Incendies de forêt : les priorités d’action pour l’Afrique et l’Amazonie

Call to action 13 September 2019
Durant l'été 2019, d’importants incendies se sont répandus en Amazonie et en Afrique centrale. Ces phénomènes attirent l’attention de la planète entière sur la nécessité d’une bonne gestion des forêts et des territoires. Le Cirad met à profit ses compétences pluridisciplinaires et son expertise du terrain pour accompagner les acteurs locaux dans la lutte contre la déforestation, la dégradation et pour promouvoir la restauration des paysages forestiers.
Une forêt dégradée en Amazonie vue de drone © C. Bourgoin, Cirad
Une forêt dégradée en Amazonie vue de drone © C. Bourgoin, Cirad

Une forêt dégradée en Amazonie vue de drone © C. Bourgoin, Cirad

La déforestation s’accélère et pèse de plus en plus sur le climat et le bien-être des sociétés. Les principaux moyens de défriche sont ces feux gigantesques qui ont défrayé la chronique ces dernières semaines et deviennent récurrents dans de nombreuses régions du globe. Pourtant, en zone de forêt comme en savane, les arbres permettent de faire face au changement climatique et à la dégradation des écosystèmes et des sols. 40 ans d’expérience de terrain, de partenariat et de recherche pluridisciplinaire font du Cirad un acteur privilégié pour accompagner les territoires dans la réduction de la déforestation et dans la promotion de la restauration des paysages forestiers.

L’Amazonie, proche du point de rupture

Si le recours au feu pour défricher la forêt n’est pas nouveau, le nombre d’incendies cette année au Brésil, lui, est singulier. Il a augmenté de plus de 83 % depuis le début de l’année par rapport à 2018 selon l’INPE, l’Institut brésilien de recherche spatiale. Cette recrudescence a fait le tour du monde médiatique depuis que le phénomène aurait plongé São Paulo dans le noir l’après-midi du 19 août dernier. Ces incendies sont une manifestation de la relance de la déforestation.
Depuis les débuts de la déforestation dans les années 1970, environ 20 % de la forêt amazonienne a été détruite et convertie en terre agricole. Certains spécialistes de l’INPE estiment que le point de rupture pouvant enchainer un processus de savanisation se situerait entre 25 et 30 %. Les conséquences seraient désastreuses pour l’ensemble de l’Amérique du Sud. Aujourd’hui, il est urgent de favoriser une véritable transition durable, agraire et forestière, capable de préserver et de restaurer les écosystèmes forestiers restants.

En Afrique, l’agriculture sur brûlis n’est plus durable

L’Afrique subsaharienne est elle aussi rongée par les flammes. Mais ces feux ne se situent pas dans la forêt du bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical après l’Amazonie. Ils touchent les savanes et les forêts sèches plus au sud, en Angola, en Zambie, etc. Ces écosystèmes sont traditionnellement incendiés tous les ans pour maintenir les espaces ouverts. En saison sèche, les feux permettent la repousse des herbes pérennes et procurent ainsi des pâturages à la grande faune et au bétail des pasteurs transhumants. Néanmoins, avec la croissance démographique, ces pratiques ancestrales de culture sur brûlis sont devenues une cause majeure de déforestation, mais aussi de dégradation des sols. Les rendements agricoles diminuent, ce qui entraîne une demande accrue de terres cultivables, donc de déforestation. Un véritable cercle vicieux. Et certains incendies incontrôlables deviennent des catastrophes mondiales du fait des quantités de gaz à effet de serre émis. Les feux représentaient près de 45 % du CO2 émis par le secteur d’utilisation des sols de l’Afrique entre 2000 et 2005.

Lutter contre la dégradation des forêts pour limiter les risques d’incendie

Or, les arbres contribuent à lutter contre le changement climatique. Le Bonn Challenge, un effort mondial dont le Cirad est partenaire technique, ambitionne de restaurer 350 millions d’ha de terres déboisées d’ici 2030. Trois initiatives ont été créées pour relever ce défi :

Mais planter des arbres n’est pas si simple. Un certain nombre de prérequis sont nécessaires : faire évoluer les perceptions, les politiques, les règles d’utilisation des terres, les pratiques agricoles, les usages informels de l’exploitation du bois et, enfin, mieux connaître les liens avec les chaînes de valeur des produits agro-industriels. Le projet Forland, mise sur ces leviers pour restaurer des paysages forestiers en Amazonie. Il fera l’objet d’un side event organisé par le Cirad au prochain congrès de l’Union internationale des instituts de recherche forestière qui se tient au Brésil du 29 septembre au 5 octobre prochain.

Protection des forêts et intensification de l’agriculture sont compatibles

Pour limiter les feux, il s’agit avant tout de mieux aménager le territoire. La lutte contre les incendies vient toujours trop tard et avec des moyens souvent insuffisants. Or, une forêt dense humide au couvert fermé, des espaces agricoles bien gérés, des zones humides conservées sont autant de barrières aux feux incontrôlables.
La gouvernance constitue aussi un levier essentiel. En Afrique ou en Amazonie, le Cirad accompagne des régions pilotes dans une gestion durable des ressources et du biome forestier. Ces territoires démontrent que la protection des forêts peut être compatible avec l’intensification de l’agriculture incluant l’élevage avec le développement économique des territoires. D’autant qu’en Amazonie, le contexte actuel est à la décentralisation progressive des responsabilités environnementales, de l’État vers les communes. Cette appropriation par les acteurs locaux est un phénomène nouveau et prometteur que le Cirad et ses partenaires soutiennent activement dans le cadre du dispositif en partenariat Amazonie.

   Mieux connaître l’écologie des forêts pour une exploitation durable

En Afrique, le Cirad est partenaire technique de l’Ofac, l’Observatoire des forêts d’Afrique centrale. Il a également coordonné les projets DynAfFor et P3FAC qui ont aidé à mieux comprendre le fonctionnement des forêts d’Afrique centrale. Ces connaissances permettent, par exemple, la plantation d’espèces autochtones de bois d’œuvre.
En Amazonie, le dispositif TmFO (Tropical managed Forest Observatory, Observatoire des forêts tropicales aménagées) est l’unique observatoire de la résilience des forêts tropicales exploitées dans le monde. Son objectif principal est de formuler des recommandations pour une sylviculture durable. Un enjeu de taille sachant que 75 % des forêts tropicales sont perturbés par les activités humaines, ce qui favorise les feux provenant des zones ouvertes et accentue la dégradation du milieu.