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Biodiversité et services écosystémiques font bon ménage
Changement climatique : intégrer atténuation et adaptation [PDF]
Bruno Locatelli
Lima, Pérou
Biens et services des écosystèmes forestiers tropicaux
12/2015
L’adaptation et l’atténuation ont toutes deux pour objectif de lutter contre le changement climatique, mais avec des moyens différents : la première s’attaque à ses conséquences, en réduisant la vulnérabilité sociale et écologique ; la seconde traite ses causes, en limitant les émissions de gaz à effet de serre. Deux stratégies complémentaires, que les projets auraient tout intérêt à combiner pour améliorer leur efficacité et, surtout, éviter les incohérences et les conflits. C’est la conclusion à laquelle les chercheurs du Cirad et leurs partenaires sont parvenus en analysant plusieurs projets de lutte contre le changement climatique dans les domaines de l’agriculture et de la foresterie.
L’adaptation et l’atténuation sont deux stratégies de lutte contre le changement climatique, qui procèdent avec des moyens différents. La première s’attaque aux conséquences du changement climatique et cherche à réduire la vulnérabilité sociale et écologique. La seconde traite ses causes et vise à limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Si plusieurs études mettent en avant les synergies possibles entre ces deux approches, on a tendance à les considérer séparément parce qu’elles opèrent avec des échéances et des échelles différentes. Quand l’atténuation vise le long terme et l’échelle mondiale, l’adaptation porte sur le court terme et l’échelle locale.
Cette séparation est d’ailleurs logique pour certains secteurs comme l’énergie, plutôt concernée par l’atténuation en raison de ses fortes émissions, ou la santé, surtout préoccupée par l’adaptation aux variations climatiques.
Mais dans d’autres domaines, comme l’agriculture et la foresterie qui affectent à la fois les émissions et la vulnérabilité des écosystèmes et des populations, il n’y a aucune raison de dissocier adaptation et atténuation. Il est même essentiel de les combiner si l’on veut améliorer l’efficacité des projets sur le changement climatique et surtout éviter les incohérences et les conflits.
Des chercheurs du Cirad et leurs partenaires ont étudié comment ces deux approches étaient mises à contribution dans la conception de projets sur le changement climatique en agriculture et en foresterie dans les régions tropicales.
Ils ont analysé plus de 200 documents de description de projets concernant 68 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, dans les portefeuilles de fonds d’adaptation, de mécanismes d’atténuation ou de standards de certification de projets.
Alors qu’on pouvait supposer que la plupart des projets se concentreraient sur une seule approche, les auteurs ont constaté que 42 % des projets d’atténuation mentionnaient une contribution à l’adaptation et que 30 % des projets d’adaptation s’intéressaient aussi à l’atténuation.
De plus, presque tous les documents de projets, qu’ils soient d’atténuation ou d’adaptation, pourraient faire valoir une contribution à l’autre objectif. Avec quelques ajustements, tous les projets pourraient donc contribuer à la fois à l’adaptation et à l’atténuation.
Par exemple, certains projets de réduction des émissions issues de la déforestation et de la dégradation des forêts (REDD+) visent à diversifier les moyens de subsistance des populations : ils combinent déjà ces deux approches puisque cette diversification peut réduire la vulnérabilité des populations face aux variations climatiques et augmenter leur capacité d’adaptation.
Le fait d’ignorer l’une de ces approches peut d’ailleurs avoir des effets néfastes et entraîner des conflits.
Si, pour maximiser la séquestration du carbone dans une région soumise à la sécheresse, on plante des arbres à croissance rapide qui consomment beaucoup d’eau, on risque d’exacerber les problèmes locaux d’accès à l’eau pour les habitants, qui deviendront ainsi plus vulnérables au changement climatique.
De même pour les projets d’adaptation de l’agriculture. Pour réduire la vulnérabilité de l’agriculture à la sécheresse, on peut utiliser des modes d’irrigation qui nécessitent beaucoup énergie ou recourir à la fertilisation, mais les émissions de gaz à effet de serre vont alors augmenter : les récoltes seront moins sensibles au changement climatique, mais elles entraîneront un accroissement du changement climatique mondial.
Cela dit, les auteurs estiment qu’il n’est pas question d’imposer l’intégration de ces deux approches dans tous les projets et toutes les politiques. Les développeurs de projets et les décideurs politiques doivent avoir de bonnes raisons de le faire, mais ils doivent avant tout être conscients qu’il est possible de le faire sans pour autant bouleverser la conception de leurs projets et en augmenter les coûts.
La création du Fonds vert pour le climat devrait permettre de mieux prendre en compte les synergies entre adaptation et atténuation. Les standards internationaux, eux aussi, peuvent jouer un rôle dans ce domaine, car certains, comme le CCB (Climat, communauté, biodiversité), demandent de tenir compte de l’adaptation pour atteindre un niveau supérieur de certification.