Économie circulaire : transformer des déchets organiques en engrais

Science en action 11 janvier 2019
L’île de la Réunion importe des centaines de milliers de tonnes d’intrants agricoles chaque année. À l’autre bout de la chaîne, les déchets organiques issus des activités agricoles et agroalimentaires restent peu valorisés. Pour boucler la boucle, le projet GABiR, porté par le Cirad, a été lancé en 2017. Bilan à mi-parcours d’un projet en prise avec plusieurs défis environnementaux tels que le changement climatique, l’érosion des ressources ou la pollution des sols.
Les pailles de canne sont transportées vers les Hauts de la Réunion pour les élevages de bovins © F. Guerrin, Cirad

Encourager l’économie circulaire sur l’île

Comment optimiser une gestion circulaire et durable des biomasses ? C’est à cette question, particulièrement pertinente sur un territoire insulaire comme celui de La Réunion que s’attaque le projet GABiR (Gestion agricole des biomasses à l’échelle de l’île de la Réunion). Le moyen : appuyer la structuration ou l’émergence de filières de valorisation agricole de déchets organiques issus des activités agricoles et agroalimentaires tels que les effluents d’élevage, les déchets verts ou les résidus de culture. GABiR est coordonné par le Cirad et conduit avec de nombreux partenaires*.

Près de 8000 acteurs concernés

Le projet cherche à impliquer un large panel d’acteurs pour mieux raisonner l’utilisation des biomasses à l’échelle de l’île. Deux ans après le démarrage, les membres du projet se sont tout d’abord attachés à établir une photographie des transferts de biomasses actuels et des acteurs concernés. « Cet objectif est quasiment atteint  », précise Mathieu Vigne, coordinateur du projet avec son collègue Jonathan Vayssières, « même s’il est difficile d’obtenir une liste exhaustive compte tenu du dynamisme des secteurs et de la présence de filière informelle  ». Près de 8000 acteurs ont ainsi été identifiés. Ils sont issus de trois secteurs : agricoles, urbains et industriels.

Caractériser les biomasses valorisables

Parmi les biomasses valorisées ou valorisables en agriculture, celles produites par le secteur agricole lui-même représentent plus d’un million de tonnes, principalement sous forme d’effluents, de paille de canne ou de fourrages. Les sous-produits issus des activités agro-industrielles pèsent près de 900 000 tonnes (principalement de la bagasse). Enfin, les déchets urbains totalisent plus de 300 000 tonnes (déchets verts, déchets ménagers organiques et boues de station d’épuration). Une caractérisation de ces biomasses est en cours afin d’évaluer leurs potentiels agronomiques et zootechniques (teneur en matière sèche et en nutriments).

Consulter les acteurs pour surmonter les contraintes

Ce premier diagnostic pointe un certain nombre de contraintes à la valorisation de ces sous-produits : compétition entre types d’utilisation, coût économique élevé de leur transport, réglementation, acceptation sociale, méconnaissance et caractère informel des réseaux d’échanges, etc. Reste maintenant à faire émerger des solutions locales et régionales. Une consultation auprès des différents acteurs a abouti à une dizaine de propositions concrètes à l’interface du monde agricole, des industriels ou encore des collectivités. Parmi ces propositions, trois cas d’étude considérés comme emblématiques de la diversité des contraintes et des biomasses sont en cours d’approfondissement :

  • La recherche de solutions collectives pour mieux valoriser les effluents d’élevage dans un contexte d’urbanisation importante et de contraintes réglementaires.
  • La structuration de filières de co-compostage déchets verts/effluents d’élevage dans le sud de l’île où sont localisés l’essentiel des élevages de porcs, lapins et volailles.
  • La mise en place d’une filière d’échange de fourrages entre éleveurs à l’échelle de l’île.

Relayer les problématiques locales

Le projet GABiR se veut également être un relai des attentes des acteurs économiques, notamment sur les sujets qui ne pourront être traités dans le cadre du projet. Dans ce sens, une journée d’animation ouverte au public a rassemblé une centaine de personnes le 5 novembre dernier. Cette réunion visait à communiquer sur les avancées du projet et à favoriser les échanges entre acteurs du territoire. Elle a notamment permis d’interpeller les représentants de la Région sur la diversité des initiatives et le besoin de mutualisation de ces initiatives au sein d’une plateforme à construire. Elle a également permis aux parties prenantes du secteur de l’agriculture biologique de mettre en lumière les contraintes et besoins spécifiques de la filière. Ces échanges ont abouti à la décision de construire un groupe d’animation spécifique dans le projet pour construire un plan de réflexions et d’actions futures.

* Chambre d’agriculture de la Réunion, CRIPTIR, FRCA, Inra, Qualitropic, SAFER et l’Université de la Réunion.