945
Partie V - Où l’on voit, avec l’hégémonie américaine, l’agriculture devenir « moderne », conventionnelle et alimentaire, 1945-1972
Partie VI - Hégémonie américaine, saison 2
Conclusion globale